mercredi 17 juin 2015

Après 22h00

17 juin 2015


Il est 22h00, je suis rarement dehors aussi tardivement, d'habitude c'est plutôt l'heure à laquelle je me couche. Mais ce soir, comme toute la journée d'ailleurs et celle d'hier et d'avant, j'ai besoin de me sentir seul, de me retrouver seul, sans une quelconque compagnie. Cela me fait du bien, je ne sais pourquoi, c'est comme si je respirai subitement mieux et, parce que c'est la toute fin de la journée, de ce jour commencé si tôt ce matin, je ne m'en sens que plus soulagé encore. Oui, puisque mon humeur n'était pas fameuse aujourd'hui, je veux croire que demain cela ira mieux et, quelque part, j'ai donc hâte d'être à demain matin, au réveil, pour voir ce qu'il en est. Cependant j’appréhende ce réveil, car depuis le début de la semaine aucun n'a été fameux. Oui, en ce moment je n'ai envie de parler avec personne, même pas avec Cynthia, parce qu'il me semble que je n'ai plus rien à dire. De même, bien que je cherche des sujets éventuels de conversation, aucun thème, aucun fait ne m'inspire. Dit autrement, je trouve tellement inintéressant ce que je peux en penser ou non que je suis à l'avance fatigué d'en parler, de devoir m'exprimer, voire m'expliquer ou me justifier.

La nuit commence à tomber, il reste encore un peu de ciel bleu clair, les nuages deviennent roses et sur la place Sainte-Anne tout le monde semble détendu, ce qui est un spectacle bien agréable et qui, en conséquence, me détend également. Je pense à l'histoire folle que Lila m'a raconté aujourd'hui. Je ne pense pas la trahir en dévoilant ces faits dans mon article. Elle a dans son entourage une femme mariée qui se dit son amie. Cette dernière a deux enfants et, je ne sais sous le coup de quelle impulsion, elle a dit à Lila qu'elle aimerait être sa place, donc avoir un cancer, pour pouvoir enfin mourir. Je ne sais qui est cette femme, mais il est indéniable que son esprit doit être quelque peu chamboulé, voire complètement à l'envers. Effectivement, si elle veut mourir, qu'elle se suicide et ce sera réglé. Mais qu'a-t-il pu lui passer par la tête pour préciser un tel désir à quelqu'un qui, justement, fait tout pour vivre ? Parfois, c'est à se demander à quel point les gens peuvent être con ou complètement inconscient. En tout cas, le message de cette femme a au moins le mérite de la clarté, dans sa tête le cancer est synonyme de mort, c'est l'évidence même. Quel encouragement pour ceux et celles qui en sont atteint, non ?

Oui, que ce soit par le commentaire de cette femme ou d'autres dires que j'ai pu entendre, cela me confirme dans mon idée qu'il y a des mondes bien distincts, où l'incompréhension ne peut le plus souvent qu'être totale. Les gens sains sont incapables de se mettre à notre place, hormis ceux et celles qui vivent notre quotidien. Pour tous les autres, sans exception, nous sommes inaccessibles, dans le sens d'incompréhensibles. Non, ils ne peuvent savoir ce que pèsent leurs mots lorsqu'ils s'adressent à nous. Pour autant je ne leur jette pas forcément la pierre, car comment pourraient-ils deviner l'impact que peu avoir ou non leur propos sur notre moral ? S'ils n'ont jamais eu peur de mourir, s'ils n'ont jamais éprouvé leur dernière heure venue, oui, ils ne peuvent que nous lancer des formules de politesses, des encouragements sans sens le plus souvent, des tralalas où ils font mine de s'inquiéter réellement de notre sort, ce qui est faux la majorité du temps, mais là encore, politesse oblige, il nous faut en passer par là, supporter tout cela. Moi, je ne peux plus. La plupart d'entre eux me mettrai hors de moi et je crois que je commencerai à devenir méchant, très méchant. Peut-être est-ce pour cette raison que lors de mon arrivée à Rennes j'ai fais le choix de ne nouer de relation avec personne, pour éviter justement de me retrouver dans ce genre de situation. C'est également pour cela que je n'appelle personne, pour ne pas entendre de propos qui, dans l'oreille d'une personne saine sonneraient peut-être justes, mais qui, dans la mienne, ne seraient que des mots creux, crevasses, autres planètes.

Oui, cela est l'avantage d'être seul. Le dicton le dit bien : mieux vaut être seul que mal accompagné. Cependant, nous ne pouvons rester seul indéfiniment, cela n'est pas à la portée de l'être humain, ou alors il se désocialise, inexorablement, fatalement. Est-ce un mal de se désocialiser ? En soi, je ne le pense pas, mais dès lors que l'on vit avec ses semblables, au milieu de ses semblables, pas comme un ermite, je crois que l'on ne peut se vivre que très mal. Comment ne pas éprouver la solitude en pareille circonstance, je parle de la vrai solitude, celle où on se sent exclu du monde humain, à tort ou à raison, celle qui nous amène à penser que notre place n'est plus ici-bas, celle qui fait que chaque fois que nous nous regardons dans une glace nous constatons avec désespoir que nous ne ressemblons pourtant pas aux autres, en rien, et pourtant nous fouillons, touchons le miroir, histoire de trouver quelque chose, quelqu'un à qui nous raccrocher. Sans doute est-ce parce que la solitude est un état insupportable sur la longueur que, bien souvent, nous préférons être mal accompagné plutôt que de rester seul, isolé dans notre coin, à l'écart de tous et de toutes. Certes, la solitude n'est pas une maladie mortelle, mais néanmoins elle pourrie la vie autant qu'un cancer qui ne vous lâcherait plus.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire