mardi 23 juin 2015

Mémoire

23 juin 2015


Mémoire, laisser une trace, écrire en ce sens, dans ce but, mais une trace pour qui et, surtout, pourquoi faire ? Immédiatement je pense à ma fille qui, peut-être, lira tout ceci un jour. Mais j'en doute, il y en a trop, trop d'écrit, qu'ils soient sous formes de fichiers dans mon PC ou manuscrits dans mes cartons. Même si elle les lisait, que cela lui apprendrait-il réellement, à quoi lui servirait mes tergiversations, mes interrogations, mes réponses, mes coups de gueule ou de blues, mes poèmes et tout le reste ? Cependant, ne pouvant accepter l'idée que ma vie n'aura strictement servi à rien, chose pourtant exacte, tangible, bel et bien réelle, je m'acharne à laisser une trace à travers mes écrits. Hier, je faisais de même avec les morceaux de musique ou les chansons que je créais. Tous ils sont là également, dans mon PC. Ma fille a ces morceaux, je le lui ai gravé sur CD. Les écoute-t-elle parfois encore ? Là aussi j'en doute. Par contre, après ma mort, je pense que parfois elle les écouteras, une manière comme une autre d'être avec moi les moments où je lui manquerai. Et Cynthia, que fera-t-elle avec ces morceaux, avec ma musique ? Certainement la même chose. Et mes écrits, à quoi lui serviront-ils ? Ils seront également un souvenir, tel un objet auquel on tient et que l'on range soigneusement dans une boite, un petit coffre ou un tiroir. Oui, partir de ce monde avec l'idée de n'être plus rien pour les survivants, de devenir uniquement du vide, comme ça, brutalement, brusquement, ne me convient pas. Je le sais, l'entends bien, c'est mon ego qui parle, s'affirme un peu plus encore, fidèle à la maxime avec laquelle nous sommes tous et toutes conditionnés, autrement dit être quelqu'un, le devenir, être tout sauf un raté, un déchet, quelqu'un que l'on ignore. Oui, peut importe que l'on nous méprise, que l'on nous honni dès lors que nous sommes considéré comme quelqu'un et non comme une merde, cela suffit à satisfaire pleinement notre ego.

Je pense souvent à ma fille, tous les jours d'ailleurs, et je suis content qu'elle m'appelle souvent. Ce soir encore je l'ai eu au bout du fil. Malheureusement je n'étais pas très réveillé, mon esprit n'était pas alerte et, en conséquence, je n'ai pas eu grand chose à lui dire. Alors, comme c'est le cas le plus souvent, je l'ai écouté me raconter sa petite vie. Aujourd'hui elle m'a appris que sa mère fumait occasionnellement, m'expliquant qu'elle ne comprenait pas ce comportement vu que mon cancer est cause du tabac. Ma fille était passablement remontée en me racontant tout cela. Aussi, une fois de plus, je lui avouais que les adultes ne faisaient pas toujours des choses intelligentes, qu'ils commettaient également des erreurs, comme les enfants. Ma fille m'a aussi dit qu'elle aimerait être oncologue plus tard. Comme quoi, le cancer, ma personne, la taraude, mais je ne sais à quel point. Puisse-je vivre le plus longtemps possible, au moins jusqu'à ce qu'elle atteigne un âge mûr, vingt ou vingt-cinq ans, c'est tout ce que je demande, même si cette demande est quelque part énorme, car elle signifierait que je vive encore plus de dix ans, que mon cancer se calme un peu ou que la médecine fasse des progrès si spectaculaire qu'elle le résorbe, voire l'éradique. Mais bon, si je m'écoute honnêtement, je sens bien que tout cela n'est que vœux pieux. C'est d'ailleurs de cela que je discutais avec mon psychiatre ce matin. Oui, je lui ai dit que je me retrouvais face à un dilemme, face à un pari à faire sur l'avenir. J'avais le choix entre entretenir ou non l'espoir, celui de durer évidement, car je ne pouvais plus rester dans la position où j'étais. Soit je refusais de croire que je durerai encore longtemps, ce qui est ma position actuelle, soit je m'autorisais à espérer que je vivrai au moins cinq ans encore, voire plus. De fil en aiguille, j'en suis arrivé à la conclusion que je n'avais rien à perdre à espérer, même si cela m'embrigade dans une forme de pensée que je dénonce, celle de l'illusion, car en l'état mon cancer ne me donne aucun signe quant à un apaisement à venir, un ralentissement de sa progression. Oui, me décider à espérer, à entretenir un espoir, serait peut-être sensé pour préserver mon moral, mais en aucun cas ce ne serait une décision sage. Effectivement, la sagesse devrait plutôt m'inciter à la prudence dans mes projections et non à ouvrir grand mes bras à la première belle idée venue, aussi réconfortante soit cette dernière. Cependant, suis-je un être raisonnable dans les actes ? Je sais bien que non, même si j’essaie de l'être le plus souvent possible. Aussi je me dis que je vais peut-être m'autoriser cette folie, celle de croire que je vais durer bien plus longtemps que je ne l'imagine à ce jour, ce qui me permettrai enfin de me projeter avec moins d'embarras, moins de culpabilité. De même, je pourrai également me permettre de me visualiser avec Cynthia ou ma fille dans quelques années, nous voyant côte à côte entrain de faire je ne sais quoi. Oui, tout ceci je me le suis interdit jusqu'à présent. Même au jour d'aujourd'hui j'ai du mal à me visualiser à Belfort avec Cynthia, dans cette nouvelle vie qui va pourtant être la nôtre. Oui, un petit mois me semble encore une éternité, comme si c'était une période que je ne pouvais atteindre,car d'ici-là tant de choses peuvent survenir, surtout des choses en rapport avec ma maladie.

Quoi qu'il en soit, même si encore aujourd'hui j'ai dormi presque toute la journée, ne me réveillant que vers 17h00, je sens que mon moral remonte petit-à-petit. Cependant je ne me leurre pas, je sais également que le fait d'avoir augmenté les doses de calmants n'est pas étranger à ce phénomène. Mais il m'importe peu de me droguer si le résultat est là, probant, me donnant l'envie de certaines choses, comme nourrir l'espoir par exemple, car à mes yeux c'est comme prendre de la morphine pour contrecarrer une douleur. De même, toujours pour mon plus grand plaisir, Cynthia est venue me rejoindre au café ce soir, vers 18h30, puis vers 20h00 nous sommes rentrés afin de dîner ensemble, événement plutôt rare ces derniers temps. Oui, j'aime passer du temps avec elle, mais cela l'oblige à converser, à meubler le vide puisque pour ma part, je ne parle pour ainsi dire pas. De même, n'ayant pas de projet ou de cause à défendre, je n'ai là-aussi rien à dire. Alors je l'écoute, ce que j'aime faire, et peu importe de quoi elle me parle. Oui, à chaque fois ce sont des moments agréables pour moi, même si je ne sais ce qu'il en est exactement pour elle. Elle s'ouvre à moi, marque de confiance, et cela ne peut que me faire plaisir.

2 commentaires:

  1. Bien sûr qu'il faut continuer à écrire; je n'ai qu'une lettre de mon père et elle m'est précieuse
    Et heureusement que Rimbaud,, Verlaine ou Brassens ne se sont pas posés la question ou Van Gogh pour la peinture, ils nous auraient privés de bien jolies choses
    Je vais faire mes valises
    Je vous embrasse tous les deux et vous souhaite bonne chance dans la recherche d'une maison; à bientôt vers la mi juillet
    Mamy

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  2. Je vous embrasse également chaleureusement, vais continuer à écrire, et vous souhaite d'excellentes vacances !

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