dimanche 15 mars 2015

Chacun est seul - Chapitre 3

III


Profond mystère est la matière de la mémoire. Réalité physique gravée dans du chimique ? Invention de la raison pour que subsiste au moins une direction dans ce qui nous semble le temps présent ? Qu’est-elle vraiment entre nos mains ? Telle la rosée qui se dissipe lorsque le jour prend son essor,  le souvenir de notre rencontre m’est irréel, mais « Judith », oui, toi, «Judith», pourrais-je à jamais oublier ton pseudo ? Qui étais-tu, où étais-tu ? Accepterais-tu que je rampe jusqu’aux soutes barricadées de ton navire ? Et quel était ton véritable prénom ? De même, quelle folle traversée avait ainsi pu te dénaturer ? Tout ce chaos est si loin à présent….

« My chemical litany », nom de ton blog, telle une mer chimérique aux sons des vagues, des cris et des orages de ta violence, ton antre était une véritable montagne à affronter, à gravir, à avaler, puis à tenter de digérer. Sous le flot continu des mots durs de ta colère, intransigeants, incapables de pardon, mais à condition d’accepter de chavirer dans les profondeurs de tes abysses, je voyais s’illuminer ces fonds marins que tu  te refusais d'anoblir. Ils étaient pourtant le présage des  mille merveilles que tu t’acharnerais à interdire à l’Autre, autrement dit : au monde dans son entier. Face à toi et déterminé dans mon malheur, j’étais « Absolues », celui « des confessions d’un obsédé peu sexuel », nom de mon blog. Concentré d’énergie négative qui ne demandait qu’à être dispersé dans l’un des mille coins de l’univers, incapable de trouver le bouton rouge qui, enfin, me libèrerait de moi-même, seules les qualités destructrices de ta profonde amertume ont ainsi pu me faire exploser. Certainement à ton insu, sans même l’avoir envisagé, le déferlement de ta rage fut néanmoins tel dans mon amas de certitudes, que toutes devinrent poussières au fil des jours qui s’ensuivirent. Mais comprend-moi très chère « Judith », car je suis être de justice, point de celles voulues par l’Homme pour justifier des mondes qu’il crée, mais uniquement de celles qui se rapprochent de l’équilibre, était-il juste que je sois seul éparpillé, si subitement, si soudainement et, surtout, si brutalement dans les dédales du désespoir, ce monde de glace que je m’acharnais encore à entretenir, à décorer et à vénérer ? Et toi, pourquoi pas toi ? Réaction, combustion, devenir un nouveau gaz dans l’atmosphère de ta violence, une onde de choc au seul profit de tes espoirs, voici ce que j’entrepris de devenir. A ce sujet, tu m’écrivis un jour:

« Tu te fis compréhension de ma démence, souffle court de l’insolence, piégées qu’elles furent par les termes de l’insouciance que, de loin, je voyais basculer en confiance déterminée dans  un chemin flagrant d’évidence et d’ose future à peine assumée. Mais comment suivre une danse lorsque nos pas sont marqués de l’empreinte froide d’un antre si éloigné des songes calmes, à la volupté assouvie… leurs charmes corrompus n’étant plus qu’écœurement d’être l’Être,…  écœurement  et amour du néant ? Admiration pour du lugubre, je devins pleine source de ton plein contentement, éclairant par ma parole les voies sans chemin des rouleaux utopiques qui refusent de s’écrire, traçant une route aux tours illuminés de sinistre annonçant, de fait, l’entière révélation d’un épanouissement refoulé et nié…, désir d’apaisement, de finitude, tant le besoin du don des sentiments prochains voyait enfin le jour. »

Dès mon premier regard sur tes maux, déjà, je su que je t’aimais. Mais les mots sont si flous, si courts sur la distance pour dire le cœur et ses soleils. Quel terme choisir pour exprimer l’enclave dans la roche, cette passion fougueuse qui nous dessoûle des arcs-en-ciel bicolores qui, hier encore, nous présentaient le gris du monde en des contours si détestables ? Électriques souvenirs qui ne peuvent laisser indemne… Dire je t’aime, certes, je le peux, mais c’est si faux et pourtant juste, si irréel, mais si concret, bien plus vrai que l'existence fluctuante et sa constance à ne produire que du parfum inachevé. Personnification parfaite de ma conscience, c’est bien un tout que tu devins, un tout nommé « Judith » – que tes lettres/son personnifiaient –.  Recomposition moléculaire de mes désirs, de la logique de leur chimie, l’alchimie de notre fusion fût si totale qu’elle devint un bateau ivre  indépendant de toute raison.

Judith, électron libre de ma province où tout sera
Une féline au goût psy-chic, psychédélique et parfois snob
Délicatesse d'une âme meurtrie taillant les plaies d'un enfer gris
Îlot de soif qui m’incita à me couvrir d'un sombrero
Tentative vaine depuis l’éloge du « trou du cul »
Héroïque rédemption vers des plages inconnues…


Blog… Journal intime ? Cadastre électronique ? Inventaire informatique ? Mots de nos trips essentiellement… Face à la vie ? Pour dire la vie ? Non. Ni de la vie… ni de nos vies. Maux thématiques, à sens unique, nous permettant d’errer vers d’autres sphères lorsque le quotidien enferme l'élan dans une boucle, égarant ainsi malicieusement de notre chemin toute rencontre avec nous-mêmes, nous choyons sur le réseau l’illusion douce d’exister - orgueilleuse conviction de n’être point ce mort qui vit en nous - pâle reflet de nos vies plates qui sont échos du seul confort de l’habitude, conformément à toutes les normes qui nous garrottent si sûrement… - Que pouvons-nous être dans ce désastre spéculatif, dites-le moi ? Qui suis-je lorsque tombe ainsi votre sentence ? Et vous ? Et elle ? Que dois-je voir dans nos miroirs ? Est-ce que je peux véritablement vous penser, y concevoir ou y percevoir un fond, voire une forme ? Aboutissement d’une sélection dite naturelle selon Darwin, je n’ai nullement le sentiment d’être un Etre abouti, et moins encore d’avoir l’obligation d’aboutir où que ce soit, totalement, définitivement ou inéluctablement, comme si cela était nécessaire, primordial, essentiel, hormis d’aller vers l'unique point de chute intangible: la mort. Selon un Freud, un Jung ou un Platon, je serai également l’aboutissement de perceptions psychiques, à la croisée de mes névroses et de psychoses, m’inventant ainsi chaque matin pour me distraire et me complaire entre deux rives bien définies, celles d'un pire et d'un meilleur, jouant avec leurs cartes sur le comptoir d’un moi confus. Cependant, je me sais être ma seule réalité, celle que je sens car je l’éprouve, la respirant dans son entier, quelque soit la forme de schizophrénie de mes marées, de mes idées, de leurs banquets dans ma caverne, et quand bien même tout alentour serait fiction, « Judith » et vous compris évidement. Pour un Démocrite, un Helvétius ou un Einstein, je serai surtout un ajustement de particules, un assemblage de molécules aux réactions chimiques, électriques ou atomiques, bref, un simple composé de matière à durée limitée, d’essence hasardeuse ou déterminée, peu importe, mais sans réelle volonté, hormis celle conditionnée par toute cette mécanique « bigbangtesque ». Et après ? Qu’est-ce que cela peut m’apprendre sur qui vous êtes, sur qui elle est, sur qui je suis ? Où trouver le chemin qui m’apprendrait comment vivre ce tout, tout manifeste bien que fragile et éphémère le long des courbes de l’espace-temps ? Le Moi, le Toi, le çà, l’électron libre ou le proton, où nous conduisent le sens de ces essences présupposées ? A cette interrogation primitive, je décidais d’y apporter un jour ma modeste contribution, un excrément en ligne de ma synthèse du phénomène. T’en souviens-tu suave « Judith », toi qui n’étais pas encore ma « Mimesis », toi qui, de suite, devins l’unique empreinte de mon cœur ? Premiers mots et premiers pics à l’endroit de ma personne, premiers tirs à maux ouverts tel le revers d’une même histoire, tu me mis à l’envers… et c’est bien  peu de le dire !

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