mardi 3 mars 2015

Euthanasie

Euthanasie, vaste débat, un sujet sur lequel je n'arrive pas à me mettre d'accord avec moi. Je viens de regarder la fin d'un colloque sur ce thème, un colloque au sénat, et la majorité des intervenants n'avaient pas l'air d'être pour le droit à l'euthanasie. Moi, j'essaye de me mettre dans la peau de quelqu'un de conscient qui désirerait en finir avec la vie car, qui sait, c'est peut-être dans cet état que me conduira ma maladie. Que voudrais-je si je me trouve totalement invalide, au point d'être entièrement dépendant du personnel médical, des machines, ne pouvant plus ni lire ni écrire, avec juste une télé en ligne de mire. Je me saurai condamné à finir mes jours dans cet hôpital ou un autre mouroir. Comment supporterais-je cela ? Mal, forcément. Mais irais-je jusqu'à demander que l'on cesse de me soigner, ce qui serait mon droit en France, histoire de précipiter ma mort ? De même, si un jour l'euthanasie était admis dans notre société, en ferais-je la demande au corps médical, en aurais-je le courage ? Aujourd'hui, parce que je ne suis justement pas dans cet état-là, je vous dirai crûment que j'essayerai de tout faire pour vivre encore un peu.

Par contre, si du fait de l'évolution de mon cancer, je me trouvais dans une espèce de coma, toujours dans l'hypothèse où l'euthanasie serait admise en France, quel choix ferai mon entourage ? A Cynthia comme à mon frère, j'ai dit que je voudrai que tout soit mis en œuvre pour abréger ma vie en pareille situation. Mais moi inconscient, sera-t-il simple pour eux de répondre à ma volonté ? Je ne le pense pas car moi-même à leur place je ne sais si je pourrai prendre la responsabilité d'une telle décision.

Tout à l'heure j'étais à mon arrêt de bus, attendant ce dernier, et à coté de la place où j'étais assis il y avait un landau avec un nouveau-né à l'intérieur. Le père qui vit que je fumais ma cigarette électronique m'apostropha. Lui-même fumait une cigarette roulée et me fit comprendre que c'était mieux que la cigarette électronique, car on ne connaissait pas encore ses véritables effets sur la santé sur le long terme. A cela je lui répondis que j'avais une fille de treize ans et que lorsque je lui ai annoncé que j'avais un cancer, son visage s'est décomposé. Alors je lui ai souhaité de n'avoir jamais à annoncer pareille nouvelle à son enfant, l'encourageant à cesser de fumer, alors que moi-même je fume un cigarillo en écrivant ces lignes, clôturant notre échange en lui disant que le meilleur cadeau qu'il pouvait faire à son enfant c'est d'être en bonne santé.

Oui, je sais, je passe du coq à l'âne, de l'euthanasie à cet épisode à l'arrêt de bus. C'est une association d'idée, l'une me conduisant à l'autre, et comme je ne cherche pas à écrire de manière académique, je laisse les idées s'exprimées comme elles me viennent. Mais revenons à l'euthanasie, pratique interdite en France, comme si nous faisions mine découvrir son existence. Combien de patients ont été débranché et, ce, depuis des décennies, par des médecins qui pensaient bien faire ? C'est parce que certains d'entre eux ont été attaqué que la loi Léonetti est née, encadrant la manière de faire mourir quelqu'un médicalement parlant, dans les limites de la bienséance, en octroyant par exemple au malade la possibilité de ne plus être soigné. Alors la médecine arrête les soins, contribuant ainsi passivement à l'aboutissement du processus final et à son accélération, autrement dit la mort. Est-ce mieux que de débrancher un tuyau ? Est-ce mieux que d'injecter un sédatif à celui qui veut mourir ? Y a-t-il quelque chose de plus noble à cesser des soins qu'à accélérer le processus, surtout si c'est à la demande du patient ? Il est étrange qu'il y ait des situations où la mort de l'autre nous paraît acceptable, comme en temps de guerre, alors que la plupart des militaires, des guerriers, font justement tout pour ne pas mourir, et d'autres situations, comme l'euthanasie, où tout le monde se lève contre, ou presque, alors que dans ce cas la personne veut mourir. C'est là encore un paradoxe de notre société, de notre façon de penser qui veut que la vie soit si sacrée que, tant le suicide que l'euthanasie, soit une aberration pour nos consciences.

De tout temps, depuis que l'homme est homme, la mort nous a fasciné. A quand remonte cette fascination, cette réalisation consciente de notre fin à venir ? A quand remontent les premières sépultures ? Et avant ces dernières, qu'étions-nous ? Des hommes ou uniquement des hommes en devenir, n'ayant pas conscience de notre mort à venir ? De même, concernant les premières sépultures, pourquoi ce besoin de les faire, de faire comme si l'être qui fut vivant n'était pas vraiment disparu, n'était pas vraiment mort ? De là datent certainement les premières croyances spirituelles où nous nous sommes mis à imaginer d'autres mondes pour nos morts, pour notre mort. Pourtant, moi qui ai vu de mes propres yeux des corps morts dans une morgue, ils ne font pas peur pour autant. Certes, cela laisse une drôle d'impression, mais aucun cas je n'ai éprouver de la peur. Alors si un corps mort ne fait pas peur, pourquoi avons-nous peur d'être ce mort à notre tour ? Oui, je  crois que nous avons plus peur de ne plus vivre que d'être mort, ce qui n'est pas du tout la même chose. Alors à quoi sommes-nous si attachés, qu'est-ce que la vie nous offre de si miraculeux pour que nous fassions tout pour vivre le plus longtemps possible, y compris si c'est au prix de souffrance ? Oui, nous avons sacralisé la vie, j'en prend acte, mais je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi. Est-ce du fait du plaisir que nous savons que nous pouvons éprouver, plaisir qui transporte parfois dans l'euphorie, plaisir qui est la plus sublime des expériences humaines ? Est-ce le plaisir que nous ne voulons pas quitter, ce qui expliquerai que des personnes qui ne sont plus dans le plaisir, parfois, se suicident ou demande l'euthanasie ? Peut-être est-ce également pour cela, en raison du plaisir, que nous acceptons toutes les abjections, toutes les aberrations, toute la violence de notre monde, car malgré tout cela nous pouvons nous procurer, égoïstement, quelque plage de plaisir ? Je pense que ceux et celles qui se rebellent ouvertement, par l'action, sont des êtres qui éprouvent plus de déplaisirs que de plaisir. Mais ceux-là sont une minorité. Alors que penser de nous autres ? Que nous avons plus de plaisirs que de déplaisirs et que c'est pour ça que nous laissons le monde aller comme il va, ne nous préoccupant essentiellement que de notre petit cocon ?

Oui, l'être humain est un être égoïste qui ne pense avant tout qu'à son plaisir, que ce soit en faisant la charité ou en piétinant les autres, que ce soit en tendant la main ou en enfonçant l'autre. Aucun acte n'est purement gratuit, au sens chrétien du terme, car lorsque nous choisissons d'agir ou non, c'est que nous avons toujours un intérêt à le faire ou pas. Cependant être égoïste ne signifie pas pour autant être un calculateur, un manipulateur. La plupart de nos actes sont plus souvent le résultat d'habitudes prises que le résultat d'une intention pensée, élaborée, dans le but d'obtenir d'autrui je ne sais quoi. Non, je ne pense pas qu'individuellement nous soyons aussi malsain que ça. De même, être égoïste ne signifie pas être égocentrique, ne signifie pas que l'on pense que le monde entier tourne ou devrait tourner autour de notre nombril. L'égocentrisme exige une solide dose de narcissisme et le narcissisme est en général l'apanage des gens de pouvoirs ou qui voudraient avoir le pouvoir. Oui, force est de constater qu'en dehors de notre cercle familial et amical, peu d'entre nous cherche le pouvoir. Sommes-nous ainsi naturellement ou est-ce l'un des effets de notre conditionnement ? Je penche plutôt pour la seconde hypothèse où, depuis l'enfance, on nous explique que seul les meilleurs sont aptes à diriger, qu'eux seuls ont toute légitimité pour réclamer le pouvoir,  le reste n'étant bon qu'à être de la main d’œuvre et à suivre le mouvement imposé par cette élite auto-proclamée. A partir de là, éduquer ainsi depuis l'enfance, comment ne pas se penser n'être qu'une merde si l'on prend cette grille de lecture comme référence ? Quoi d'étonnant aux divers ressentiments des jeunes des banlieues ? Qui aime se regarder comme une merde, qui aime penser que l'autre vous prend pour une merde ?


(3 mars 2015)

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