jeudi 12 mars 2015

Mon psychiatre

J'ai passé la mâtiné à retranscrire l'enregistrement de l'une de mes journée de décembre 2013, mois où j'étais en pleine période d'examen quant à mon cancer dont je ne connaissait l'existence que depuis quatre semaine. Dans cette enregistrement je parle de la famille et beaucoup de ma nièce. Je retrouve également ma voix de l'époque, son timbre, son ton, sa tension sans cesse au bord de je ne sais quelle panique, bref quelqu'un qui n'était ni tranquille ni rassuré, qui se cherchait comme je me cherche encore aujourd'hui.

Auparavant j'ai vu mon psychiatre et d'un commun accord nous avons mis un terme à nos séances. Si d'aventure j'avais plus tard le moral trop en baisse, sait-on jamais, alors je le recontacterai.

De même, suite à un message que j'ai laissé sur mon mur de facebook, message où je m'interrogeais sur la nécéssité de me soigner ou non, de rester dans ce monde de merde ou de le quitter au plus tôt, Cynthia m'a répondu. Autant dire que ses conclusions quant à mes questionnement l'on passablement énervé, tendu, ce que je ne peux que comprendre. En ce moment, mais peut-être est-ce le fait de me replonger en 2013, dans les retranscriptions des enregistrements d'alors sur dictaphone, qui joue sur mon humeur, mon état d'esprit. Oui, entre mon journal et mes retranscriptions, j'ai l'impression d'être dans une sorte de testament. Cependant, bien plus qu'une impression, je crois que c'est une évidence. Je prépare, à ma façon, ma fin et, cette dernière, je l'espère venir assez tard pour que je vois ma fille grandir encore un peu, mais également assez tôt pour quitter notre monde, celui de l'homme, qui ne trouve décidément plus de grâce à mes yeux. J'ai bien compris qu'ici, en France, je ne pourrai pas mourir comme je l'entends puisque la loi sur l'euthanasie, la mort assistée ne sera pas votée par nos députés. Alors je vais me renseigner sur ce qu'il en est en Suisse et en Belgique, pays où légalisé la mort assistée. Oui, il est hors de question que je finisse mes jours dans un hôpital, entre ses quatre murs et lorsque mon cancer ne sera plus soignable, lorsqu'il se sera généralisé, je veux dès lors prévoir la date de ma mort et tout mettre en œuvre afin qu'il en soit ainsi avant que je ne devienne un légume. Tout cela est égoïste, purement égoïste, j'en ai bien conscience, et mon entourage n'aura que ses yeux pour constater mon départ et le pleurer. Oui, si aucun enfant n'impose sa présence, sa vie, moi j'imposerai ma mort au moment où je le jugerai opportun. En attendant je me soigne sans aucune conviction, laisse les médecins faire tant que ce n'est pas trop pénible pour moi, mais déjà de me sentir diminué, pas seulement physiquement, mais également psychiquement, ne me donne guère l'envie de faire des efforts supplémentaires pour entretenir ma santé, ne serait-ce qu'en faisant un peu de sport, en marchant un peu plus longtemps chaque jour.

Puisque je suis dans un état d'esprit testamentaire en ce moment, ce serait mentir que de dire que j'apprécie le moment présent. Certes, je le vis, mais ne cherche pas du tout à en profiter dans le sens d'y chercher ou de me donner du plaisir. Mes écrits seront la seule trace que je laisserai à mes proches  et tous ces écrits, qu'ils soient d'hier ou d'aujourd'hui, sont mon testament. J'y lègue mes humeurs d'un jour, mes états d'âme, mon histoire, mon passé, mon présent actuel, bref de l'immatériel, du sentiment, de l'émotion, de la sensation. Comment me verront-ils ou comment, déjà, me voient-ils à travers ce que je publie ? Je n'en ai nulle idée, hormis lorsque Cynthia et moi en parlons, très ponctuellement il est vrai, car son emploi du temps est surchargé.

Je pense aux prochaines métastases que l'on m'annoncera. Je ne suis pas dans l'inquiétude, mais plutôt dans l'impatience. Même si je sais que j'aurai peur à chaque fois que l'on m'annoncera la présence d'une nouvelle métastase, je sais également que ce fait me rapprochera un petit peu pus encore de mon but, à savoir quitter le monde de l'homme.

Avec mon psychiatre, si nous avons rompu les séances, c'est parce que je crois qu'il a compris que je ne désirai vraiment pas me battre pour survivre, pour lutter contre la maladie. A partir de là, à quoi me sert-il, question qu'il m'a effectivement posé. Je lui ai répondu qu'il me servait à ne pas prendre plus de Xanax que je n'en prends déjà, mais que je n'avais plus pour objectif, comme c'était le cas naguère, de ne plus en prendre. Oui, à présent je me fou complètement de prendre ces produits chimiques dès lors que j'atteins chaque jour mon objectif, celui d'être un minimum serein, détendu physiquement, plus sous tension tel que c'était le cas en 2013 et les premiers mois de l'année 2014. Aussi, si je ne cherche plus à me battre contre ma maladie, à en faire plus qu'il ne le faut pour repousser au plus lointain l'échéance ultime, oui, à quoi me sert mon psychiatre puisque mes états d'âme je les gère avec des calmants que me prescrit mon médecin généraliste ? Donc autant cessé les séances, ce qui m'arrange, car je ne me sens vraiment pas dans la peau d'un désespéré tel que j'ai pu l'être naguère. On va dire que je suis un peu dans l'anxiété chaque jour, anxiété que je ne cherche pas à balayer car comment balayer ma connaissance de mon cancer ?

Là, à une autre table en face de moi, une femme est assise avec un verre de bière comme boisson. Cela me donne envie d'en commander une à mon tour. Vais-je le faire ou non ? Pour l'instant je n'en sais rien. Mais je crois que plutôt que de le faire, je vais me prendre mon autre drogue, un Xanax. Aujourd'hui, comme il fait très bon, je vais rester dehors le plus longtemps possible, même si le Xanax m'assomme un peu. Je lutterai, résisterai pour ne pas rentrer trop tôt chez moi, en tout cas pas avant 17h30. Là, il est 15h30 et, hormis le moment du déjeuner où je suis rentrer chez moi, je suis dehors depuis ce matin. Mais depuis quelques jours, sans doute un effet secondaire des trois séances de radiothérapies de la semaine dernière, j'ai régulièrement dans l'après-midi des coups de barre, ce que je n'avais plus depuis bien longtemps. Du coup, tous les jours depuis je fais une sieste de deux ou trois heures. Aujourd'hui je vais essayer de faire en sorte qu'il en soit différemment. Y parviendrais-je, là est la question ? Alors je bois café sur café, histoire de me maintenir éveillé, en tout cas assez pour ne pas atterrir dans mon lit avant 20h00 ce soir, voire plus tard.

Oui, en ce moment je n'entends plus les rossignols, la plage et sa mer ne m'attire plus, caresser les chevaux, les regarder, les contempler, ne me parle pas non plus. Alors qu'est-ce qui m'intéresse encore réellement ? Mon état d'esprit est-il l'effet du bombardement de mon cerveau par les rayons X? Voire, constater, que Cynthia est sereine, un peu détendu, oui cela m'intéresse. Malheureusement c'est surtout fatiguée que je la vois. Dans deux mois ses examens seront finis, son mémoire y compris, et enfin elle pourra souffler. Elle n'aura alors que les cours de ses lycéens à gérer, ce qu'elle fait de plus en plus aisément. Continuer à écrire, quitte à me répéter, juste l'acte d'écrire m'intéresse également. Je ne saurai définir mon rapport aux mots, au langage, mais j'aime ce lien où, à partir d'un alphabet qui ne veut rien dire par lui-même, nous construisons des mots, des phrases, des sens, des logiques, de l'abject et de la beauté. Oui, il est tellement de manière d'écrire, de dire les choses, les êtres, la nature ou tout autre sujet, que l'écriture est le champs de tous les possibles.


(12 mars 2015)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire