vendredi 6 mars 2015

De l'alcool

J'ai fait une longue sieste, de 14h00 à 16h30, c'est dire que je me lève à peine tandis qu'il est 17h30. De suite je me suis préparé pour sortir dehors, pour profiter du magnifique soleil qui rayonne encore. Mais je ne suis pas dans l'un des cafés des rues piétonnes, je suis à la terrasse de l'un des cafés qui jouxte la gare. La clientèle n'est pas du tout la même que celle des endroits où je vais habituellement. Il y a toujours de la jeunesse, mais ce n'est pas celle bon chic bon genre du quartier Saint-Anne. Là où je suis actuellement, c'est également un bistro de poivrots, homme ou femme, tous et toutes d'un certain âge, plus avancé que le mien. Je viens rarement dans ce bistro, mais à chaque fois je suis sûr de croiser ces poivrots. Voilà comment finira mon frère, malheureusement, lorsqu'il aura leur âge, d'ici 15 à 20 ans. A moins qu'il ne vive reclus chez lui avec ses packs de bières, son pinard et peut-être du pastis.

L'alcool, en tout cas dans ma famille, aura été une véritable plaie. Mon père, lorsqu'il tapait ma mère, le faisait toujours en état d'ivresse. Ma mère, lorsqu'elle commençait à lui prendre la tête, c'était toujours le soir, pendant le dîner ou après, après avoir bu quelques verres. Pour ma part, une fois majeur, tous les délits que j'ai commis et pour lesquelles je me suis fait arrêter, c'était sous l'effet de l'alcool. A chaque fois j'étais complètement ivre. Pour Michel, même si c'est moi qui me suis livré à la police le lendemain, notre bagarre et sa mort furent le fruit de notre ivresse réciproque. Ma sœur, même si c'est de loin la plus sage de notre famille, est également devenue alcoolique. Elle, son truc, c'est le vin, et c'est avec ça qu'elle se saoule tous les soirs. Elle doit vider au moins une demi-bouteille de vin par jour, si ce n'est plus. Quant à mon frère, son truc c'est la bière. Dans mes derniers souvenirs qui remontent à huit ou neuf ans maintenant, il vidait au minimum une quinzaine de verre ou de bouteille par jour. Lui, pour être complètement ivre, il lui faut aujourd'hui boire au moins le double. En suivant ses périples sur sa page facebook, je constate que chaque semaine, au moins une fois, il a la tête dans le gaz suite à une soirée bien arrosée. Je suis le seul à ne plus boire, cela depuis mon histoire avec Michel, une mort qui m'a fait passé le goût de l'alcool. A l'époque et jusqu'à récemment je me disais que si je buvais un jour de nouveau, c'est que je serai dans une chaise roulante, dans l'impossibilité d'alpaguer qui que ce soit, de faire du mal physiquement à quiconque. Enfin, je ne compte pas toutes les personnes que j'ai connu, essentiellement sur Paris, qui chaque soir, après leur journée de travail, deviennent de véritables loques. Oui, l'alcool est un véritable piège pour certains et certaines. On commence un jour par un verre, histoire de faire comme tout le monde, comme si le fait de boire de l'alcool était une forme d'émancipation, et après Dieu seul sait où nous nous arrêterons. Certains, comme mon frère, ont l'alcool gaie. D'autre, comme ma sœur, l'ont nostalgique. De nombreuse fois je l'ai vu pleuré après quelques verres. Bien entendu ses pleurs n'étaient pas directement liés au vin, mais c'est comme si tous ses soucis remontaient d'un coup lorsqu'elle est en état d'ivresse, qu'elle ne pouvaient plus les contenir, les gérer, et d'un coup, brusquement, tout ressort et ses yeux coulent à flot. Pour ma mère, j'ai l'impression que son vin lui fait l'effet d'un calmant à présent. Elle aussi, comme ma sœur, boit facilement une demi-bouteille de vin par jour, voire une entière. Mon frère, je n'ai pas trop compris pourquoi il s'était engouffré dans ce vice. C'est comme s'il ne concevait plus qu'on puisse s'amuser sans se torcher la gueule. Comme je l'ai écrit c'est un bon vivant ou, en tout cas, il se veut l'être et il croit indispensable d'amuser la galerie pour garder toute sa cour. L'alcool 'aide-t-il dans cette entreprise ? On pourrait le croire. N'en a-t-il pas marre parfois de sa condition ? Je suis sûr que oui puisque cela, son alcoolisme, a contribué à ruiner sa vie professionnelle.

Et dire que tous les trois, ma sœur, mon frère et moi sommes les enfant d'un père qui a grandis dans un palais, là-bas, dans son Maroc natal, un palais ressemblant peu ou prou au palais où a grandi le Roi du Maroc actuel, que nous sommes les petits-enfants d'un grand-père qui eut une voiture avant même le roi d'alors, tandis que le Maroc retrouvait son indépendance. Le roi d'alors était le père de Hassan II et c'est mon grand-père et une partie de sa famille qui aida financièrement à l'autonomie de ce royaume. Oui, quand je pense à tout cela, là encore je trouve le destin bizarre, étrange. Mon père n'avait jamais connu la pauvreté avant de connaître ma mère, de s'installer en France, de créer son entreprise et de faire faillite. Il est mort pauvre, au Maroc, dans une petite maison que lui avait pris son frère aîné, celui-là même qui a gardé toute la fortune de mon grand-père, droit d’aînesse oblige car c'est ainsi que cela se passe dans cette autre culture.


(6 mars 2015)

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