vendredi 20 mars 2015

Racines

Aujourd'hui, ce matin exactement, il y avait une éclipse solaire ou lunaire, je ne sais plus, je ne me rappelle plus de la différence, mais le ciel était tellement nuageux qu'ici, à Rennes, c'est comme s'il ne s'était rien passé. J'ai donc suivi l’événement à la télé et il est vrai que le spectacle est quand même impressionnant.

Auparavant, après une nuit hachée, je m'étais donc levé vers 4h30 du matin. J'ai été dans le salon, me suis allongé sur le canapé et, avec un certain plaisir, j'ai écouté le silence. D'ordinaire, lorsque je me levais, j'allumais de suite la télévision pour regarder et écouter les chaînes d'infos en continue, ceci afin d'éviter justement d'être seul avec le silence. Mais depuis quelques jours je m'aperçois que je ne le fais plus et n'allume la télé qu'une fois mon esprit parti dans je ne sais quelle pensée qui me dérange. La télé devient alors le disjoncteur de mon esprit, de mes pensées, ces dernières restant focalisées sur l'actualité du jour.

Ce matin, horaire de travail oblige, Cynthia s'est également levée tôt, vers 5h00. Ainsi, jusqu'à son départ pour la gare vers 6h10, j'eus le plaisir de la voir émerger de son manque de sommeil, car visiblement elle n'avait pas assez dormi, de la voir prendre tranquillement son petit-déjeuner, ses tartines au beurre de cacahuète, beurre fait maison, par ses soins. Oui, une heure en sa compagnie est quelque chose de rare en semaine, alors j'en ai profité, remettant à plus tard mon couché car levé si tôt, j'étais également fatigué. Je me suis donc rendormi vers 7h30 pour me réveiller ensuite à 9h00, car à 9h30 j'avais rendez-vous avec mon médecin généraliste pour un renouvellement d'ordonnance. Je suis arrivé à son cabinet non coiffé, mes cheveux gris et blanc tout en broussaille, allant dans tous les sens, un peu coiffé comme un punk.

Ce matin, c'est un rêve, un de plus, qui m'a réveillé à 4h30. Je ne me souviens plus de sa teneur, je sais simplement qu'il y avait Christophe, un cadre supérieur qui travaille dans le groupe Vinci et que j'avais connu à Paris il y a dix ans, alors que j'étais retourné habiter chez ma mère dans le seizième arrondissement, l'un des trois arrondissement où le mètre carré est le plus cher à Paris, un arrondissement de riches donc, un endroit où ne peuvent habiter ouvriers ou employés, hormis en HLM. C'est Tony, mon meilleur ami, qui me l'avait présenté. Christophe est toulousain d'origine et mesure au moins 1,90m. Je l'ai toujours connu travaillant pour le groupe Vinci, que ce soit à Paris ou, plus tard, lorsqu'il fut muté à Moscou, puis au Qatar, pour revenir enfin en France il y a deux ans. A présent, à force d'avoir gravi les échelons au sein de son entreprise, il est le directeur de la région toulousaine, la boucle étant ainsi bouclée. Pourquoi ais-je rêvé de lui, c'est un mystère ? Même s'il est vrai que je le côtoyais souvent lorsque nous étions tous les deux sur Paris, nous n'étions pas amis pour autant. Par exemple, jamais nous n'avons pris un verre ou dîner ensemble, seuls, en tête-à-tête. Non, c'était du bon compagnonnage, mais pas plus que son monde, son univers où l'argent avait une importance capitale, ne m'intéressait, pas plus mon univers ne l'intéressais. Cela ne nous empêchais pas de discuter du capitalisme, du socialisme, de l'exploitation de l'homme par l'homme, mais l'un et l'autre étions chacun d'un côté de la barrière, face à face, et nous en avions bien conscience. C'était un travailleur, un vrai, il se donnait à fond dans son job, mais c'était aussi un fêtard. Plus d'une fois, en compagnie d'autres amis et copains de la porte de Saint-Cloud, endroit où nous habitions tous, nous faisions des soirées foot. Nous nous réunissions alors « Aux trois obus », l'une des grande brasserie située sur la place de la porte de Saint-Cloud, y réservions la salle du fond où était installé un grand écran et dînions ensemble tout en suivant le match de foot. Personnellement, le foot ne m'intéressai pas, mais je participais à ces moments de convivialité où le foot n'était qu'un prétexte pour nous réunir. Quoi qu'il en soit Christophe et moi n'avons jamais été plus loin dans notre relation et je ne comprends donc pas pourquoi j'ai rêvé de lui cette nuit. Comme Freud a instauré que chaque rêve devait être interprété, que chaque rêve voulait dire quelque chose, que c'est notre inconscient qui parlait à notre conscience et qu'il nous fallait décoder son langage, je m'interroge donc. Christophe symbolise-t-il ce que je n'ai pas été, socialement parlant, alors qu'au départ, alors que je travaillais dans les compagnies d'assurances, toutes les chances étaient de mon côté pour que je réussisse socialement ? Peut-être. Est-ce que j'éprouve en conséquence une forme de jalousie envers lui ? Peut-être. D'ailleurs, si je suis franchement honnête avec moi-même, je sais que je suis jaloux de tous ceux et celles qui réussissent socialement. Est-ce à dire qu'ils me sont antipathiques ? Pas du tout. J'apprécie ou non les individus à travers les valeurs qui sont les leurs, non à travers leur classe sociale, et c'est surtout sur leurs actes que je les juge comme je me juge. Cependant je ne peux cacher que j'ai en général un a-priori négatif sur les riches, sur ceux qui, comme Christophe, gagne plus de 10 000€/mois, sur ceux, comme dans la famille de mon père, au Maroc, ont des fortunes considérables. Oui, eux ne se mélange guère avec la populace, ni même avec les classes moyennes, et lorsqu'ils le font, c'est rarement à leur initiative. L'importance de l'argent, du montant de votre compte en banque, est cruciale pour eux. De même, vous aimez ou non est presque accessoire dans le type de relation qu'ils nouent entre eux. L'important, encore une fois c'est l'argent. Comment en avoir plus, comment faire fructifier celui qu'on a déjà, où investir, avec qui, où trouver du bénéfice à se faire et peu importe qui vous êtes ? Oui, c'est un monde qui n'est pas du tout le mien. Par caractère, je serai incapable d'être en relation avec quelqu'un qui me déplaît, qui ne m'inspire pas confiance, et peu importe sa fortune. Plus d'une fois je me suis écarté de ce genre de personne, y compris dans la famille de mon père, car je les sentais trop hypocrite, trop faux.

Je m'aperçois que je parle de « famille de mon père » comme si ce n'était pas la mienne également. Il faut dire que je n'en connais qu'une infime partie et que je ne vois ceux que je connais qu'une fois tous les dix ans. Mon père était donc un marocain, il est mort en 2002, et même si je suis né au Maroc, j'en suis parti à l'âge de cinq ans, n’ai pratiquement aucun souvenir de cette période, ne parle pas l'arabe. Lorsque mes parents prirent la décision de s'installer en France, ma mère étant française, bretonne, presque immédiatement nous avons habité Paris. C'est donc Paris, ses codes, ses valeurs, son système qui m'a fait et tout ce que je connais, absolument tout, c'est à Paris que je l'ai appris. Dans une certaine mesure je pourrai même dire qu'avant d'être français, je suis avant tout un parisien qui se revendique tel quel, avec les aspects positifs et négatifs que cela implique pour ceux et celles qui ne sont pas parisiens. Quant au Maroc, je n'y suis retourné que deux fois dans ma vie, trois mois en tout, et là-bas, je le sais bien, ce n'est pas mon pays tant beaucoup de nos valeurs, telle la liberté d'expression, ne peuvent s'afficher au grand jour. De même, que cela me plaise ou non, je suis complètement imbibé de la culture chrétienne. Non seulement j'ai lu l'ancien et le nouveau testament, mais j'ai été également scouts de France, assistant ainsi aux messes dominicales alors que je ne suis même pas baptiser. Je sais ce qu'est un baptême, une communion, je sais ce que cela signifie et pourquoi ces rites existent. Mais au Maroc, c'est une culture musulmane, des valeurs que je ne connais pas du tout. J'ignore tout du Coran, ne l'ai jamais lu, mais j'ai bien vu les rares fois où j'étais là-bas qu'une femme n'était pas l'égal de l'homme, que le droit d'aînesse n'était pas un vain mot, que l'on ne pouvait ouvertement critiquer la religion, le roi et beaucoup d'autre chose encore. Non, ce pays n'est pas le mien, même si j'y ai des racines, mais en rien il n'a participé à faire de moi ce que je suis, ce que je pense ou ce que je fais aujourd'hui. A la limite, être originaire de là-bas et vivre, grandir, me construire en France, a été plus un handicap qu'autre chose. Mais de la même manière, lorsque je suis au Maroc, y compris au sein de ma famille, pour eux je suis un Français, pas un marocain, d'autant plus que je ne parle même pas ma langue paternelle.

Tout cela me ramène à la question de l'identité, de mon identité, question qui m'a taraudé l'esprit plus de trente-cinq ans, années pendant lesquelles je me suis demandé qui j'étais, de quelle patrie je pouvais me réclamer, s'il y avait un place pour quelqu'un comme moi en France. Plus d'une fois l'idée de quitter la France m'a traversé l'esprit. Je me disais : autant habiter un pays étranger, autre que le Maroc ou la France, car là au moins je saurai qui je suis, ce que je suis, autrement dit un étranger. Je n'aurai plus à me poser de question, à me comparer à mes comparses pour savoir si j'étais un « bon » français ou non, un « bon » marocain ou non. Dans un pays étranger, les gens pourraient me pointer du doigt en me désignant comme « étranger », certains pourraient même me rejeter pour cela, mais dans ces circonstances j'accepterai aisément cette définition que ferait l'autre de ma personne. Mais ici, en France, ne connaissant que Paris et uniquement Paris jusqu'à mes vingt ans, comment accepter d'être pointé du doigt ? Ceux qui le font, ont-ils vraiment tort ? Suis-je véritablement l'un des leurs ou est-ce un leurre que je me fais ? De même, ayant grandi dans seizième arrondissement de Paris, un arrondissement fait pour les riches où la mixité sociale et raciale n'existe pas, je n'ai grandi qu'avec des blancs autour de moi. Ayant pris cette habitude dès mon plus jeune âge, celle de ne côtoyer que des blancs, aujourd'hui encore il en va ainsi. A part Luc qui est noir, Luc qui est un ami depuis mon adolescence, toutes les autres personnes que je fréquente sont blanche, Tony y compris, même si lui est d'origine portugaise. Je n'ai jamais eu d'ami arabe et ce, depuis l'enfance. Souvent je me suis interrogé sur ce fait. Était-ce une manière inconsciente pour moi de ne pas être assimilé à eux ? Cela sous-entendrai que j'aurai honte de mes racines, peut-être même aujourd'hui encore. Mais quelles sont mes références en terme de racine ? Ma seule référence est mon père et, du fait de son parcours, de ses comportements en famille, il n'a pu être pour moi un modèle. C'est même le contraire, il a été ce que je ne voulais pas être. Certaines de ses tares, comme frapper ma mère, j'ai pu faire en sorte qu'elles ne deviennent pas les miennes. Jamais je n'ai frappé une femme et, je le sais, jamais cela ne sera. De même, face à l'échec, face aux problèmes, mon père était un lâche et laissait à ma mère, ou à d'autres personnes, le soin de résoudre les problèmes. Laissez à lui-même, tel que ce fut le cas lorsque mes parents divorcèrent, il ne pouvait que s'enfoncer et c'est bien ce qui s'est produit. Autant ma mère était et est toujours une battante, autant lui ne l'était pas du tout. Donc là aussi, j'ai essayé de ne pas lui ressembler. Cela n'a pas toujours marché en temps et en heure, c'est vrai, car face à certains types de problèmes ma première réaction étaient de déjà baisser les bras. Cependant, il est toujours arrivé un moment où un déclic se faisait dans ma tête, je retroussais alors mes manches et allait affronter le problème en question, histoire de le résoudre et qu'il n'existe plus. Le seul problème que je n'ai pu résoudre fut celui de ma relation avec ma fille et sa mère. Mais là, même si j'en ai souvent eu la tentation, jamais je n'ai baissé les bras. Je voulais être près de ma fille, pas à des années-lumières, mais cela n'a jamais pu se faire. C'est donc toujours pour moi un problème, mais là encore, afin de ne pas ressembler à mon père qui ne s'est jamais occupé de ses enfants, je veux toujours m'occuper de ma fille. Mais la distance, les kilomètres entre elle et moi, le manque d'argent, tout cela n'aide guère à le faire.

J'écris, j'écris, et je constate que mes préoccupations sont toujours les mêmes. Tantôt c'est ma maladie, tantôt c'est ma fille, comme si c'était mes deux seuls véritables problèmes. Quelque part ce n'est pas faux, car ces deux problèmes me semblent insolubles. L'évolution de mon cancer ne dépend pas de moi, je ne peux que prendre acte de sa présence, de son évolution ou de sa régression, mais je dois faire avec, quoi qu'il en soit.
Avec ma fille, parce que depuis sa naissance nous n'avons pour ainsi dire passé qu'un mois par an ensemble, nous nous méconnaissons complètement. Oui, même si cela me chagrine fortement, je perçois ma fille comme une étrangère, une personne que je connais moins bien que mon docteur ou mon pharmacien. Du coup, même si je reste moi-même lorsque je suis avec elle, je ne sais pas pour autant comment elle me perçoit, comment elle prend ou interprète mes réactions, mes mots, ma condition physique. Je pense que pour elle aussi je suis un espèce d'étranger et que de son côté elle reste sur ses gardes envers moi, ne sachant comment je réagirai en fonction de ses comportements et mots habituels. J'éprouve notre relation comme un immense gâchis, plus pour elle que pour moi, et je ne vois pas comment le futur, aussi long soit-il, pourra combler ou réparer ce fossé qu'il y a entre nous. J'ai une enfant, certes, mais je ne suis pas son père pour autant. Elle a un géniteur qu'elle connaît, certes, mais qui n'est pas son second parent pour autant. Depuis que j'ai appris que j'avais un cancer, je me suis fait une raison de tout cela, j'ai accepté que jamais je n'ai été son père et que, certainement, jamais je ne je le serai. Peut-être deviendrais-je une espèce de confident, ce dont je doute, bref, je me demande comment notre relation évoluera.

Mais bon,assez parlé de problèmes, à force cela devient oppressant, voire parfois stressant. Oui, j'aimerai écrire sur des choses plus légères, moins tordues, ou le sourire se dessinerait à travers les mots, où l'on devinerait une joie de vivre. Immédiatement je pense alors à Cynthia, ma véritable soupape de sécurité, de plaisir, de petits bonheurs cumulés, comme assister à son réveil par exemple, juste le simple fait de la voir, de l'entendre, y compris dans ses silences, de l'observer se mouvoir d'une pièce à l'autre, d'un bout du salon à l'autre, s'asseoir, s'allonger sur le canapé, la voir travailler ses cours, ceux destinés à finaliser son Master 2 et ceux qu'elle prépare pour ses élèves. Parfois je la vois corriger les copies de ses élèves, y mettre des annotations, bref je vois de l'intérieur le véritable travail d'un professeur et le temps qu'il lui faut pour mener à bien sa tâche. Il leur faut plus de temps pour préparer leur cours que pour les donner puis les corriger. Oui, le plus fastidieux, le plus difficile et le plus long est la préparation des cours, des séquences qui s’étalent sur trois, quatre cours d’affilés, voire parfois plus. Toute la séquence doit être prête à l'avance, avant même le premier cours sur un thème donné, la poésie par exemple. Oui c'est du boulot, du boulot invisible à nos yeux puisque fait chez soi, en vase clos, avec des livres, des revues,  bref tout type de support pour mener à bien sa tâche. Cynthia ne compte pas ses heures, elle se donne à fond car elle veut bien faire et a l'ardent désir de transmettre à ses élèves sa passion pour la littérature, l'écriture, les mots et toutes les beautés que l'on peut faire avec. Pour sa première année en faction, avec les deux classes sont elle a la charge, 70 élèves au total, son pari semble gagné. Les élèves l'apprécie et apprécie ses cours. Bientôt m'a-t-elle dit, elle se filmera entrain de donner ses cours. Je ne sais plus quel est l'objectif, le but de ce film, mais je suis curieux de la voir à l’œuvre, de la voir dans cette posture que je ne lui connaît pas. De même, je suis curieux de voir le comportement des élèves à son égard, des élèves qui ont tous au moins seize ans, qui sont dans l'apogée de l'adolescence et de l'affirmation de soi.

Tout cela me ramène à Combourg, ville proche de Rennes, où elle enseigne. Dans quelque mois tout sera fini, le déménagement se fera et bonjour le Jura. Un autre monde, un nouvel univers où, je l'espère, nous y trouverons notre compte comme nous l'avons trouvé à Rennes.

J'aimerai écrire de la poésie, même en prose, quelque chose de poétique qui me change un peu de toutes mes masturbations mentales, mais la poésie exige un certain état d'esprit, de certains état d'âme qui ne peuvent s'actionner sur commande, en tout cas chez moi. Auparavant j'écrivais beaucoup de poèmes, ils étaient mon langage secret, celui à travers lequel je pouvais tout dire, absolument tout, y compris le tragique sans pour autant le nommer. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai perdu les clefs de ce langage et, désespérément, j'essaie de les retrouver, mais rien n'y fait, elles me sont toujours inaccessibles. Effectivement, dès que je pense poésie, de suite c'est comme si mon esprit était encombré, submergé, que ma tête était pleine comme si j'avais un maux de tête, qu'il n'y avait plus de place sous mon crâne pour voir l'ensemble, le panorama complet, du sujet ou du thème que j'aimerai traité. Les mots qui me viennent sont tous banals, aucune belle sonorité ne s'en dégage, pas plus que n'y respire un sentiment. C'est à croire que dans ces moments-là je suis devenu insensible, incapable d'éprouver de la colère ou de la joie, de l'amour ou de la haine, de la compassion ou du rejet. Enfin de compte, je suis dans l'état dans lequel j'ai plongé depuis l'annonce de ma maladie, dans le recul, le détachement, voire le replis sur soi, et tout cela n'est pas compatible avec l'écriture poétique. C'est peut-être bien pour l'écriture narrative, que l'on se raconte soi ou ce qui est alentour, mais inefficace pour donner de la beauté, une âme, à ce que l'on narre. Oui, contrairement à hier, mon écriture est devenue de plus en plus descriptive, moins subjective, moins empreint d'une recherche de l'élégance dans le phrasé, moins enclin à chercher le superbe dans la plus petite des anecdotes. Hier je n'avais nul besoin d'inspiration pour écrire poétiquement, avec ou sans rimes, en alexandrin ou non. Tout était matière à la poésie, absolument tout les sujets, mais c'était une époque où je vivais pleinement tout ce qui me traversais alors, le bon comme le mauvais, mais depuis que j'ai appris mon cancer, c'est comme si plus rien ne m'affectait réellement, comme si plus rien ne me touchait au plus profond de mes entrailles, un peu comme si plus rien n'était véritablement sérieux, comme si plus rien ne méritait qu'on s'attarde à fond sur lui, elle ou un objet.

Je voudrai sortir de cet état d'esprit, sincèrement, mais je ne vois pas comment faire, je ne vois pas la porte d'entrée, je n'en vois même pas la poignée. Dit en d'autre terme, je ne suis plus le torturé que j'étais naguère, je ne suis plus dans une quête effrénée à la recherche de je ne sais quelle vérité, je ne suis plus le père anéanti parce qu'il est loin de son enfant, je ne suis plus l'homme ravi, heureux, enchanté d'être avec une femme qu'il aime, non, je ne suis plus tout ça. C'est comme si mes émotions, mes sentiments, tous, avaient diminué en intensité, en profondeur, et que je n'en éprouvais plus que la surface.


(20 mars 2015)

2 commentaires:

  1. Je suis désolée de ne pas répondre à tous vos écrits mais le temps me manque souvent
    Je vous le redis, je ne veux pas vous blesser quand je parle de votre fille; j'essaie de comprendre. Vous dîtes que vous avez été la seule victime; je crois que votre fille a été aussi victime de la situation. J'espère de tout cœur que les moments que vous allez passer avec elle à Pâques seront très positifs.
    J'essaie de vous aider un peu, peut-être maladroitement. Vous semblez bien seul et souvent très triste
    C'est vrai que c'est plus facile de parler du cancer avec une personne qui a vécu un peu les mêmes galères et qui vous est totalement inconnue; l'anonymat a du bon
    Curieusement, nous n'avons pas que le cancer en commun; mon père est mort quand je n'étais qu'une petite fille, et nous avons mon mari et moi deux belles filles marocaines et cinq petits enfants franco marocains. ce petit monde vit en France mais nous essayons de respecter leur culture maghrébine. La double culture est sûrement une chance même si cela soulève parfois quelques petits problèmes. Votre père ne s'est pas occupé de vous mais au Maroc l'éducation des enfants est l'histoire des femmes; les hommes ne s'en mêlent pas. Chez les plus jeunes marocains, actuellement,, cala a tendance à changer. Ils évoluent aussi.
    En France, il est vrai qu'en cas de séparation, on confira plus facilement l'enfant à la mère qu'au père. Je crois que ce rôle remonte à la nuit des temps; les femmes soignaient les enfants et s'occupaient du feu pendant que les hommes allaient à la chasse
    Je dois oublier encore beaucoup de choses que j'aurais aimées vous dire
    Ah oui quand on a ou qu'on a eu un cancer, on a vis à vis des choses de la vie un certain détachement. Ou du moins on essaie d'aller à l'essentiel
    Je vous souhaite un bon dimanche. Avez vous vu les grandes marées?
    Très amicalement à vous et à votre amie


    RépondreSupprimer
  2. Chère Mamy, arrêtez d'être désolée de ne pas commenter tout ce que je publie, cela équivaudrait à ce que vous ouvriez votre propre blog. Déjà, c'est vraiment gentil de me laisser des commentaires, vos appréciations, vos conseils, car croyez-le ou non, mais cela m'aide beaucoup plus que vous ne semblez pouvoir le penser (sur ce point, vous êtes comme votre fille).

    Dans l'histoire de ma séparation, il est clair, limpide, que ma fille est celle qui a le plus souffert (et souffre peut-être encore) de cela. C'est pour moi une évidence et c'est la raison pour laquelle, lorsque nous nous retrouvons ensemble, j’essaie qu'elle soit le plus épanoui possible. Est-ce que j'y parviens, là est la question?

    Concernant la double-culture, sincèrement je ne me sens plus du tout concerné tant je méconnais la culture marocaine, l'islam et tout ce qui va avec. Je sais simplement que le peu que j'en connais, y compris le rôle de la femme en tant que mère "seule" pour élever les enfants, sont des valeurs, des normes, des comportements qui ne correspondent pas du tout à ma vision occidentale, française, parisienne, des choses. Depuis l'enfance j'ai été élevé dans l'esprit de l'égalité entre les garçons et les filles, les hommes et les femmes, où nulle place dans notre société n'est spécialement réservée à tel ou tel sexe, d'où d'ailleurs ma grande surprise lorsque j'ai constaté qu'ici, en France, un père n'était pas traité comme une mère par notre justice aux affaires familiale. Cela a été une grande claque dans ma gueule (excusez-moi pour cette expression, mais c'était bien cela). Depuis, à cause de cette discrimination totale, je vous avoue que j'entends d'une toute autre oreille tout ce qui concerne les droits des femmes (en France), leurs combats et leurs demandes. Mais bon, cela est un autre sujet...

    Quant au grande marée, à cause de ma santé, des effets secondaires de ma radiothérapie qui se manifestent depuis une semaine et qui me mettent chaos, je n'ai malheureusement pas pu me déplacer.

    Quoi qu'il en soit et comme vous le dites si justement, l'important est effectivement d'aller à l'essentiel, d'oublier ou au moins de digérer une bonne fois pour toute les déboires d'hier, et de profiter, tant que faire se peut, du moment présent et des joies qu'il peut nous procurer.

    Encore une fois, merci beaucoup pour vos mots et sachez que je prend réellement plaisir à vous répondre. Je vous embrasse très amicalement et vous souhaite surtout une bonne santé afin que vous puissiez profiter aussi longtemps que possible de toute votre famille !

    RépondreSupprimer