jeudi 5 mars 2015

Agréable coupure

Agréable coupure que ce midi. Cynthia m'a rejoint vers 12h30 place Sainte-Anne et, surprise, me dit d'emblée qu'elle serait libre jusqu'à 15h00. Du coup, plutôt que de manger un panini à la vite, tel que c'était initialement prévu, je l'ai emmené dans un restaurant où nous avons déjeuner dehors, en terrassa, sous un soleil lumineux et chaud. Ensuite nous sommes allé prendre un verre dans le café où je m'installe habituellement l'après-midi pour écrire. Là elle prit un vin chaud à la cannelle, tandis que je prenais un café et une menthe à l'eau. Puis vint 15h00, moment où nous sommes quittés, elle pour retourner à sa fac, moi pour prendre la direction d'une autre brasserie située dans une rue piétonne , près du quartier « république », rue plus calme que le quartier Saint-Anne. Ce break m'a fait l'effet de vacance, comme si nous avions été à Saint-Malo, flânant ici et là, au gré de notre marche. Cela faisait bien longtemps que nous n'étions pas sortis ensemble à une telle heure de la journée, sans se presser, sans avoir d'autres préoccupations que de se faire plaisir en étant l'un avec l'autre ailleurs que dans notre demeure. Cela me donne donc l'envie que se reproduise l’expérience. A table, pendant qu'elle mangeait sa pizza savoyarde, je lui parlai de ce que j'avais écrit ce matin, de l'islam, des religions et des croyants. Mais le sujet ne l'intéressait pas plus que ça, pas plus que ne l'intéresse généralement tous les sujets de société. Non, seuls les animaux et la nature sont des sujets qui l'intéresse, ainsi que son avenir. Alors elle m'a parlé de son envie d'avoir des poules lorsqu'elle aurait sa maison et le jardin qui va avec, du coq qu'il faudra également afin qu'il fasse régner l'ordre entre les poules, du chien qu'elle aurait, ne sachant pas encore quel race de chien elle voulait, et des oiseaux qu'elle aimerait avoir. Quel type d'oiseaux, je ne lui ai pas posé la question ? Bref, j'ai passé en sa compagnie deux heures fortes agréables qui m'ont changé de ma routine quotidienne en semaine. Voici ce que j'appelle vivre le moment présent, le savourer à pleines dents et en souhaiter de nouveaux, plus ou moins similaires, en conséquence.

Je ne sais pourquoi, mais je pense à mon frère subitement. Je me rend compte qu'en ce moment je pense beaucoup à lui et qu'à chaque fois je n'ai qu'une idée en tête, qu'une vision, qu'il s'en sorte financièrement, peu importe la méthode, afin qu'il puisse souffler un peu tel que je le fais depuis que je suis à Rennes. Oui, le manque d'argent est la source de bien des tourments, de problèmes qui n'aident pas l'esprit à se reposer et mon frère, plus que moi peut-être, a besoin de repos, d'un vrai repos, loin de sa vie faite de cuites, de sorties chez les unes ou les autres, mon frère ayant plus d'amies que d'amis. S'il n'en tenait qu'à moi et si j'en avais les moyens, je l'obligerai à se retirer dans un monastère pendant au moins deux semaines, sans une goutte d'alcool à sa portée, sans obligation d'amuser la galerie, ce qui est l'un de ses talents, avec juste l'objectif de se reposer et de méditer dans le calme sur son présent, son avenir. Parce que lui n'est pas malade, que ses jours ne semblent pas être comptés, je m'inquiète pour son avenir. A son âge, 45 ans, pourra-t-il retrouver un emploi à temps plein ? Si tel est le cas, le conservera-t-il ou sera-t-il prêt à le lâcher dès qu'il s'y ennuiera, comme il l'a souvent fait dans le passé ? D'ailleurs, sur ce point précis, nous nous ressemblons. Jamais je n'ai pu rester à une place où je m'ennuyais. Lorsque j'étais dans la vente, j'ai ainsi travaillé pour beaucoup d'enseignes différentes, allant de Darty au commerce du coin. Lorsque je suis rentré dans le monde des assurances, j'ai exercé là-aussi dans quatre ou cinq compagnie différentes, puis dans des cabinets de courtages. Tout cela c'était avant la mort de Michel, alors que je n'avais pas encore 27 ans. Puis quand je me suis réinséré dans notre société, que ma fille est née et que sa mère me l'a enlevé, dix ans plus tard, j'ai entamé une reconversion professionnelle totale. Je suis alors entré dans le monde de la restauration en tant que barman et serveur dans différentes brasserie. Effectivement, pour ne pas tuer la mère de ma fille, il me fallait trouver un travail qui me harasse, qui m'empêche de penser à toutes les saloperies, toutes les entraves que mettait entre moi et ma fille sa mère. La brasserie où j'ai travaillé le plus longtemps se trouvait place de Clichy, à Paris, près de Pigalle et du moulin rouge. A tout heure du soir ou de la nuit, c'était une place très animée, mal fréquenté, toute la jeunesse de la banlieue 93 s'y retrouvant. La brasserie où je travaillais alors s’appelait « La havane ». Je commençais mon service à 19h00 et le finissais à 7h00 du matin. C'était douze heures non stop, avec une heure de pause pour manger dans l'une des tavernes alentour, et croyez bien que lorsque j'arrivais chez moi vers 8h00 du matin, j'allais directement dans mon lit pour ne me réveiller que vers 17h00 et repartir vers 18h00 pour reprendre mon service à 19h00. Non, je n'avais pas le temps de penser à ma fille, à sa mère, tant j'avais de monde à servir, tantôt en gant que serveur, tantôt en tant que barman. D'ailleurs, malgré ma faiblesse physique actuelle, si je gagnais au loto, j'achèterai un petit bar et reprendrai du service tant j'ai aimé cette ambiance, ce travail qui offre avec sa clientèle une relation particulière.

Je me souviens d'un jour de l'an place de Clichy. « La Havane » fermait entre deux et quatre heure du matin. Pendant la première heure moi et mes collègues faisions le grand ménage dans le café et la seconde heure nous mangions. Dehors, nouvel an oblige, la place était noire de monde et devant le café, alors que le rideau était baissé, une bagarre éclata. L'un des adversaires sortis un couteau et tua son rival, là, sous nos yeux. De même, pour vous dire la dangerosité de ce quartier la nuit, toutes les brasseries et tavernes, « La havane » y compris avaient des videurs à leur entrée. Une pharmacie ouverte 24h/24 qui jouxtait « La Havane » avait également ses videurs. Plus d'une fois, malgré ces mesures de sécurités, des bagarres se déclenchaient à « La havane ». Tout volait alors en l'air, tables, chaises et consommations. Cependant je ne me sentais pas dépaysé. Cela me rappelait mon adolescence et mes vingt ans, lorsque je traînais avec le même genre de voyous qui fréquentaient cette place, lorsque j'étais moi-même l'un de ces types de voyou. D'ailleurs, lorsque je repense au délinquant que j'ai pu être, je me demande encore comment j'ai réussi à entrer dans le monde du commerce, des assurances, des placements financiers, portant costume et cravate, mallette à la main, comme un jeune cadre dynamique. Cela a pu se faire grâce à l'éducation que je reçu jusqu'à mes treize ans, je n'ai nulle doute sur cela, et même si par la suite j'ai choisi la voie de la délinquance, tout ce bagage de politesse, de respect de l'autre, n'a pas été complètement gommé pour autant. En un sens le conditionnement initial, celui des premières années de vie, a été plutôt bien réussi. Néanmoins, c'est avec le regard de quelqu'un qui vient de la rue, ce que j'ai été toute mon adolescence, que je regarde toujours notre monde et ses travers, même si je connais par ailleurs le regard des nantis, car j'ai été cela durant mon enfance et, même adolescent et plus tard, il m'est arrivé fréquemment d'être dans leur monde. Cependant ce dernier n'est pas ma référence et ne pourra jamais l'être. Il est bien trop élitiste, en tout cas à Paris, trop dans le m'as-tu vu. Bien souvent, voire tout le temps il est faux, les rapports ne sont véritablement sincère et la politesse de cette caste résonne trop comme de l'hypocrisie dans mes oreilles. Oui, je préfère avoir face à moi des personnes moins cultivés que moi, mais sincères, authentiques, délinquants y compris. Effectivement pas un délinquant, pas un paumé ou une paumée, un pauvre ou une pauvre ne m'a déçu dans ma vie. Avec eux il n'y a pas de chichi, les choses sont claires très rapidement et si relations il doit y avoir entre eux et moi, je sais d'emblée sur quoi elles sont basées, sur ce que je peux attendre d'eux ou non, que ce soit dans les actes ou dans le domaine des idées. Les gens très érudit par contre, eux, souvent m'ont déçu. Non par un quelconque acte à mon égard, mais plutôt par l'absence de ces derniers les rares fois où j'ai eu besoin de leur service. De même, je n'ai jamais supporté le regard dédaigneux qu'ils portaient sur la majorité des personnes, du fait de leur ignorance de ceci ou cela, du fait de leur emploi sous-qualifié ou peu qualifié. Oui, ce type de personne me fait vomir, je n'ai pas d'autres termes. Cependant je sais aussi que tous ne sont pas comme eux, que toute la caste des érudits ne comportent pas que des êtres méprisables. Heureusement, il y a des exceptions, mais justement le problème est là. Ce sont eux qui participent à la direction de notre monde et il n'y a que des exceptions qui considèrent les personnes qui ne sont pas de leur condition comme leur homologue, sont néanmoins des personnes dignes de respect, quelque soit le montant de leur compte en banque, leur absence de diplôme ou leur ignorance dans les divers domaines du champs de la connaissance. Oui, j'aime savoir à qui j'ai à faire en face de moi, jouer à cache-cache ne m'ayant jamais intéressé. De même, et peut-être suis-je fous de le penser, mais je crois en l’honnêteté, en la franchise, et je pense qu'il n'y a pas pire action que la trahison, le mensonge. La mère de ma fille m'a servi ces deux derniers plats et je sais ce qu'il m'en a coûté et m'en coûte encore d'essayer de passer outre tout cela pour le bien-être de ma fille. Mais bon, laissons le passé au passé et essayons d'avancer, tant bien que mal, ma fille et moi-même.


(5 mars 2015)

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