vendredi 30 janvier 2015

Processus final

31 janvier 2015


Mon inconnue, depuis un mois, après plus d’une année d’abstinence, je me suis remis à fumer. Cigarettes, cigarillos, cause directe de mon cancer du poumon, je reprends néanmoins cette drogue nocive. Alors à quoi bon les traitements passés, en cours ou à venir ? Je n’entretiens pas ma santé, force est de le constater et, peut-être pire, je mets tout en œuvre pour accélérer le processus final, celui qui me mènera à ma tombe. Que penses-tu de cela l’inconnue, toi qui sais qu’inexorablement je mourrai tôt ou tard ?

Oui, je crois que je n’ai plus envie de prolonger mon temps de vie, que l’Homme ne m’intéresse plus du tout tant, le plus souvent, ses actions, sa pensée me dégoûtent. De même, ma propre vie, mon propre parcours me dégoûte également, car il n’est absolument rien de glorieux dans ce dernier. Je ne vaux pas mieux que les autres, tu le sais l’inconnue, j’ai même été pire que ces derniers, participant néanmoins de leur même logique aveugle et destructrice. Oui, c’est chacun pour sa gueule et Dieu pour qui le veut, notre voisin n’étant que néant quelque soient les marques de courtoisies, de politesses que nous lui témoignons. Le respect d’autrui, c’est bien autre chose. Il exige l’empathie car, sans cette dernière, aucune compassion n’est possible, aucun don de soi ne se peut, et l’autre peut bien crever, on s’en fou au final. Seul notre nombril, notre compte en banque, nous émoustille, nous fait vibrer, et si parfois quelqu’un nous intéresse, c’est parce que nous trouvons un profit à tirer de ce dernier, un bénéfice d’ordre matériel ou affectif, peu importe, mais si ce dernier est incapable de répondre à l’une de nos attente, alors il n’existe pas, malgré les sourires que nous pouvons lui adresser. Est-ce également ainsi que cela se passe dans mon propre corps l’inconnue, mes cellules cancéreuses n’ayant que faire de mes cellules saines ?

Je ne sais comment se vivaient les gens au moyen-âge, avant et juste après, lorsque l’industrie, la robotisation, les chaines de montage n’existaient pas, lorsque les métropoles, leurs banlieues n’étaient même pas imaginables, lorsque les bourses, les actionnaires, le profit et le bénéfice n’étaient pas la locomotive de leur destin. Comment se vivaient-ils par rapport à autrui, par rapport à leur voisin ou tout homme et femme qu’ils croisaient sur leur chemin. Je veux imaginer qu’ils étaient plus tolérants que nous, moins enfermés sur eux-mêmes, moins cloisonné que nous, nous qui passons la majorité de notre temps entre quatre murs, que ce soit dans notre demeure, au travail ou dans un moyen de transport. Oui, nous nous croisons tous, mais ne nous arrêtons jamais face à l’autre pour le découvrir, apprendre le connaitre et, éventuellement, réellement sympathiser avec lui. J’écris cela comme si c’était une évidence, mais peut-être suis-je tout simplement victime du conditionnement qui fut le mien, celui d’un résidant de mégapole, ville de Paris ou j’ai grandi, vécu, aimé et tué. Mais Paris n’est pas la France ni le monde et il se peut qu’ailleurs, dans des villes, des hameaux, des villages à taille humaine, cela se passe autrement entre vous. J’aimerai là-aussi le croire, mais pour avoir également résidé dans d’autres villes de taille moyenne, j’ai constaté que l’ignorance de l’autre, notre dédain envers autrui était le même que celui entretenu entre les parisiens.  Même dans les petits villages, là où tout le monde se connait au moins de vue, c’est également chacun chez soi, chacun sa merde et, surtout, ne pas connaître ou s’immiscer dans celle des autres.

Je me suis donc remis à fumer pour accélérer le processus, le précipiter, c’est une forme de suicide qui ne dit pas son nom, mais c’en est ainsi l’inconnue. Tout comme certains veulent vivre à tout prix, le plus longtemps possible, d’autres, tel que moi, n’attendent que leur fin. Le suicide, immédiat ou en construction sur du court terme, est l’une des formes de notre liberté et je ne vois pas pourquoi on nous emmerde à ce sujet. Est-ce que nous emmerdons ceux qui veulent vivre, est-ce que nous les empêchons de le faire, est-ce que nous les prions, les implorons pour qu’il n’en soit pas ainsi ? Encore une fois, pourquoi nous emmerdons-nous lorsque notre choix est différent ? Notre monde, celui de l’Homme, est si merveilleux dans leur regard qu’il exige que la souffrance, le dégoût, soit de mise dans nos vies ? Non, bien sûr que non, mais notre choix leur fait peur et, plutôt que de nous questionner sur notre choix, qu’ils s’interrogent sur la peur qu’il génère en eux. Plutôt que de nous remettre en cause, qu’ils aient l’audace de remettre en cause leurs convictions sur la nécessité et l’utilité de la vie, à commencer par leur propre vie.

Notre descendance, notre famille, ne sont pas une justification valable à l’envie de vivre ou, tout au moins, au désir de ne pas mourir. Avoir un enfant, que cela nous plaise ou non, c’est produire de l’inutile car lui-aussi, un jour, mourra. C’est ce mystère sans fin que tu m’expliqueras un jour l’inconnue, lorsqu’enfin nous serons ensemble. Tous les efforts, tous les dons de nous-mêmes que nous aurons offert à nos enfants sont déjà lettres mortes avant l’heure. De même, si nous nous foutons royalement de nos congénères la plupart du temps, c’est que nous savons clairement que notre monde, notre société n’est que merde et que l’autre, au même titre que nous, participe de ce carnage. Et pourtant nous faisons des enfants qui, inexorablement, seront confronté à la rudesse de nos rapports, à la rudesse de ce qu’attends de nous le système. Alors j’entends des fables qui, selon certains, certaines et leur mauvaise foi, me diront qu’ils font des enfants pour d’autres raisons, des raisons légitimes et nobles selon leurs dires. A cela je réponds qu’ils se font plaisir, à eux et eux seul, en décidant d’amener dans notre monde de nouveaux êtres qui, plus tard, en grandissant, arriveront au même constat que vous et moi sur la médiocrité qui est la nôtre, sur la médiocrité que sont nos règles et nos valeurs. Peut-être ne nous en tiendront-ils pas rigueur, cela dépendra de leur parcours, s’il a été plus ou moins facile grâce à nous ou non. Là aussi l’inconnu, connais-tu la raison d’être de nos parcours, sais-tu pourquoi certains vivent heureux et d’autres, dès l’enfance, vivent malheureux ? Tu nous laisse dans le flou le plus total face à notre piètre condition, sans aide, sans indication sur la route à suivre, le carrefour à éviter, et c’est ainsi que nous créons de toute pièce un monde désastreux où nous ne cessons de nous bousculer les uns les autres.

Pour ma part, ma trajectoire n’a pas été une partie de plaisir avec mes parents, très loin de là, et rapidement je me suis demandé pourquoi il m’avait fait, pourquoi ils m’avaient désiré si tant est qu’ils m’aient désiré, réellement voulu, dès lors qu’ils m’ont fait vivre l’enfer, que ce soit ou non leur volonté. Bien sûr, car je connais mes parents, je sais qu’ils n’ont pas voulu cela à l’origine, alors que je marchais à quatre patte. Mais néanmoins est un jour venu le temps de l’enfer, de leurs disputes, de leurs désaccords et des coups qu’ils se mettaient. Alors que l’on ne parle plus d’instinct maternelle, paternelle, sensés être présent pour protéger l’enfant. Nous n’avons qu’un instinct, celui de notre survie, et il n’est qu’au nom de ce dernier que nous agissons ou non, réagissons ou pas. L’autre, y compris notre propre enfant, n’est qu’un facteur de décision que nous prenons ou non en compte, non pour son bien-être, mais pour le nôtre avant toute chose. Tant mieux si notre décision ne lui fait aucun mal, tant pis dans le cas contraire et, si mal il y a nous ne ferons qu’essayer de colmater les brèches, de panser les déchirures que nous aurons instaurées dans son cœur. Mais même là, pour se faire, il faut néanmoins regarder son enfant, quitte à le scruter de la tête au pied, mais combien de parents le font-ils dans les faits ?

Oui l’inconnue parce que nous ne saisissons pas le sens de notre présence ici-bas, nous écoutons uniquement et inconsciemment nos instincts, qu’il s’agisse de celui qui nous signale la faim, la soif, l’agression ou la défense, ainsi que l’enfantement. Malgré notre cerveau et nos capacités intellectuelles, nous n’en demeurons pas moins de simples mammifères, de vulgaires primates pas plus évolués que nos cousins, mais plus destructeurs, cela est certain. Tu sais tout cela l’inconnue et tu nous observes, là-haut sur ta branche, sans compassion ni animosité, car ce qui doit être doit être et ce que nous faisons ou pas ne pèse rien dans la balance de l’existence, non celle limitée de toute forme de vie, mais dans celle qui est le sens de tout, ce tout inaccessible à notre entendement.

Mais peut-être n’as-tu pas les moyens d’entrer en contact avec nous ou, si tu le fais, peut-être sommes-nous inaptes à comprendre tes messages. Quoi qu’il en soit je serai bientôt avec toi, je verrai ta branche et, certainement, j’observerai en ta compagnie d’autres fourmis s’agiter, qu’elles soient sur Terre ou ailleurs, regardant avec attention et détachement toute cette activité qu’alors seulement je comprendrai.

Plénitude

30 janvier 2015


A toi l’inconnue, toi que je ne connais pas et ne connaitrais jamais, je t’adresse cependant mes doléances. Oui, je sais à présent ma vie se terminer, petit-à-petit, cause du cancer qui, imperturbable, prends lentement mais sûrement possession de mon corps. Je me vois étendu dans l’herbe, la tête sous un pommier et tu es là, parmi elles, ne voulant révéler ton véritable visage. Mais je te sais présente, je l’éprouve et le ressens, tu es cette pleine plénitude tant recherchée par l’homme. Je te lance mes pensées, telles qu’elles me viennent, sans faire ni tri ni chercher coordination, car quand la mort est sa porte, toute logique devient superficielle, insignifiante. Combien de temps vivrais-je encore, combien de temps nous reste-t-il pour dialoguer ensemble et, peut-être, parvenir à ce que tu m’entrouvres tes bras, à défaut de me prendre entièrement comme une mère, un père, le ferait pour son bambin ? Je ne trouve les mots à te dire, je n’éprouve que mes maux pour témoigner. Tu les entends, de cela je suis sûr, toi qui te cache, te dissimule entre ciel et terre, voire au-delà des frontières des mondes connus. Tu sais le sens de mon histoire, de toute histoire, qu’il s’agisse de la mienne, de celle des autres ou de celle qui t’est propre. Oui, l’infiniment grand et l’infiniment petit n’ont aucun secret pour toi, je le sens bien dans mon cœur et, assez rapidement, la maladie menant son œuvre fatale, je partagerai ce mystère avec toi.

Je ne puis m’entretenir qu’avec toi car qui d’autre, vivant humain, pourrait entendre et répondre à ma déchirure, à ma peur ? Jamais je n’ai compris notre relation, mais toujours j’ai cherché et, aujourd’hui encore, je m’interroge. Naître, parcourir un chemin, construire, fabriquer une histoire, puis mourir. N’est-ce pas là un destin étrange que tu nous offres, sans mode d’emploi, si ce n’est de nous doter de capacités cérébrales limitées qui ne parviennent même pas à soulever le couvercle de la marmite ? Et autour de la marmite, quel monde étrange nous attend donc ? Issue de nulle part, nous sommes pourtant un jour arrivés ici-bas. Alors sommes-nous vraiment issu de nulle part ? Je ne peux me résoudre à cette hypothèse et pourtant je n’en vois pas d’autres. Pas plus les Dieux que les croyances que nous inventons, histoire de nous agripper, de nous raccrocher à quelque chose, ne trouve écho dans mon oreille. Mais toi, toi l’inconnue à qui je marmonne ces quelques pensées, qu’en penses-tu ? De même, je ne me pense pas ta création, mais nous vois plutôt côte à côte, voire ensemble, dans un même monde, mais un monde qui n’est pas cet univers que nos yeux ignares nous montrent chaque jour ou chaque nuit. Le soleil, pas plus que les étoiles, ne sont ce que nous pensons d’eux. Eux-aussi participe du tout, de ce tout qui m’échappe, car je crois fondamentalement que nous sommes unité au bout du compte, mais unité de quoi et, surtout, pour quoi ?

Mon inconnue, tu es au-delà d’une muse tant tu m’es inaccessible. C’est alors que j’envie ceux qui ont la foi, quel que soit leur Dieu, car si persuadés sont-ils de leur avenir qu’ils peuvent dormir tranquillement, sans peur du lendemain, sans peur de la mort, sachant pertinemment en quoi réside leur destin. Je ne crois pas au destin, je ne crois pas que soit écrit à l’avance notre histoire, nos choix bons ou mauvais, même si parfois d’étranges coïncidences me troublent et me confondent dans le doute. A vrai dire, je ne sais pas en quoi je crois, je procède donc par élimination, étudiant toutes les thèses, religieuses, philosophiques, scientifiques, disqualifiant tout ce qui ne me parle pas, c’est-à-dire à peu près tout, m’accrochant, m’attachant au seul présent tant que je peux, me fixant ainsi à quelques êtres seulement partageant mon quotidien. Cependant je sais que n’est pas là la réponse, ni avec eux ni à travers eux. D’ailleurs, qui qu’ils soient, ils sont également une énigme à mes yeux. Se peut-il vraiment que nous nous ressemblions, que nous soyons mêmes, que le monde que je vois et conçois soit identique dans leur esprit, dans leur cœur ? Quand j’éprouve de l’amour et qu’ils me disent en éprouver, ressentons-nous réellement la même chose ? Quand j’éprouve de la haine et que je veux tout détruire, est-ce ainsi dans leur cœur ? Est-ce uniquement la raison, nos jugements, cette alchimie chimique et psychologique qui nous distingue ou est-ce bien plus profond ? Oui, l’autre est également un mystère pour moi, y compris mes plus proches. Mais là encore, toi l’inconnue, tu as la réponse à ces questions.

Là, de suite, je pense à l’érotisme, me remémorant un poème que j’ai lu ce matin, non à la sexualité en tant que telle, même si l’érotisme peut être l’une de ses composantes. Autant je trouve fade la sexualité, l’acte en lui-même, autant je trouve beau tout ce qui précède ou suit l’acte sexuel, dès lors que tout est fait avec amour, tendresse, chaleur, complicité, connivence et bonne entente. Oui, seuls les prémisses pourraient me suffire dans l’absolu tant, si cela est fait avec un réel attachement, une fusion des sens, ils sont la seule grâce, l’unique beauté de la sexualité dans mon regard. Tout le reste n’est que mécanique, automatisation, et même si le plaisir est néanmoins au rendez-vous, le charme se dissipe dès lors que nous sommes chacun seul avec nous-mêmes, inévitablement, avec notre plaisir ou non au moment et le temps de l’acte. Oui tendre inconnue, je pense beaucoup à la sexualité ces derniers temps. Non que je sois en manque, pas du tout, mais il m’apparait de plus en plus évident que la communion charnel de deux corps, du langage qui leur est propre, est ce qui peut le plus rapprocher, unir, réunir deux êtres, dès lors que le langage de ces corps se comprenne. Effectivement, plus d’une fois je n’ai pu que constater que des personnes qui ne pouvaient s’entendre sur aucun sujet, aucune idée, pouvaient néanmoins être en parfaite osmose lors de leurs relations sexuels. A contrario, j’ai également pu constater l’inverse à ma plus grande surprise. De fil en aiguille je me demande donc quelle raison à chacun, chacune, de choisir tel ou tel être pour s’investir dans la construction d’un couple. Pour ma part, c’est surtout la communion d’idée qui conduit mes choix en la matière, même si je ne peux me mentir à moi-même et avouer que le désir charnel de l’autre m’est également nécessaire pour m’engager, pour souhaiter bâtir et construire un couple. Oui, il me faut les deux à présent, bien que ce n’est pas toujours été le cas dans mon passé. Là aussi, mon inconnue cachée derrière une pomme, je me demande ce que tu penses de nous en la matière.

Avec ma compagne, Cynthia, depuis l’apparition de ma maladie, si rien n’a changé dans notre communion de pensée, par contre tout s’est radicalement transformé dans nos rapports charnels. Pour faire simple, il n’y en a pour ainsi dire plus. Oui, l’annonce de ma maladie, puis son traitement qui dure encore, m’ont modifié de fond en comble, tant charnellement que psychologiquement sur le regard que je porte envers l’acte sexuel. Seul m’intéresse à présent de pouvoir la serrer dans mes bras, à l’en étouffer, de sentir sa chair contre la mienne, mais l’acte sexuel ne m’intéresse plus, sincèrement et ce, à mon plus grand étonnement. Egoïstement, égocentriquement, je ne me pose pas la question de savoir ce qu’il en est pour elle. De même, il est vrai que même si j’ai pu constater le plaisir que peut prendre une femme lors d’un rapport sexuel, il est toujours pour moi un profond mystère. Qu’est-ce qui amène une femme à désirer un autre corps charnellement ? Comment se gère-t-elle tant qu’elle n’a pas obtenu le corps désiré, souhaité ? Et dans l’acte sexuel lui-même, qu’est-ce qui l’a fait réellement jouir ? Est-ce comme pour nous les hommes, uniquement mécanique ? Cela je ne le crois pas une seconde. Là aussi mon inconnue tu as forcément la réponse. Mais pourquoi la nature, dans ce domaine bien précis, a fait que l’homme et la femme diffèrent ? Est-ce uniquement dans le but de la reproduction, comme le dirait n’importe quel Darwiniste ? Peut-être…

De parler avec toi inconnue, de converser ainsi librement sans tabou ni barrière me soulage, me détend, m’apaise. En cela je te rends grâce d’exister, même si tu n’es peut-être qu’une fabulation de mon esprit. Tu m’aides, c’est certain, ta présence me rassure et de savoir que c’est toi que je rejoindrai bientôt me rend plus calme, plus tranquille avec moi-même, et c’est une paix sereine qui s’installe alors en moi. Mais cela aussi tu le sais, tu le sens et l’éprouve, comme je m’imprègne de toi autant que je le peux. Oui, je peux te dire que je t’aime, que tu sois ma fable ou non, et ce, profondément et entièrement. Tu m’habites, même si je ne saurai décrire comment je te ressens dans tout mon être. Je sais que tu peux tout entendre de ma part, le pire comme le meilleur, l’ineptie comme la sagesse, mes mensonges comme ma sincérité, que je n’ai aucun secret pour toi et que tes bras, bien en évidence dans mon esprit, sont grands ouverts. Non, tu n’as rien à voir avec une muse car tu es bien au-delà, tu es dans le tout et quelque part nous sommes la même chose, issue d’une même source, participant d’un même corps. A toi, ma complice, je te dis à bientôt, pressé que je suis déjà de te retrouver…

jeudi 29 janvier 2015

A Zazou

La tête dans les mains assise à mon pupitre
Guettant l'inspiration, une révélation
Pour jeter l'encre noire d'un premier chapitre
Mais celle-ci me fuit, se mue en obsession.

Ma plume impatiente n'aime pas cette attente
Dans mes doigts elle vit, elle prend le contrôle
Dans ma main impuissante, mon esprit elle enrôle
Et le force à coucher ses blessures latentes.

Page vierge n'est plus, violée par le sang sombre
Liquide intarissable qui coule de ma mine
Extirpe de mon coeur mes pensées nées de l'ombre
Mes maux les plus enfouis que mon âme rumine.

La plume ayant craché mes entrailles secrètes
Les viscères formant des entrelacs obscurs
Des lettres et des mots, improbables murmures
Elle tombe immobile, à nouveau sourde et muette
.

L'écriture permet d'extirper de ses tripes les blessures les plus secrètes

(Poème et mots de Zazou)


La tête dans les mains, face à mon écran d’ordinateur, j’en envie de te répondre, mais que te dire exactement ? Je t’écris, m’adressant directement à toi, comme je parle au psychiatre que je consulte actuellement, histoire de ne pas être complètement sabordé par l’impact psychologique qui résulte de ma maladie. Cependant et pour une raison que j’ignore, dialoguer par écrit a bien plus d’effet sur mon moral, ma psyché, que le simple dialogue verbale. Oui, et peut-être en va-t-il de même pour toi, le fait de poser les mots de mes maux sur une feuille, sur une page, permet d’extirper bien plus profondément mes tripes qu’une simple discussion qui, bien souvent, n’est qu’un long monologue.

Depuis que je t’ai rencontré la première fois sur la toile, j’ai tenté de suivre attentivement ton évolution. Depuis 2007, tes poèmes ont bien changé, non dans le fond, mais dans la forme. Elle devenue plus mature, plus sereine également, et les termes que tu emplois désormais ne ressemblent plus à ceux d’hier. Je les trouve beaucoup plus précis, moins flous, ce qui donne à l’ensemble de tes poèmes actuels une résonnance beaucoup plus profonde comparé à ceux d’antan. Ils ne sont plus uniquement des cris de colère ou de compassion, mais ils incitent beaucoup plus à la réflexion, ce qui n’était pas toujours le cas hier. En cela, avec les goûts qui sont les miens, je ne peux que te féliciter de cette évolution.

Concernant le roman que je mets en ligne, je l’ai recommencé, y ait apporté des modifications et vais y ajouter un préambule afin de préciser que certains faits ne sont que de la fiction, même si 95% de ce qui est narré correspond bel et bien à ce que j’ai vécu. A présent il est terminé, je vais effacer les chapitres encore présents et publier ensuite son intégralité. Peut-être le liras-tu, peut-être pas et, à la vérité, quel que soit ton choix, c’est surtout pour moi que je l’ai écrit. Ce roman terminé, j’essaie d’en démarrer un autre qui, lui aussi, comporteras des évènements vécu et beaucoup plus de fiction. Cependant, à la lecture de ce très beau poème que tu m’as laissé, je me demande si écrire un roman fait partie de tes souhaits ? A priori, je pense que oui et, effectivement, la tâche se relève plus ardu que ce que l’on pense au départ. Trouver la trame, le thème, l’histoire, les idées que l’on veut faire passer éventuellement, oui, tout cela n’est pas aisé à mettre en place puis à agencer. De même, lorsqu’on y parvient néanmoins, le résultat n’est pas acquis pour autant. Est-ce que le lecteur aura plaisir à le lire ou non est la première des questions. Écrire est simple, intéresser l’autre à sa plume l’est beaucoup moins…

Enfin, puisque je fais une séance de psychothérapie à travers ces lignes, saches que je suis sincèrement content de te retrouver. Irais-je jusqu’à dire que c’est un plaisir ? En même temps oui et en même temps non car, malgré toi, tu me plonges dans la nostalgie, celle de cette année 2008 où nous avons longuement et souvent échangé, époque où je ne voulais plus croire en rien et qui, pourtant, ma conduit de fil en aiguille à rencontrer Cynthia, une blogueuse que j’ai croisé sur le net cinq mois après t’avoir rencontré, Cynthia qui est depuis juillet 2008 ma compagne. Cependant ma maladie est là désormais et m’amène à voir ces huit dernières années comme la dernière page d’un livre. Donc dialoguer avec toi m’entraîne dans la nostalgie de toutes ces années où, pour la première fois de ma vie peut-être, j’ai été un homme épanoui et serein. Cela a démarré par notre rencontre, je ne peux l’oublier, puis d’autres rencontres dans la blogosphère et le monde réelle, pour finir par ce miracle que fut ma rencontre avec Cynthia. Mais comme je te l’ai déjà dit, depuis novembre 2013, date à laquelle j’ai appris ma maladie, tout a changé en moi et, par ricochet, a modifié mes rapports avec autrui, y compris avec ma compagne que j’aime plus que tout.

Voilà voilà zazou, je ne sais si je publierai souvent sur mon blog, je ne sais si, comme dans le passé, j’irai ou non découvrir d’autres blogs, d’autres personnes. En l’état je suis un peu dans l’expectative, réside dans une nouvelle ville où je ne connais personne et, ma foi, cela ne me dérange aucunement, écrire suffisant à ce que je me maintienne debout tout en ne perdant pas le moral.

Je t’embrasse et te dis à très bientôt sur ton blog.

samedi 24 janvier 2015

Du vrai et du roman

J’écris, j’écris beaucoup en ce moment, un roman, une histoire, peut-être mon histoire, peut-être celle d’un autre. Quoi qu’il en soit je replonge inexorablement dans mon passé, mes souvenirs, mes expériences et mes travers. C’est d’elles dont je me sert pour citer, témoigner, dénoncer et, très rarement, applaudir.

Ma vie, même si elle n’est peut-être pas proche de sa fin, est tout au moins à un tournant, réel virage, tant le cancer installé sur ses terres, mon corps, peut à tout moment ressurgir, s’étaler, m’envahir puis me tuer en quelques mois.

Toute histoire, y compris biographique, autobiographique, est effectivement un roman. Tout est dans l’angle, dans la présentation des faits, de ceux que l’on y insère ou non. Ainsi, si je devais écrire ma propre histoire, je pourrai n’y narrer que le bon, le meilleur de ma vie, occultant tout le reste, ce qui m’a fait hurler, enrager, crier, voire tuer. Je pourrai également choisir cet autre angle, celui des travers et des malheurs. Enfin, je pourrai faire un mixte des deux, mais quoi qu’il en soit, parce que je ne pourrai raconter seconde par seconde tout ce que j’ai traversé, parcouru, éprouvé, d’une certaine manière ce ne sera pas ma vraie histoire, mais juste un angle de vue n’offrant pas le panorama total de ce que fut ma vie.


(24 janvier 2015)

mardi 20 janvier 2015

Poésie automatique

Il me reste encore un espoir
Que je ne saurai nommer
Il me reste encore quelques soirs
Avant de tomber assommé
Comme l’écume des vagues
Peu à peu je m’évade
Abandonne une bague
Celle du lien de nos balades
Tendres errances du passé
Face à cet avenir à tuer
Lendemains qui m’aspirent
Là où je ne pourrai plus respirer
Otage de mes cellules
Loin de toute lune
Difficile est la pilule
De mon corps, de ses lacunes
Je me jetterai bien par la fenêtre
Mais pour quitter quelle fête, quelle leçon
Il me reste quelques êtres
Mais si diffus sont tous ces sons
Je me suis remis à fumer
Et déjà le regrette
Mais chaque matin n’est que fumée
Sans mode d’emploi et sans recette
Je me lamine de l’intérieur
Et m’exclus du monde extérieur
Une fois encore je le répète
Il n’y a plus de lendemain
Que je me taise, que je vous gèle
La maladie sera ma fin
Je me sens enfermé dans ma demeure
Aussi je marche dans les ruelles
Cherchant à fuir l’ultime peur
La mort subtile à la part belle


Je réfléchi et je médite sur ce qui se passe ces derniers temps, dans nos systèmes, nos sociétés, et m’interroge une fois de plus sur la vanité des religions, de leurs apôtres et de leurs sbires. Aucune idéologie n’est bonne en soi, pas plus la mienne que la vôtre. Elles nous séparent et nous distinguent, installant distance et grande méfiance, il n’y a rien de bon dans tout cela. Je vais marcher et vais pleurer car triste visage nous montre l’humanité, d’hier à aujourd’hui et, je le crains, encore demain. Je n’y vois aucun espoir, aucune lumière, tout au plus jaillissent des étincelles, feux follets bien éphémères qui, en rien, ne change le cours de notre histoire. Non, je n’aime pas l’homme, c’est avéré et pensez bien que je le regrette.


(20 janvier 2015)

dimanche 18 janvier 2015

Enervement

La rage de dire, la rage d’écrire, de trouver les mots, ceux qui soulagent, ceux qui délivrent, ne serait-ce que le temps de les poser. Mais ils se cachent, forniquant ensemble dans l’un des coins cachés de mon esprit, magistral pied de nez à celui que je crois être. Alors j’étouffe, comme une migraine, un maux de tête, compressant mon cerveau sous mon crâne, compressant ses neurones et ma folie.

Énervé je suis donc dérangé, car quand la colère montre son visage, alors la raison, la sagesse se dissipent, s’évaporent, disparaissent lentement mais sûrement. Mais pourquoi suis-je énervé ? « Cancer » aurais-je envie de vous répondre. Mais est-ce bien cela, est-ce la bonne raison ? Non, lui il n’est rien, il n’est qu’une fatalité qui s’abat sur vous un jour, tout comme la mort nous prendra un par un. Par contre il brise tous mes espoirs, annihile toute envie et s’il me reste un seul désir, un seul souhait, c’est de retrouver l’espoir d’un lendemain, du lointain et de l’infini. Le cancer me plonge dans un monde fini, psychiquement, psychologiquement, telle une geôle, entre six murs où même le ciel n’existe plus.


(18 janvier 2015 - 19h00)

Nostalgie

J’écoute le bruit de la pluie qui tombe en abondance. Ce matin je suis triste, comme la pluie, une tristesse qui mouille mes yeux et assèche mon cœur. Non, il n’est pas simple de vivre l’instant présent sans pouvoir projeter un espoir, un lendemain, une perspective large et ouverte, une route, une grande ligne droite dont on ne peut percevoir ou voir la fin.

Est-ce que je déprime ? Si tel est le cas, c’est une forme de dépression que je découvre, qui m’était jusqu’alors inconnue, moi qui est eu tant de moments déprimants dans ma vie. Je n’ai plus envie de rire ni même de sourire, tant cela me parait plat à présent, cause de cette maladie qui me ronge l’esprit bien plus que le corps, un coup de massue dont je ne me suis pas encore relevé, bien qu’il m’ait été asséné il y a quatorze mois maintenant. Pourtant je vis, je suis là et demain, je le sais, je serai là encore. Mais après-demain, porte que je n’arrive plus à entrouvrir, qu’en sera-t-il ?

Je pourrai prendre plus de psychotropes que je n’en prends déjà, antidépresseur, neuroleptique ou calmant. Mais je m’y refuse, je diminue les doses et en arrête un, tel un masochiste qui voudrait vivre pleinement sa douleur, son malheur. Alors que j’avais cessé de fumer, j’ai recommencé il y a peu, comme si je voulais accélérer le processus afin de partir le plus rapidement possible. Notre monde ne me plait pas et ne m’a jamais plut et c’est seulement quelques êtres que je regrette déjà avant l’heure. Ils sont ma peine comme je suis la leur, mon tourment comme je suis le leur. C’est un cercle vicieux où personne ne s’y retrouve, un cercle dont chacun aimerait sortir et ma mort, uniquement elle, sera ce chemin, ouvrant ainsi la porte de leur avenir, un avenir qui, je l’espère, sera ou restera lumineux.

Il n’y a pas d’enfer après la mort, pas plus qu’il n’y a de paradis. Les deux sont ici-bas, tout de suite et maintenant, et il ne tient qu’à nous de le bâtir, de le construire, de le maintenir ou de le détruire. Je haïs les religions, de plus en plus, de plus en plus fort, même si je partage certains de leurs messages. Mais elles nous font oublier que c’est ici-bas que tout se passe, que c’est ici-bas qu’il nous faut vivre ensemble, non côte à côte mais bien ensemble, car l’avenir n’est pas la mort et ce qui, éventuellement, s’ensuivrait.

Oui, ces derniers jours je suis plongé dans la mélancolie la plus totale, non dans la morosité, mais dans la nostalgie de ces huit dernières années, du moment où j’ai ouvert mon premier blog en décembre 2007, jusqu’au moment où j’ai appris ma maladie en novembre 2013. Jamais je n’ai été aussi épanoui, retrouvant peu à peu la joie de vivre, l’envie d’exister et de l’éprouver, l’envie d’aimer et d’être aimé. Ces huit années sont à présent une parenthèse qui se ferme et mes états d’âme, ceux que j’ai toujours connu et vécu, resurgissent. S’il n’y avait pas Cynthia à mes côtés, c’est avec légèreté que je les vivrai, mais je sais qu’ils lui font du mal et, dès lors, je suis comme désemparé, me sentant coupable de faire souffrir la femme que j’aime. C’est en cela que je me dis vivement la fin, qu’elle retrouve sa liberté, liberté de pensée et de cœur.


(18 janvier 2015)

jeudi 15 janvier 2015

Coup de gueule

Destruction destruction et destruction, c’est tout ce que j’ai en tête ce soir. Non destruction de l’autre, d’autrui, mais de moi-même tellement je ne me supporte plus. Dans « supporter » il y a « porter » et moi je ne porte plus rien, même pas mon propre poids. Il y a des jours où on a l’envie d’en finir et ce soir fait partie de ces jours de merde. Je voudrai respirer, mais je n’y arrive plus, tant au sens propre que figuré. C’est cela, oui, je ne suis qu’une figure qui se meure, déjà morte quelque part, et j’expire et j’expire. En apnée dans mon monde, monde inaccessible au reste du monde, je me noie lentement mais sûrement car, je le sais, je le veux. Marre de ce monde de merde, marre de mon corps malade, marre des conseils et avis d’autrui sur la gestion de mon état, opinions de merde également. C’est moi qui meurs, qui diminue, qui rétréci, pas vous, alors foutez-moi la paix. Occupez-vous de vous, de vos peurs, de vos failles, quitte à me mettre à l’écart, m’éjecter de vos vies, cela ne m’importe plus tant déjà  je suis dans la fin, le point final, ultime aboutissement d’une vie.


(14 janvier 2015)

mardi 13 janvier 2015

De la joie de vivre

La joie de vivre et le plaisir sont deux choses bien distinctes. En soi, la joie de vivre est un plaisir, indépendamment de tout autre plaisir, contentement ou satisfaction. La joie de vivre est, amène et peut procurer du plaisir, non seulement à celui ou celle qui l’éprouve, mais également à son entourage. Mais si vous n’avez pas, plus ou perdu la joie de vivre, aucun autre plaisir ne pourra vous la rendre. Cela ne vous empêchera pas de vivre des moments heureux, agréables, de vous faire plaisir ou d’en donner, mais pour autant cela ne conditionne pas la joie de vivre.

Déjà, pour éprouver cette dernière, il faut être content de vivre ce que l’on vit, quel que soit le cadre, les circonstances, et avoir foi en l’avenir, celle de croire que demain sera au moins aussi semblable à aujourd’hui, voire encore plus agréable. C’est un état d’esprit, un état d’âme fragile, car tout évènement pénible ou douloureux peut le remettre en cause. Un état d’esprit s’installe dans la durée, même s’il ne s’agit que de quelques heures ou de quelques jours. Le plaisir, lui, est ponctuel et s’efface rapidement. Il est comme une montée d’adrénaline qui redescend presque aussi vite qu’elle est montée. L’état d’esprit, joyeux ou non, ressemble plutôt à notre cœur et à ses pompes. Elles injectent et nous inondent dans un rythme régulier d’une certaine forme d’humeur et, à moins d’un coup de sang imprévu, elles nous y installent. Un coup de foudre, un coup de cœur pour quelqu’un est, je le crois, le seul évènement capable de redonner de la joie, de l’espoir, de l’envie à celui ou celle qui a perdu la joie de vivre.

Pour ma part j’ai perdu la joie de vivre en 1992 et ne l’ai retrouvé, à ma plus grande surprise, qu’en 2008, lorsque j’ai rencontré Cynthia. Malheureusement, depuis 2014, celle-ci a de nouveau disparu avec l’apparition de ma maladie, ce cancer immonde qui me bouffe de l’intérieur. J’aimerai trouver le moyen d’éprouver à nouveau cette joie de vivre, mais rien n’y fait, je suis dans l’impasse.


(13 janvier 2015)

dimanche 11 janvier 2015

De la sagesse

Journée étrange qu’aujourd’hui. C’est le jour de l’unité nationale, des rassemblements et des manifestations dans toute la France au nom de la liberté d’expression et en mémoire à leurs victimes. Cette journée m’attriste car, une fois de plus, elle est la conséquence de la bêtise humaine, des vérités toutes faites au nom desquelles certains sont prêts à détruire, à saccager, à tuer. Nous ne tirons aucune leçon de l’histoire humaine, chaque époque reproduisant les mêmes erreurs, habitées par les mêmes tares, seul leurs formes diffèrent, mais point le fond.

Ceci dit, lorsque j’avais vingt ans, j’étais exactement ce que je dénonce aujourd’hui. J’étais dans l’intolérance, le rejet total de certaines valeurs et idéologies et, au nom des miennes, non seulement j’ai frappé, attaqué des hommes, mais de plus j’en ai tué un. Alors qu’est-ce qui a changé depuis ? J’ai simplement décidé de ne plus écouter mes pulsions, de ne réagir qu’en fonction de ma raison et, cela, même si ça m’amène à faire des choix que, par tempérament, je récuse. Est-ce cela s’assagir, devenir sage ? Je ne le crois pas.

Cette attitude qui est mienne depuis vingt ans seulement n’est que la conséquence de mon désir d’avoir la paix, de vivre en paix avec moi-même, loin de tous conflits. Mais au fond de moi, je le sais et l’avoue, je suis toujours le même, aussi intransigeant et sec que je l’étais hier. Cependant il arrive un moment où il faut être cohérent. On me laisse m’exprimer, on me laisse le droit de penser en ce que je veux, quand je le veux et où je le veux. La cohérence exige, impose, que je me plie à ce même exercice envers autrui, même si cela me déplait souvent. C’est un combat avec moi-même de tous les jours où je m’oblige à l’ouverture d’esprit, à la tolérance et au respect de l’autre, même si je n’ai pas le retour de ce dernier. Depuis que j’agis ainsi, acte qui m’épuise régulièrement, ma vie n’a pas été forcément plus heureuse, mais une chose est certaine, elle est devenu plus paisible et, en cela, je ne regrette rien, bien au contraire.


(11 janvier 2015)

samedi 10 janvier 2015

Cancer au réveil

Déjà, à peine levé, réveillé, je me prends la tête. Mais c’est devenu une coutume puisque chaque matin c’est ainsi. Que je fume ou non, prenne ou pas mon café, s’imprime et défile comme un télex le mot « cancer ». A force c’est épuisant, lassant, éprouvant et, parfois, déprimant. Du coup, d’elle-même, l’inquiétude s’installe et ma raison, qui le sait bien, sait que cette inquiétude ne sert à rien. Mais rien n’y fait, elle reste, elle subsiste et je dois en prendre mon parti.

Je rêve de vacance, de nouveauté, de moments neufs, mais ce télex quotidien me signifie que plus jamais ce ne sera, m’accompagnant à chaque pas où que mènent mes promenades. Penser le cancer, surtout malgré soi, vous gâche le paysage, sali l’instant, le moment présent, ouvrant ainsi une large voie à la morosité pour la journée qui débute. Déjà il n’est pas toujours simple de vivre ordinairement, en bonne santé, mais il l’est encore moins lorsque vous êtes malade et, plus encore, lorsque la maladie est mortelle. Alors je pense aux morts, ceux qui étaient en bonne santé et qui, par malchance, sont tout de même morts. Ce sont des morts absurdes, inutiles et, bien souvent, sans sens. Mais la mort a-t-elle seulement un sens ?

Mon cas est différent, non que ma mort sera utile, mais si notre propre corps en décide ainsi, que peut-on y faire ? Hormis se soigner afin de gagner quelques heures, quelques jours, quelques mois, l’inéluctable est tout de même là, à court ou moyen terme.

Le soleil n’existe pas
Il n’y a que la lumière
La nuit n’existe pas
Elle n’est qu’absence de lumière
Voici où se faufile notre chemin
Entre présence et non-présence
Sur un fil forcément clair et lumineux
Car s’il s’efface sous nos pas
C’est alors que nous sommes morts



(10 janvier 2015)

vendredi 9 janvier 2015

Impromptus

Les passions ne sont plus, mais restent les sensations, chimiques, électriques, qui bousculent mes spasmes. Oxygène, où es-tu ? De globule en globule, dans mon corps se promènent le parfum de la mort, le parfum de la fin, la faim d’un néant.

L’instant est futile, mais pourtant si utile
Pour porter le fardeau, un radeau en dérive
Le poids de mon corps, un corps qui se meure
A quand l’occasion de l’adieu infini
A quand l’occasion de dire c’est fini
En une boucle la roue tourne
Et me dit c’est bientôt…

Et je fume et je fume
Cancérigène détente
Qui en rien ne détend
Ni l’instant ni ma peur


Je retombe en enfance, esclave de mes humeurs parce que je ne crois plus au plaisir et recherche l’horreur. Je suis las de me battre, de rabattre et combattre toutes les flèches du désespoir qui, chaque jour, m’assaillent de toute part. Oui c’est lâche, c’est ainsi, car même si les étoiles n’existent que par la nuit, la tombe qui m’attend n’aura plus de soleil. Las des efforts, las de l’ennui, un faux ennui il faut le dire car je m’occupe obstinément, j’ai simplement envie que tout s’arrête et ce,  définitivement. A plus personne je ne suis réellement utile, chacun est grand pour suivre sa route, mener sa barque tant bien que mal, qu’il s’agisse de ma tendre compagne ou de ma fille.

Malgré ces lignes au ton acerbe, au ton amère, en aucun cas je ne déprime et c’est en pleine conscience du mal qu’elles peuvent produire que, néanmoins, je les étale. Je ne suis ni un homme ni une femme et si je devais me définir, c’est un poète que je serai. L’existence n’est pas faite pour les poètes, elle est bien trop cruelle et, ce, naturellement. L’Homme, par sa stupidité et sa cupidité ne fait, somme toute, qu’en rajouter une couche sur l’innommable et le non-sens de cette roue qui tourne dans le vide.


(9 janvier 2015)

jeudi 8 janvier 2015

De la liberté d'expression

Aujourd’hui je suis vénère, énerver, toujours aussi en colère. C’est à cause d’hier, du moins je le pense, à cause de cette tuerie, cette boucherie chez Charlie-Hebdo. La liberté d’expression, c’était leur crime, leur vice, ce pourquoi ils sont morts à présent. Mais la liberté d’expression, qu’est-ce exactement ? Doit-on tout dire ou tout pouvoir dire ? Certes, ce ne sont que des mots et parfois ils dérangent, attaquent le cœur, l’esprit, mais tuent-ils pour autant ? Libre à nous de les ignorer, de ne pas en tenir compte, de les balayer d’un revers de mains si vraiment ils nous dérangent, nous horripilent ou nous castrent. Il parait que nous avons un cerveau, une intelligence, alors voici à quoi elle doit servir, à négliger le désagréable pour ne s’attarder que sur l’agréable. Rester obnubilé, fixé, figé sur ce qui nous déplait est la droite ligne vers la folie, la déraison, la bêtise. Nécessairement, fatalement, elle nous incite au rejet, à l’exclusion, voire à la vengeance, la haine. Cette voie n’est pas la bonne, mon propre parcours de vie me l’a appris, et c’est bien l’ouverture, la tolérance, la compréhension de l’autre même si nous ne partageons pas ses points de vues qui, seules, peuvent mettre du baume dans notre cœur.
Aujourd’hui je pense aux familles des victimes et j’ai mal, mal pour elles.


(8 janvier 2015)

mercredi 7 janvier 2015

Quelle bonne place ?

Que dire de plus ou de moins, la vie avance, maladie ou non, espoir ou non. Alors autant opter pour l’espoir serais-je tenté de dire, même si la déconvenue est à sa porte, prête à me gifler une nouvelle fois. Aujourd’hui est un jour où je me sens libre, comme débarrassé de mes fardeaux, cancer y compris, mais je sais que ce n’est qu’un répit, un moment de douceur dans l’anarchie des jours passés et à venir. La mort, acceptons-le, est un rendez-vous inévitable. Alors pourquoi lorgner sur elle, focaliser, s’acharner à l’envisager dans tous les sens ?

Cependant, en attendant cette fin, il reste la souffrance qui, elle, est bien visible, tangible. En plus de cette dernière, surtout lorsque l’on est soi-même sujet à une maladie mortelle, il y a des désespoirs qui se lisent sur les visages, le sien pour commencer, puis ceux des autres, de l’entourage, de la famille et des amis. Ces scènes, ces constats sont cruelles pour le malade car, même si lui sait sa fin venir, il sait et veut que la vie continue pour les autres, avec des joies, du plaisir et non des pleurs ou toutes autres formes d’atermoiements. Alors on se sent coupable d’être malade, d’être celui par qui le déplaisir arrive, celui qui empêche le monde de tourner rond dans ses habitudes usuelles ou intellectuelles. Oui, c’est atroce que d’éprouver cela, mais que pouvons-nous y faire ? Doit-on faire semblant de ne pas être malade, faire semblant d’être fort et vigoureux, contenir les larmes qui parfois nous submergent ? Que doit-on faire pour épargner les nôtres, les soulager, leur ôter le poids de cette maladie qui, pourtant, ne s’en prend qu’à nous ?

Je ne sais où est la solution car peut-être n’en existe-t-il pas, tout simplement. Chacun souffre, à sa sauce, en son âme et conscience, car qui peut rester impassible dès lors qu’il s’agit d’une personne aimée ? De même, du malade ou de l’entourage, je ne sais pas vraiment qui est le plus malheureux.
Hormis la peur de la mort qui nous tenaille, se cramponnant à notre estomac en nous laissant que peu de temps de répit, nous les malades sommes-nous si malheureux ? Je suis tenté de dire et de croire que notre entourage l’est bien plus que nous, car nous qu’avons-nous à perdre en mourant ?
Ce jour-là plus rien ni personne ne sera, rien ne nous manquera plus, notre traversée de la vie s’achèvera là, ainsi et, ce, définitivement. Mais eux seront toujours là, à devoir vivre avec un manque supplémentaire, un manque de plus, comme si nos vies conventionnelles ne nous fournissaient pas déjà assez de manque comme çà,  de frustrations en tout genre ou d’autres plaies à cicatriser. Alors oui, je pense ma place plus enviable que la leur, même si je dois disparaitre avant eux.


(7 janvier 2015)

mardi 6 janvier 2015

Tristesse

Putain de vie de merde où ne cesse la cohue des montagnes russes, des hauts et des bas, de l’espoir au désespoir, ne sachant jamais où s’arrêter, sur quelle attente ou sur quel manque, largué dans la tête entre mil valeurs qui, souvent, sont en complètes contradictions.

J’aimerai que ce soit fini, savoir enfin à quoi me raccrocher, à quelle illusion ou idée m’enlacer, mais rien n’y fait, il n’y a qu’incertitude et une profonde tristesse. Tristesse de cette vie qui a été la mienne, qui est tout sauf un parcours exemplaire, tristesse de mon histoire avec Cynthia car depuis que la maladie est apparue, la joie a disparue.


(6 janvier 2015)

jeudi 1 janvier 2015

Déclaration

Je t’aime, je t’aime, je t’aime et pourtant rien n’est dit.
Je t’aime, je t’aime, je t’aime et pourtant reste un gouffre.
Je t’aime, je t’aime, je t’aime et pourtant c’est bien plus.
Je t’aime, je t’aime, je t’aime et pourtant même la mer est moins pleine.
Je t’aime, je t’aime, je t’aime et pourtant l’univers lui-même ne peut le contenir.

La langue française n’est pas assez riche, ses mots sont trop pauvres pour exprimer le sentiment, ce sentiment, celui qui ne ment pas, celui qui vous prend tel quel, aux tripes, aux couilles, au cœur et dans la tête. C’est cancérigène, il s’installe en douce et, petit-à-petit, fait son chemin jusqu’à vous envahir complètement. Mais en même temps c’est un tel délice que l’on en redemande. Voici la recette, voici comment l’on devient addict à un être, une personne, un individu qui se démarque d’office de tous les autres.

Tu es cet être et, loin de me ronger de l’intérieur, tu l’ouvres et le fais vivre.


(1 janvier 2015)