dimanche 29 mars 2015

Etrange réveil

29 mars 2015


Il est 16h00, je viens de faire une petite sieste et c'est un rêve, ou plutôt un cauchemar, qui m'a réveillé. Ce n'est pas la première fois que ce même cauchemar me réveille. Je me vois entrain de mourir, dans le dernier moment, le dernier instant, suffocant et mourant, ma tête penchée sur le côté gauche, ma bouche restant ouverte. De suite cette scène m'a réveillé, installant en moi une espèce de malaise, comme à chaque fois, et il me faut bien cinq bonnes minutes pour retrouver mes esprits, constater que je suis bel et bien là, que ce n'était qu'un rêve, certes mauvais, mais qu'un rêve et qu'à présent la réalité, le fait que je vive, que je respire, que je pense, prenne le dessus, prenne le pas sur ce rêve qui m’apparaît à chaque fois comme prémonitoire. Est-ce ainsi que je mourrai ? En suffoquant ?

Afin de ne plus y penser, de suite je me suis habillé et suis sorti. A présent je suis au même café que ce matin, près de la gare de Rennes, et il pleut. En ce moment, Cynthia et Estelle sont à Saint-Malo, peut-être sous la pluie également. Lorsqu'elles rentreront ce soir, je pense que j'aurai le droit à un compte-rendu, surtout qu'Estelle ne connaissait pas Saint-Malo et sa belle petite ville fortifiée, sa longue plage et les vagues qui y déferlent.

Néanmoins je me sens encore fatigué et si c'était un autre rêve qui m'avait réveillé, je me serai ré-endormi. Cependant, l'intensité de ce rêve me travaille encore au corps, comme si réellement j'avais suffoqué en dormant, et c'est entre les mains de Cynthia que ma tête, ma vie, ma personne finissait sa course. Est-ce que je pressens quelque chose ? Est-ce que je me fais à une sorte de réalité, ma mort tôt ou tard, inéluctable ? Suis-je encore en phase d'adaptation face à ma mort, donc à ma maladie ? Ais-je bien intégré ce que signifie le cancer ? Si oui, pourquoi est-ce que je fume encore ? Toujours ces mêmes questions qui tournent en boucle dans ma tête, même si c'est de moins en moins souvent, mais récurrentes néanmoins.

Si j'étais à paris, que ferais-je pour me changer les idées ? Je ferai la même chose qu'ici. Je sortirai de chez moi et irai incognito dans un café, certainement avec l'ordinateur pour y vider ma pensée, mes peurs, mon angoisse. A l'époque où mon cancer a été découvert, fin 2013, on me donnait une année de vie si je ne me soignais pas. Et aujourd'hui, alors que je me suis soigné et me soigne encore, combien de temps me donnerait-on ? Si je ne m'étais pas soigné, aujourd'hui je serai mort. Serait-ce un mal, un véritable mal, y compris pour Cynthia et ma fille ? Je ne le pense pas vraiment car je crois que l'on se remet de tout, absolument de tout, même si cela laisse parfois de grandes cicatrices.

J'ai les écouteurs sur mes oreilles et j'entends Bashung, une compilation que je me suis faite de ses chansons que je préfère. Alain Bashung, c'est tout un univers, un monde à part qui ne ressemble qu'à lui, que je n'ai retrouvé nul part ailleurs dans la chanson francophone. C'est en même temps mélancolique et lourd, révolté et résigné, mais quoi qu'il en soit une sphère courageuse où, coûte que coûte, on essaye d'avancer, quoi qu'il se passe, quoi qu'il se dise, ne pas lâcher, ne pas tomber, ne pas s'écrouler, ne pas sombrer. De même, l'immense majorité de ses textes sont de véritables odes à la poésie, de celles qui nous envolent, nous font planer au-dessus d'autres planètes, entre deux ou trois mille étoiles quelque part là haut, entre deux galaxie, deux nébuleuses.

J'ai toujours le retour de ce rêve en tête, je l'éprouve encore dans mon cœur, dans mon poumon gauche, et si je m'écoutais je m’enivrerai afin qu'il passe définitivement. Mon poumon gauche est celui qui est intacte, qui n'a pas encore été touché, ni par des métastases ni par le bistouri du chirurgien. Aussi étrange que cela puisse paraître, je sens en moi qu'il est plus grand que mon poumon droit, que c'est là que s'empile la majorité de l'air que je respire, qu'il est celui qui gonfle le plus. Aujourd'hui je vis avec un poumon et demi et déjà je ne peux plus faire d'effort physique. Comment vivent, respirent ceux et celles qui n'ont qu'un poumon ? Que peuvent-ils porter, quels efforts physiques peuvent-ils fournir ? Vaut-il mieux être handicapé neurologiquement, comme mes pertes de mémoire, ma difficulté à me concentrer, à faire attention sur une longue durée, ou être handicapé physiquement, donc être très souvent dépendant, tributaire de quelqu'un d'autre ?

Je pense également à Besançon. Est-ce parce que c'est la montagne que j'ai un a-priori ? Je le pense. Est-ce que son climat en hivers, au printemps, me conviendra. Et l'automne, comment c'est par là-bas ? Et l'état d'esprit des habitants, comment sera-t-il ? Seront-ils ouverts, comme ici à Rennes, ou ressembleront-ils plutôt à des lyonnais, des gens froids et renfermés ? De même, dans quelle ville exercera Cynthia ? A Besançon-même ou ailleurs ? Et nous, où habiterons-nous ? Là où sera situé son collège ou lycée d'affectation ou à Besançon, quitte à ce qu'elle prenne les transports, voir le train, pour se rendre sur son lieu de travail ? Il y a tant d'inconnu avec cette ville, cette nouvelle affectation, que j'évite d'y penser dans la mesure du possible. De même, pour que Cynthia soit enfin professeur titulaire à part entière, il faut également qu'elle réussisse sa dernière année de Fac, qu'elle obtienne son Master 2. Même si sur ce point tout est en bonne voie, l'année n'est pas finie pour autant et elle a encore des épreuves à passer.

De penser à l'école me fait penser à ce faits divers dont en parle actuellement à la télévision, ce directeur d'école pédophile dont au moins 14 enfants auraient été victimes. Si l'on ne peut même plus se fier aux directeurs de nos écoles, où va-t-on, je le demande ? Je n'arrive pas à imaginer quelle serait ma réaction si ma fille était concernée par de tels agissements. Je me sentirai certainement en colère et en même temps démuni, impuissant. Ce doit être un sentiment horrible qu'éprouvent les parents d'enfants victimes de ces faits. Comme à mon habitude, j'essaye néanmoins de comprendre ce qui peut se passer dans la tête des pédophiles. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans leur esprit, dans la zone qui contrôle les pulsions sexuelles, pour qu'ils puissent éprouver un quelconque plaisir dans leur jeux sordides ? Connaîtrons-nous un jour assez le cerveau, son fonctionnement, pour mettre au point de véritables camisoles chimiques, voire des puces électroniques capable d'endiguer ce genre de pulsions morbides ?

Je viens d'avoir ma belle-mère au téléphone et franchement je suis content de toutes les bonnes nouvelles qu'elle m'a donné concernant sa santé et son train de vie dans la maison de repos où elle se trouve. Depuis un an maintenant elle était alitée, ne pouvait se déplacer de son lit, ne connaissait que la position allongé, ne pouvais s'asseoir, y compris dans son lit, car elle avait des pertes d'équilibre systématique. Pour pallier à tout ça, elle a fait à de nombreuses reprises des séances de kiné, histoire de lui muscler à nouveau les jambes, les cuisses, les abdominaux,etc. Cependant, jusqu'il y a peu encore, il n'y avait pas d'évolution significative. Et là, qu'est-ce que j'apprends ? Elle était dans un fauteuil roulant qu'elle arrive à manœuvrer seule, avec ses mains, ses pieds, et même si ce n'est pas toujours facile m'a-t-elle dit, elle arrive à gérer. De même, depuis un an elle prenait tous ses repas dans sa chambre, seule, et comme elle ne sortait jamais dehors du fait de son état, elle ne côtoyait donc pas les autres pensionnaires de cette maison de retraite. A présent, depuis peut-être une bonne semaine, elle mange désormais dans le réfectoire dans son fauteuil roulant, avec les autres pensionnaires, ce qui lui permet de faire des rencontres. De même, elle semble retrouver l'appétit, même si la cuisine n'est pas fameuse selon ses goûts. Bref, tout cela sont d'excellentes nouvelles et j'espère qu'elle va continuer sur cette pente et que bientôt elle pourra enfin réintégrer son domicile. Oui, vu l'état dans lequel elle était il y a un an, cela relève presque du miracle qu'elle s'en remette ainsi. Mieux vaut tard que jamais, dit-on, et je confirme dans son cas. Du coup, ces bonnes nouvelles ont balayé de mon cœur les effets de mon rêve pour laisser place à un sentiment de plaisir, de joie. Effectivement, j'estime qu'elle en a assez bavé, plus qu'elle ne l'aurait dû, et que c'est un juste retour des choses que son état s'améliore enfin, avec des signes tangibles, concrets, qui font qu'avec le temps elle sera moins dépendante d'autrui. De même, je sais que sa maison lui manque et je béni à l'avance tout ce qui pourra faire qu'elle la réintègre. Oui, je sais que ce jour là elle sera dans le plaisir, le vrai, celui qui vous prend tout entier et vous submerge. Plus d'une fois, surtout lors de ses premiers mois d'hospitalisation, elle nous a fait peur. Effectivement, comme elle n'arrivait pas à cicatriser, ses organes intérieurs se promenaient, lui procurant non seulement des douleurs infernales, mais de plus menaçant de la tuer si la cicatrisation ne prenait pas. A trois reprise au moins elle a été opéré du ventre, toujours pour trouver une solution afin qu'elle cicatrise, opérations qui généraient systématiquement une anesthésie générale, ce qui ne pouvait que l'affaiblir encore un peu plus. Puis, en plus de tous ces déboires, il y eut les séances de chimiothérapie qui débutèrent, l'affaiblissant également un peu plus encore. Non, elle revient de loin, et tout cela je l'ai vu de mes yeux puisqu'à l'époque Cynthia et moi habitions encore Lyon. Bref, cette journée se termine par de bonnes nouvelles et c'est tant mieux. Des nouvelles comme celle-ci, pour quelqu'un comme moi, donne envie de vivre, de se battre, d'aller également de l'avant. Oui, son évolution est encourageante et, en conséquence, encourage ceux qui, comme moi, son prêt à se laisser abattre, à se laisser aller sans tenter quoi que ce soit pour modifier le cours des choses. Oui, contrairement à moi, ma belle-mère est un bel exemple de courage. Entre son père et sa mère, Cynthia a de qui tenir en la matière, ce qui explique certainement qu'elle soit aussi persévérante en générale, quoi qu'elle entreprenne et quoi que le sort lui réserve.

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