lundi 16 mars 2015

Les machines de linge

9h30

Ce matin, place des Lys, ce n'est pas le calme. Il y a plein de travaux, de camions, et d'ouvriers qui s'activent. Le bruit des moteurs, malgré que j'écoute des musiques de films avec mon casque, est comme un long ronronnement sans répit dans mes tympans. Lorsqu'un camion s'en va, que je n'entends plus le bruit du moteur, c'est alors un marteau-piqueur qui se signale à mon ouïe. Bref, ce matin le silence habituel à cette heure ne sera pas de mise. Mais bon, ais-je tant besoin du silence ?

Une nouvelle semaine commence donc. Que vais-je faire aujourd'hui, que vais-je écrire, y a-t-il quelque chose qui m'inspire ? Oui, j'aimerai que nous soyons déjà en plein printemps, voir au début de l'été, avec des températures plus chaudes que celles que nous avons actuellement, cesser de sortir avec deux pulls sous mon manteaux, ranger mon bonnet qui réchauffe mes oreilles, bref, être moins lourd à porter du fait de tout cet entassement de vêtements.

Est-ce que je pense à ma maladie ? Comme tous les jours. Ou plutôt, comme tous les jours, je me pense comme un malade, pas forcément en rapport avec ma maladie, mais du fait de ma diminution physique. De même, que fais-je à peine réveiller ? Prendre mes médicaments qui, immédiatement, me ramène à ma condition de malade. Certains sont là pour agir sur mon cerveau, d'autres pour prévenir d'éventuelles nausées et, enfin, les derniers sont là pour agir contre la douleur, celle de mes côtes suite à mon opération chirurgicale du poumon. A côté de ce type de médicaments, je prends également des psychotropes, un neuroleptique et un calmant. De même, pour faire plaisir à ma mère et à ma sœur qui croient dur comme fer en la vertu presque magique des produits naturels pour aider le corps à se battre contre la maladie, je prend également des « médicaments » naturels. Bref, dès le réveil, je passe un bon quart d'heure à prendre toutes ces pilules, à me réveiller en me disant que si je prends tout ça c'est parce que je suis malade, et je ne sort plus de cet état d'esprit de la journée. En conséquence je n'ai plus envie de faire quoi que ce soit, tout m'épuise à l'avance, y compris en ce moment le fait de sortir pour aller écrire. A tout cela se rajoute les effets secondaires de mes séances de radiothérapie qui font que régulièrement dans la journée je me sens encore plus affaiblie, au point d'aller dormir.

Aujourd'hui je doit faire les machines de linge, mais là, de suite, je me sens déjà épuisé et si j'étais chez moi plutôt qu'à cette terrasse de café, j'irai me recoucher. Néanmoins il va falloir que je prenne sur moi pour faire ces machines, car si je m'écoute, si je n'écoute que mon corps et sa fatigue, jamais je ne les ferai. Il y a vraiment trop de bruit autour de moi et je vais donc quitter cet endroit. S'il ne fait pas trop froid je m'installerai dans un autre café, près du quartier république. Sinon je rentrerai chez moi et attaquerai les machines de linge à la laverie du quartier.


16h15

Lorsque je suis rentré chez moi ce matin, vers 10h30, de suite je me suis couché pour ne me réveiller que vers 12h45. Depuis et, jusqu'à il y a une heure encore, j'étais dans la lessive. A présent je me détends, me repose à la terrasse d'une crêperie de la rue piétonne, rue Vasselot, dans le quartier République. Oui, je veux oublier la laverie, passer à autre chose, et me satisfaire pleinement et entièrement de ce que je viens de faire. Tout ce linge que j'ai lavé, pas moins de trois machines, c'était essentiellement la lingerie, les vêtements de Cynthia. Oui, en ayant fait cette grande lessive, j'ai le sentiment, enfin, de lui être un peu utile, même si cela semble dérisoire à vos yeux. Effectivement, concrètement, en quoi lui suis-je utile dorénavant ? Dans son travail, je ne lui suis d'aucune utilité. Contrairement à l'époque où elle n'était qu'en fac, je n'ai plus de cours à lui faire réciter. Fini le latin, le vieux français et toutes ces autres matières auxquelles je ne comprenais rien de ce que je lui faisais réciter. A l'époque, avant qu'elle ne décide de passer le capès pour devenir prof, elle avait un projet de mémoire. Pour ce dernier, je le sais, à cause de la thématique, je pense que là aussi j'aurai pu l'aider. Mais maintenant qu'elle a changer de filière pour devenir prof, elle a changé la thématique de son mémoire, et là, je ne vois comment l'aider, comment participer à une réflexion sur le sujet. De même, parce qu'en ce moment elle n'a plus le temps de rien, même pas de monter à cheval comme elle le faisait jusqu'alors, tous les samedi, nous ne pouvons aller ensemble découvrir le reste de la Bretagne. Pourtant les destinations sont nombreuses, à commencer par la visite du Mont Saint-Michel qu'elle n'a jamais vu. Oui, lorsque nous partons ensemble pour découvrir un lieu qu'elle ne connaît pas, je me sens utile, au moins pour le repérage des lieux. De même, bien que cela soit assez exceptionnel, elle met parfois sur la table des sujets de société, et j'aime l'écouter et échanger avec elle sur ces derniers.

En ce moment, est-ce une histoire d'hormones, de phéromones, j'ai besoin et aime la sentir physiquement près de moi et mon sentiment, mon impression, est que la réciproque est valable. Je ne sais pourquoi je pense subitement à cela, mais demain je vais me prendre une grande douche, une longue douche bien chaude, dans le droit fil de la lessive que j'ai faite aujourd'hui. J'aurai pu la prendre aujourd'hui, ou ce soir, mais je me sens trop essoufflé. Cela n'y paraît pas, mais un morceau de poumon en moins vous diminue beaucoup beaucoup. Les moindres pas, les moindres gestes vous essoufflent très rapidement. Alors je suis obligé de me poser quelque part, de m'asseoir, voire de m'allonger pour récupérer et, lorsque je marche, je suis parfois obligé de m'arrêter une bonne minute avant de reprendre ma marche. Du coup, quelque soit l'endroit où nous habiterons autour ou dans Besançon, je me demande comment sera le terrain, vu que nous serons au pied du Jura, de la montagne ? Sera-ce partout vallonné ? Y aura-t-il du terrain plat ? Oui, le Jura est une région que je ne connaît pas du tout. Pas plus que je n'ai été à Besançon, pas plus je ne connais Dijon. Oui, ce sera une véritable découverte et si j'étais en meilleure forme cela m'enchanterai presque car j'aurai essayé de faire des randonnées en montagne. Je pourrai faire du ski, allez-vous me dire, mais je ne sais pas skier. Je pourrai apprendre, allez-vous me rétorquer. Peut-être vous répondrais-je, peut-être, mais cette idée ne m'emballe pas. Je crois que lorsqu'il neigera, je serai assis je ne sais où à contempler, admirer la neige, qu'elle tombe ou non, à apprécier ce spectacle blanc.

Bref, quoi qu'il en soit, même si ma mâtiné ne pas transporter, je suis vraiment satisfait de mon après-midi du simple fait d'avoir été utile à celle que j'aime. Plus de cancer, plus de maladie, plus de handicap pendant que je triais le linge, le rangeais dans des sacs, les plaçais dans les machines à linge puis dans les séchoirs, en pliait une partie tout en faisant un nouveau tri, chaussette avec les chaussettes, culotte avec les culottes, etc. Une fois terminé, j'ai donc tout ramené à la maison avec la satisfaction du devoir accompli. Oui, mon après-midi a été bonne, même si un peu besogneuse, et ma bonne humeur accompagne ces mots que j'écris.

Là encore, peut-être parce que les médias n’arrêtent pas d'en parler, je pense au Front National, à sa présidente qui ne dis pas que des choses connes, malheureusement, et à tous ceux et celles qui adhèrent franchement à ce mouvement. Je me rappelle du père, Jean-Marie, alors que j'avais vingt ans et que son partie ne faisait même pas 5% de suffrage. Trente ans plus tard, il fait le tiers des votes d'aujourd'hui, mais personne ne s'en alarme vraiment, je le constate autour de moi. On dirait que c'est un sujet pour les médias, mais pas pour nous, quand nous sommes en famille ou entre ami. Non, ce sujet ne vient pas sur la table, comme si l'expansion du Front National et sa politique suicidaire économiquement, puante idéologiquement, n'était rien, n'était pas si grave. Il faut dire qu'autour de moi, moi mis à part évidemment, il n'y a que des blancs ou, comme on aime à le dire, des français de pure souche. Cela me rappelle les années quarante où, là aussi, parce qu'on n'était pas juif, leur sort n'intéressait guère les foules. On a vu le résultat. Mais bon, j’arrête là ma réflexion sur le sujet car c'est faire trop d'honneur à ce partie que d'en parler.


(16 mars 2015)

2 commentaires:

  1. Chouette, vous n'aimez pas le FN, moi non plus
    Vous ne savez pas trop quoi faire avec votre petite fille pendant les vacances. Que peut-on faire avec une jeune ado de 13 ans? A vrai dire, je n'en sais rien, la plus grande de mes petites filles ayant 9 ans. Je ne connais pas trop vos ressources, mais Saint Malo, Le cap Fréhel, Fort La Latte et Dinan, y a quand même de quoi faire. En profiter aussi pour parler , essayer de rattraper le temps perdu, car le temps n'est jamais vraiment perdu avec les enfants
    Avez-vous entendu parler aussi d'une molécule ou d'un truc comme cela qui tuerait les cellules cancéreuses? les premiers essais sur l'homme auront lieu en 2016; tenez bon jusque là
    Vous me demandiez quel sentiments on a quand on est grand parent
    D'abord, il y a les enfants; on les a faits pour se faire plaisir - je reste persuadée que c'est une démarche assez égoïste- Mais après, il faut essayer d'en faire des adultes responsables; on voudrait toujours les voir heureux, chose impossible puisqu'on ne contrôle pas les aléas de la vie
    Les petits enfants, on ne prend que les bonnes choses; on leur consacre un temps que les parents n'ont pas toujours; nous sommes aussi les passeurs de l'histoire familiale
    Néanmoins, ayant pas mal de petits enfants, je les appelle les "chicoufs" (chic, ils arrivent, ouf ils repartent. Mais ils sont notre joie de vivre
    Je pense que nos enfants comptent sur nous et le petits nous aiment, c'est déjà pas mal

    Pour revenir au bénévolat dont vous parlez, attendez d'être plus en forme; il faut penser d'abord à vous. Et essayer d'oublier tous les démons qui vous rongent. Vous n'avez pas voulu tuer un homme; il s'agit d'un accident, terrible de conséquences certes, mais d'un accident. Vous auriez pu renverser quelqu'un en voiture par ex.
    Ne prenez vous pas trop de médicaments? ça diminue pas mal notre perception des choses non? vous allez dire que je suis aussi ch...que votre maman
    Dîtes à votre copain qu'une hémochromatose, c'est lourd à vivre; j'ai eu des saignées de 500ml toutes les semaines pendant deux ans, aujourd'hui, cinq six fois par an. Parfois, le moral fait des vagues mais il faut tenir pour sa famille et...aussi pour booster un Monsieur que je ne verrai jamais mais qui a parfois besoin d'un petit coup de pouce
    Un gros bisous pour vous et un pour votre amie qui devrait aller voir le Mont Saint Michel. Le Couesnon dans sa furie - pour les Normands, dans sa folie pour les Bretons-, a mis le Mont en Normandie

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  2. Effectivement, le FN n'a jamais été ma tasse de thé, mais vu l'ampleur que prend maintenant ce mouvement, il est dur de l'ignorer, de faire comme s'il n'était rien.

    Concernant ma fille, je ne sais toujours pas où je vais la prendre. Chez moi à Rennes, ou à Paris chez ma mère, dans l'appartement où j'ai grandi. Si c'est à Rennes, il est clair que je l'emmènerai au moins à Saint-Malo et au Mont Saint-Michel, en plus de lui faire visiter Rennes et toutes ses églises.
    De même, lorsque vous m'expliquez votre sentiment en tant que grand-parent, cela me rappelle toutes les fois où je gardais ma nièce (la fille de ma soeur), de sa naissance à ses 17 ans. C'était également "Chic", je vais la voir, puis "ouf", je vais maintenant me reposer !

    Concernant le cancer, j'ai effectivement entendu parler d'un "vaccin", mais ce dernier ne traiterait que le cancer du poumon. D'ailleurs le terme "vaccin" m'avait intrigué puisque ces derniers sont administrés à titre préventif, non? Mais je n'en sais pas plus sur le sujet. La médecine avance, de cela je suis sûr, mais à quelle vitesse, là est la question?

    Quant à ma sinistre histoire où, de mon fait, et peu importe que je l'ai voulu ou non, j'ai participé à la mort d'un homme, une homme dont j'ai appris 3 ans plus tard qu'il avait été aussi un père, laissant ainsi en déshérence sa femme et ses deux fils alors en bas-âge, non, tout cela aurait pu être éviter si à l'époque (j'avais 26 ans) j'avais eu un comportement "normal", ne m'étais pas réfugier dans l'alcool pour éviter, lâchement, d'affronter mes problèmes d'alors, et de cela, de mon comportement lâche, je suis coupable avec la conséquence que vous connaissez. A sa façon, cette histoire est un autre cancer, mais une tumeur stable qui ne grossit plus, certes, mais qui ne peut être éradiquée. Depuis, je surveille mes comportements comme l'on surveille ses tumeurs, leur évolution, car plus jamais je ne veux revivre quelque chose de similaire. Je trouve simplement triste qu'il ait fallu une catastrophe pour qu'enfin je devienne un peu raisonnable.

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