vendredi 27 mars 2015

Astrologie

27 mars 2015


Aujourd'hui je réalise que nous sommes bientôt à la fin du mois de mars, mois que je n'ai pas vu passer, et que d'ici-peut je serai avec ma fille à Paris. Le temps passe vite, alors qu'hier, lorsque j'étais jeune, voire enfant, il me semblait qu'il n'avançait pas. Et lorsque l'on a 80 ans ou plus, quelle est notre notion du temps ? A-t-on l'impression que son mouvement s'accélère encore plus ? A-t-on l'impression à peine réveillé que la journée, déjà, est presque finie ? Moi, c'est l'impression que j'en ai. Le plus long dans ma journée, c'est la matinée. Mais une fois midi passé, je vois déjà le soir pointer son doigt, me disant que si je veux en profiter c'est maintenant, pas tout à l'heure, et c'est donc le moment que je choisi pour sortir de chez moi, prendre l'air et écrire.

Je ne sais ce qui se passe aujourd'hui, mais tout à l'heure, en passant devant la mairie de Rennes, il y avait des stands tenus par des militaires ainsi que de l'armement exposé. Est-ce une journée porte ouverte en vue de recruter ? Quoi qu'il en soit, je n'aime pas l'armée, ce qu'elle symbolise, c'est-à dire des guerres. Dans mon monde utopique, il n'y aurait pas d'armée, il n'y aurait pas divers pays, il n'y aurait donc aucune raison de se faire la guerre. Tout au plus il y aurait une police, histoire que tout le monde fasse l'effort de vivre en bon entente, mais la Terre serait l'unique pays. Il n'y aurait plus de français, de russe ou de marocain, il n'y aurait que des terriens dont les seules frontières du territoire seraient les mers.

Aujourd'hui encore je suis dans le quartier Saint-Anne, à la brasserie où je vais d'habitude, entouré de jeunes de vingt ans. Je ne sais pourquoi, mais je me demande ce que je ferai aujourd'hui si j'avais leur âge, avec qui je serai assis, quels seraient nos sujets de conversation, comment referions-nous le monde ? A cet âge, avec mes amis d'alors, nous parlions beaucoup des autres, de ceux que nous connaissions et de l'histoire qui leur était propre. Nous parlions également de leur rapport avec leurs parents, des emplois exercés par ces derniers, de la facilité qu'ils auraient ou non de trouver un emploi selon ce que faisait leur père ou leur mère. Nous comptions également ceux qui étaient déjà indépendant, ayant leur propre logement, leur propre studio ou chambre de bonne. Ils n'étaient pas nombreux à être dans ce cas-là. Oui, la majorité d'entre nous habitait encore chez ses parents, que nous soyons en couple ou non. Pour ma part, j'étais alors avec Virginie, et nous passions tantôt une semaine chez ses parents et tantôt une semaine chez ma mère. Je ne sais si c'est important de le signaler ou non, mais elle était du signe Capricorne, comme Cynthia. Que dois-je en déduire ? Les deux femmes qui ont compté dans ma vie sont du même signe astrologique. Moi-même je suis Vierge. Y a-t-il un truc, une affinité particulière qui relierait mon signe et le leur ? Oui, l'astrologie est une grande interrogation pour moi. Je ne parle pas de l'astrologie prédictive en laquelle je ne crois pas une seconde, mais de l'astrologie qui brosse des portraits, des personnalités, en fonction du lieu et du moment de votre naissance. Plus d'une fois j'ai été bluffé par certains de ces portraits.

C'est ma mère qui m'a amené à m'intéresser à l'astrologie. Je n'ai pas souvenir qu'elle s'y intéressait du temps où elle vivait avec mon père, mais je me souviens de la révolution que fût la sienne lorsqu'ils divorcèrent. J'avais alors quinze ou seize ans, et c'est là que ma mère commença à ramener à la maison des amies toutes plus étranges les unes que les autres dans mon regard. C'est à cette époque que je la vis plonger dans l'étude de l'astrologie, de la numérologie et d'autres discipline ésotériques. C'est également à cette époque qu'elle rencontra Jacqueline, une médium, qui se fera appeler par la suite Séraphina. Pendant une année au moins, ma mère l'hébergea avec son fils, fils qui avait l'âge de mon frère, soit trois ans de moins que moi. Oui, je ne reconnaissais plus ma mère et me demandai si elle ne devenait pas folle. Depuis cette époque, ma mère n'a plus jamais quitté cet univers. De même, de fil en aiguille, je la vis partir assister à des messes chrétiennes, à allumer des chandeliers et des bougies, à mettre au mur des effigie de tel ou tel saint, de telle ou telle sainte. En parallèle, Séraphina commença à monter un petit groupe de fidèle autour d'elle, des personnes qui venaient la consulter pour ses dons de médium. Deux ou trois fois j'ai assisté à ces groupes de prière, par curiosité, histoire de voir ce qui s'y passait et comment. Nous étions tous assis sur une chaise tout en formant un cercle. Puis nous mettions nos mains dans celles de nos voisins tandis que Séraphina faisait je ne sais quelle incantation. Une fois fini cette première prière commune, Séraphina s'adressait alors à chacun d'entre nous, un par un, individuellement, entrait dans une espèce de transe qui l'a liait au monde des esprits et répétait à la personne concernée les messages qu'elle recevait. Autant je trouvais Séraphina très gentille, serviable, autant dans le registre de la spiritualité je la trouvais complètement dérangée, ainsi que les personnes qui venaient la consulter, ma mère y compris. Oui, pendant quinze ans jamais il ne fut question de spiritualité ou de religion dans notre foyer et, vraiment du jour au lendemain, elle s'installa définitivement dans la vie de ma mère. C'est donc ainsi que j'ai découvert l'astrologie et c'est la seule pseudo-science qui m'a un petit peu parlé. Oui, en matière d'affinité, j'ai remarqué que je m'entendais très bien avec seulement quelques signes. De même, effet d'optique ou réalité, il me semble que certains signes sont beaucoup plus expansif que d'autres, que certains sont plus réceptifs à l'art qu'à la masturbation mentale, telle la philo ou la sociologie, etc. Oui, l'astrologie est grand mystère pour moi et je veux bien croire que la place des planètes au moment de notre naissance influe sur notre personnalité, tout comme la lune influe sur les marées. Du coup, et c'est resté une habitude chez moi, dès que je rencontrai une nouvelle personne, une nouvelle connaissance, je lui demandais en plus de son âge quel était son signe astrologique. Après je plongeais dans les petits fascicules de ma mère afin d'en savoir plus sur la personnalité de mon interlocuteur. Est-ce à dire que tout est à prendre à la lettre ? Certainement pas, mais, encore une fois, les grandes lignes d'un signe sont souvent troublantes car elles correspondent, peu ou prou, à la personne qui se trouve face à nous. Si j'avais pensé que cette pseudo-science pouvait se révéler exacte, nul doute que je serai devenu astrologue.

Cette époque où j'ai découvert ma mère sous un angle que je ne lui connaissais pas m'a un peu déstabilisé. C'est comme si subitement je découvrais quelqu'un d'autre, une personne que je pensais connaître, et en conséquence je ne savais plus quelle attitude adopter face à ses agissements, face à ses nouvelles convictions que je découvrais, face à ses nouvelles amies, Séraphina en tête, bref, j'étais un peu perdu dans ce nouveau monde. C'est également à cette époque que j'ai commencé à entendre parler de bouddhisme, de chamanisme, de mantra, de réincarnation, etc, bref tout un langage et un univers dont j'étais à mil lieux de penser qu'il existait. Souvent je me suis demandé d'où venait ce revirement complet de ma mère. Était-elle déjà auparavant attirée par cet univers ? Le fréquentait-elle alors qu'elle était encore avec mon père ? Lorsque mes parents se séparèrent, ils étaient criblés de dettes. Les huissiers sont même venu chez nous pour saisir nos meubles. Rejoindre ce monde spirituel était-il pour ma mère un moyen de se raccrocher à quelque chose pour pouvoir lutter, se battre, garder la tête haute, face à la misère qui était alors la nôtre ? Je me souviens comme elle se démenait en quatre, en six, en huit, pour que nous ses enfants ayons chaque jour de quoi manger, de quoi nous habiller. Avant de tomber au chômage, toujours à cette même époque, ma mère exerçait la profession de secrétaire de direction. Ne trouvant d'emploi adapté à son CV, je la vis faire des ménages tout en se reconvertissant professionnellement. Suite à une formation, elle devint commerciale et trouva un emploi dans une SSII, une société de travail intérimaire spécialisée dans les métiers de l'informatique. Cependant, à cause du montant des dettes qu'avait généré la faillite de l'entreprise d'import-export qu'elle avait créé avec mon père quelques années plus tôt, son salaire ne suffisait pas à faire face à toutes ses charges. Non, ma mère est une femme courageuse et combattante, je ne peux le nier, même si plus d'une fois nous nous sommes pris le bec, prêt à en venir au mains s'il le fallait. Oui, son monde et le mien ne sont pas compatible, pas plus que mon monde n'est compatible avec celui d'un croyant, quelque soit sa confession. Je suis obstinément rationnel, ou tout au moins j'essaie de l'être, cartésien et, pour ainsi dire, je ne crois que ce que je vois. Donc quand on me parle de paradis, de réincarnation, d'esprit qui nous parle, de messages reçus du royaume des morts, oui, je suis plus que dubitatif et c'est comme si on me parlait chinois. Auparavant je me battais contre toutes ces formes de croyances, y compris et surtout contre ma mère, puis avec le temps, les années, j'ai laissé tombé car il a bien fallu que je me rende à l'évidence, on ne peut ramener sur terre un croyant et peu importe en quoi ou qui il croit. La croyance, cette espèce d'intime conviction, est intouchable, indestructible pour celui qui la vit. Oui, la foi, cette espèce précise de foi, est quelque chose qui dépasse mon entendement. Souvent dans ma vie j'aurai aimé être habité par elle, avoir la certitude que tous nous avions bien un chemin à parcourir, que quelque soit ce chemin il aurait un sens, sens que je découvrirai une fois mort. Oui, j'aurai aimé croire en Dieu, en cette puissance unique qui nous aurait fait à son image et que, tôt ou tard, nous rejoindrons. Ainsi, quelques soient les déboires de notre vie terrestre, tous deviendraient supportables parce que nous saurions que l'essentiel n'est pas là, mais après, dans l'après-vie. Tout miser sur l'après-vie, voici ce que je reproche aux religions. C'est bien parce qu'il y aurait cette après-vie qu'il y a des terroristes qui se font sauter et qu'il y a eu les croisades. Puisque le monde meilleur est pour après, pourquoi s'emmerder à essayer d'en faire un ici-bas ? Autant éliminer ceux qui nous emmerdent et Dieu reconnaîtra les siens, comme le dit le fameux adage.

Je vois les gens passer, les gens marcher, errant pour combler leur journée, la remplir de quelque chose, d'où l'intérêt d'avoir un corps pour notre cerveau, car si le cerveau pouvait vivre sans le corps, à quoi occuperait-il son temps, que pourrait-il construire ou déconstruire ? Rien. Notre cerveau a besoin de notre corps pour être utile à quelque chose. Ainsi, tout au moins pour ceux qui y croient, il en va exactement de l'âme. A quoi servirait une âme sans corps ? A rien, strictement rien. Oui, quelque soit l'espèce vivante, quelque soit la matière vivante ou non, seule elle permet les choses. Notre soleil est matière, les planètes sont matières, l'arbre qui grandit est matière, le chat qui miaule est matière et nous, hommes, n'échappons pas à la règle. Oui, ma conviction est que nous sommes matière et uniquement cela, pensées y comprises, pensées qui ne pourraient exister sans ce support matériel qu'est notre cerveau, qui ne sont que le fruit des diverses réactions chimiques de nos neurones, de nos synapses, etc. Contrairement à Platon, je ne pense pas qu'il existe un monde des idées indépendamment de notre cerveau. C'est lui qui construit ce monde, le compose, le décompose et le recompose, raison pour laquelle nous pouvons changer plusieurs fois d'idée sur un sujet bien précis tout au long de notre vie. L'idée, même si nous ne pouvons la tenir dans notre main, est néanmoins matière. Le plus petit des insectes, la plus minuscule des créatures possède également son propre monde idée. Il sera aussi grand, aussi fourni que le lui permettra la taille et l'agencement de son cerveau. Chez nous l'homme, combien de million d'années se sont écoulées entre la naissance du premier cerveau reptilien et ce qu'il est devenu chez nous, évoluant, grandissant, se perfectionnant, se spécialisant ? Qu'en va-t-il de la végétation ? Un arbre n'a pas de cerveau, pas plus qu'une fleur. Pourtant ils ne poussent pas n'importe comment, ne poussent pas n'importe où, ont également une durée de vie déjà limitée, avant même que la graine ne soit plantée.

Bref, je nous regarde occupé nos journées, chacun à sa sauce, certains devant la télé, d'autres dans des promenades, d'autres encore au travail. Certains sont satisfaits, d'autres le sont beaucoup moins, et moi, au milieu de tout ça, comme tant d'autres malades, je me demande si je dois ou non être satisfait de ce que je fais de mes journées. Elles sont routinières, chaque jour est à peu près le même programme que la veille, le même cheminement que celui qui aura lieu demain. Je dort la matinée puis, entre midi et treize heure, je me décide à sortir. Je prend l'ordinateur, écrit toute l'après-midi à différentes terrasses de café puis, sous les coup de 17h00 ou 18h00, je rentre chez moi. Je publie alors sur mon blog ce que j'ai écrit puis c'est la télé qui prend le relais et ce, jusqu'à mon coucher, entre 20h00 et 22h00, cela dépend des jours. Entre-temps, soit tôt le matin soit tard le soir, je croise Cynthia qui se lève ou rentre de son lycée ou de de sa fac. Le matin, nous sommes tous les deux dans le gaz, il y a peu d'échange. Le soir, nous sommes tous les deux plus ou moins fatigués, mais il y a déjà beaucoup plus d'échange. La plupart du temps c'est moi qui décroche, n'arrivant plus à assimiler tout ce qu'elle me raconte. En cela la télé est plus simple. Peu importe que je suive ou non le fil directeur du programme que je regarde, les images sont là, comme silencieuses, muettes, et leur seule présence raconte déjà quelque chose. Oui, mes journées n'ont absolument rien d'extraordinaire, mais elles m’occupent, astreignent mon esprit à focaliser sur quelques petites choses, quelques petits sujets, et ainsi je ne m'ennuie pas, la matière qu'est mon corps permettant tout cela.

Ce soir Cynthia rentrera tard. A 18h00 elle aura donné ses derniers cours et dans la foulée elle devra participer à un conseil de classe. A quelle heure se terminera-t-il ? Puis, peut-être sous les coups de 20h00, elle arrivera à la maison, mais ne pourra pas encore se poser complètement. Effectivement, son amie Estelle arrivera à la gare à 22h30 et Cynthia ira la chercher. Pour ma part, à cette heure si tardive, je ne sais si je serai encore debout pour accueillir Estelle ou si je dormirai déjà. Je vais néanmoins essayer de l'attendre, retardant l'heure de la prise de mes médicaments du soir pour se faire.

Je ne sais pourquoi, mais je pense encore à mon frère. Je me demande à quoi ressemble l'appartement où il habite, si des bouteilles de bières traînent dans tous les coins. Je ne sais même pas si c'est un studio ou un deux pièces, s'il a une vrai cuisine ou une petite kitchenette, s'il habite au RDC ou en étage. Bref, je m'aperçois que je connais bien peu de chose de son quotidien, alors que vingt année durant nous avons vécu ensemble au quotidien, sous le même toit, mangeant les mêmes repas, participant aux mêmes conversations. Oui, tout cela m’apparaît aujourd'hui comme un monde étranger, presque comme une anomalie dans nos parcours respectifs tant aujourd'hui nous savons si peu de chose l'un de l'autre. A la limite, on pourrait même se demander si l'un intéresse encore l'autre et inversement. Oui, si nous n'étions pas lié par le sang, il est clair que nous ne nous côtoierions pas car nous sommes très différents, tant dans notre mode de vie que dans notre conception de beaucoup de chose. Oui, je pense que je garde le contact au nom de ce sang qui nous lie, contact qu'il ne recherche pas de son côté. Oui, nous n'avons pas la même conception de ce que signifie le concept de famille, cela est très clair. En cela, je me rapproche nettement de ma sœur et de ma mère sur la question. Pourtant je sais bien que ce ne sont pas les liens du sang qui font que l'on s'aime ou non, que l'on s'apprécie ou non, que l'on s'entende bien ou pas et, hormis les parents qui ont des devoirs envers leurs enfants, l'inverse n'est pas pour autant vrai dans mon esprit. De même, si nous avons du mal à nous entendre avec des membres de notre famille, la morale, nos valeurs, veulent que nous essayons néanmoins de faire l'effort de garder le contact, d'arrondir les angles, tous efforts que nous ne ferions pas envers des tiers qui nous indisposent. Cela n'est pas très cohérent, je le concède, mais je fais l'effort de garder le contact avec mon frère alors que je pense qu'il ne le mérite plus depuis longtemps. D'ailleurs qui est-il maintenant ? Je ne le connais même plus, je ne sais même plus ce qui se passe dans sa tête, quels sont ses désirs, ses souhaits, ses souffrances. Oui, plus les années passent et plus il m'est devenu un presque parfait inconnu.

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