samedi 13 juin 2015

Point de vue

13 juin 2015


Aujourd'hui est une journée où je n'ai rien envie de faire, tout au moins de ne pas bouger, me déplacer, marcher. Pourtant, d'ici deux heures, je rejoindrai Cynthia afin de l'accompagner au centre équestre. Lorsque je serai là-bas, je ne sais où je m'installerai, mais je sais que je ne bougerai plus. Levé à 5h00 ce matin, je n'ai ensuite cessé de dormir par intermittence jusqu'à 12h30, heure du déjeuner. Depuis je suis dehors, histoire de ne pas m'endormir à nouveau, à une terrasse de café, comme d'habitude, profitant de voir le soleil qui règne aujourd'hui sur la ville. Oui, contrairement à hier où il a plut toute la journée, ce samedi s'annonce rayonnant et chaud.

La place Sainte-Anne est noire de monde. Toutes les terrasses sont pleines, qu'il s'agisse de celles des cafés ou de celles des restaurants. Beaucoup de gens sortent en famille, des couples avec enfants en bas-âge et, parfois, les grands-parents qui les accompagnent.

Je m'interroge également sur le bien-fondé ou non des nouvelles relations virtuelles que j'ai en ce moment avec des cancéreuses. Oui, les cancéreux, je ne sais où ils sont. Plus ça va et plus je constate que mon approche de la maladie n'est pas du tout la même que la leur. Certes, que ce soit pour elles ou moi, le cancer a bouleversé notre vie, mais ce n'est pas dans l'optique de préparer leur mort, de se familiariser avec leur fin qu'elles luttent, non, elles se démènent pour vivre, pour pouvoir continuer à se projeter dans je ne sais quel futur qui, de toute les façons, ne ressemblera pas à ce qu'elles espèrent. Donc nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d'onde, nous sommes même aux antipodes, et bien que je souhaites qu'elles vivent aussi longtemps qu'elles le désirent, je suis incapable de partager leur enthousiasme que leur procurent leurs projections, leurs projets au cas où, etc. A partir de là, je me demande s'il est bien utile que je m'investisse dans quelque relation virtuelle ou physique avec des cancéreux dont je ne partage pas la vision de la maladie, de ce qu'elle signifie et implique, la vision de la vie et de la mort en conséquence, car il est clair que ces personnes ne pourraient apprécier la pensée d'un écrivain comme Cioran, voire tout simplement la mienne. Oui, hormis une, les femmes auxquelles je pense ont connu une première fois le cancer puis une période de rémission. Lorsque le cancer s'est déclaré à nouveau, comme c'est actuellement le cas pour l'une d'entre elle, Isabelle, je ne comprends pas qu'elles se révoltent, qu'elles n'aient pas déjà pris le partie que cette saloperie pouvait surgir ou ressurgir à n'importe quel moment, qu'il ne servait strictement à rien de se lamenter ou de hurler, que la seule chose à faire était de se résigner ou non à se soigner, d'accepter à l'avance tous les effets secondaires que cela générera, d'accepter à l'avance qu'encore une fois leur vie familiale s'en trouvera évidement modifiée. De même, vu que dans leur cas c'est une récidive, un deuxième cancer, il m’apparaît logique que ce n'est pas tellement bon signe. Alors pourquoi s'entêtent-elles à se projeter dans dix ans ou plus ? Est-ce parce que leur rémission a duré ce temps-là ? Je le pense. Mais rien n'empêche de se soigner, de vivre encore dix ans, en acceptant clairement le fait que l'on peut en mourir. Mais ce n'est pas cela que je lis dans leurs écrits. Non, je lis que, clairement, elles ne veulent pas mourir, que ce soit du cancer ou d'autre choses d'ailleurs. Je m'aperçois donc, contrairement à ce que je pensais auparavant, que même l'expérience de la mort imminente ne modifiais pas forcément la perception que les gens avaient de l'existence. Non, même chez les cancéreux, comme chez les gens sains, il en est qui se veulent ou continuent à se croire immortel, qui ne peuvent envisager sérieusement leur  fin, qui préfèrent se donner les moyens de continuer à rêver, à être et vivre dans l'illusion, ce qui ne peut que les inciter à prendre en grippe leur cancer, donc eux-mêmes, bien évidemment. Et bien franchement, je préfère mon optique, même si dans leur regard elle peut sembler sombre ou je ne sais quoi de similaire, car depuis qu'elle est mienne, quelque soit les turpitudes que me réserve mon cancer, je le vis bien, tout au moins pour l'instant. Hier j'avais peur que l'on m'annonce la progression de mon cancer, mais aujourd'hui je m'en fou complètement. Cela ne m'empêche pas de vivre de bons moments, pas du tout, et l'idée de mourir ne me torture plus la tête, même si je ne suis pas pressé de rencontrer la mort pour autant.

Alors que vais-je faire vis-à-vis de ces cancéreuses qui sont sur une autre planète que la mienne ? A priori, je pense que je vais prendre mes distances...

2 commentaires:

  1. qui vous prouve que nous aussi, nous ne nous adaptons pas à l'idée de notre mort? on fait avec; comme tout un chacun, on a peur aussi; mais il faut bien vivre pour les autres plus que pour nous; ces autres sont aussi victimes.
    Et puis, personnellement, je n'ai pas envie de me torturer l'esprit toute la journée, mon corps me fait suffisamment souffrir et me rappelle très souvent mon hémochromatose et ma chimiothérapie. Mais je ne peux pas vivre en me regardant le nombril, cela ferait trop souffrir les miens
    Je vous souhaite néanmoins un bon dimanche, vous embrasse et embrasse très affectueusement Cinthya

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  2. Bonjour Mamy,
    pour commencer sachez que je ne pensais absolument pas à vous lors de mes tergiversations qui m'ont amené à rédiger cet article. Je me doute bien qu'une idée de la mort vous en avez une, et que cela ne date pas d'avant-hier. Vous pensez qu'il faut vivre pour les autres plus que pour nous. Mon opinion est que tout ce que nous faisons, y compris se donner aux autres si tel est notre choix, à faire passer leur souhait, leur intérêt, leur désir avant le nôtre, nous le faisons égoïstement parce que cela nous procure du plaisir, ou tout au moins une certaines forme de plaisir. Je ne crois pas une seconde que l'être humain aime, accepte de se faire du mal volontairement. Aussi, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour éprouver du plaisir plutôt que du déplaisir. Donc oui, comme vous, beaucoup pense qu'autrui est aussi important, voire plus, que soi-même, et qu'il faut donc tenir compte de ces personnes dans nos choix, nos actes, nos décisions. Pour ma part, je ne vois pas les choses ainsi. Parce que personne ne peut se mettre à ma place, il m'apparait que je suis seul apte à savoir ce qui est bon ou non pour moi et que mon intérêt passe avant celui des autres en conséquence. Si mon intérêt est de prendre en compte l'intérêt, le besoin d'autrui, alors je le fais, mais uniquement dans ce cas-là. Bien entendu, cela ne m'empêche pas de me tromper parfois dans mes choix, c'est clair, mais il est tout aussi clair dans mon esprit qu'autrui ne peut passer qu'après moi, qu'après ce que je peux faire ou non, ce que je peux accepter ou non, etc.

    Enfin, je ne dis pas qu'il faut se regarder le nombril toute la journée, mais dans notre cas, et plus encore dans le votre, il se rappelle à notre bon souvenir chaque jour, que nous le voulions ou non. A partir de là, lorsqu'il se manifeste, on peut décider de faire comme si de rien n'était (ce que je tente de faire au maximum), comme si ce n'était pas si grave (ce que je commence également à me dire de plus en plus), mais de là à envisager que ma vie va se poursuivre encore des années et des années, cela m'est impossible à faire, d'où mon incompréhension de ceux et celles qui le font, qui sont dans cette optique (et je ne dis pas que c'est mal), incompréhension qui n'est pas un désaccord, entendons-nous bien, mais bel et bien de deux points de vues complètement divergents qui ne peuvent, je le crois, s'accorder.

    Je vous souhaite également un bon dimanche, une bonne semaine, surtout qu'en Bretagne et en Normandie nous aurons beau temps contrairement au reste de la France !

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