dimanche 26 avril 2015

Une bonne soirée

26 avril 2015


Hier soir, depuis bien des mois que cela ne m'étais pas arrivé, je suis rentré chez moi après minuit. D'habitude, à cette heure, il y a bien longtemps que je suis dans les bras de Morphée. Hier soir  donc, vers 20h00, Tony et moi avions convenu de dîner ensemble à la brasserie « Les trois obus », place de la porte de Saint-Cloud. A notre arrivée deux amis se trouvaient au bar, entrain de boire l’apéritif. Il y avait José, que j'ai connu en même temps que Tony, il y a plus dix ans maintenant, et Nicolas que je connais depuis mes dix-huit ans. D'ailleurs, lorsque j'ai rencontré Nicolas les premières fois, il était justement barman au « Trois obus ». Depuis il a largement fait son petit bonhomme de chemin et a aujourd'hui sa propre entreprise. A l'origine c'est un malouin, de Saint-Malo, qui a migré vers Paris pour trouver du travail. A cette même époque, vers le milieu des années 80, je ne faisais strictement rien, sinon passer du bon temps avec mes potes de l'époque, y compris en buvant des verres tous les soirs aux « trois obus ». Quant à José, qui a lui aussi son entreprise, il est de la tranche d'âge de Tony. Peur-être cinq bonnes années nous séparent. Lui, comme Nicolas, ainsi que Tony et moi-même avant nos maladies, le cancer, sont de bons vivants, aiment rire  et se détendre. Donc hier soir nous nous sommes joints à eux tandis qu'ils prenaient leurs  appétitifs. Pendant deux bonnes heures nous sommes restés au comptoir, l'atmosphère était à la détente et, même si je n'avais pas spécialement la tête légère, à rire, écouter Nicolas sortir une plaisanterie par minute eût l'effet de me détendre, de me déstresser, et c'est de bon cœur que je rentrai alors dans l'ambiance, me mettant également à plaisanter et à rire. Comme j'ai alors dit à Tony, la seule chose que je regrette de Paris, ce sont les soirées comme celle-là où, après l'heure du travail, nous nous retrouvions tous aux « Trois obus » ou ailleurs, tous venant d'univers différents, exerçant des métiers différents, mais avec le même soucis de ne pas se prendre la tête, de passer du bon temps, oubliant ainsi les tracas de la journée. Vers 22h00 José nous a quitté pour rentrer chez lui et c'est avec Nicolas que nous avons dîner, regardant un match de hockey sur glace tout en mangeant nos pizzas. Oui, ce fût une bonne soirée, la seule de mon séjour à Paris qui m'ait véritablement changé les idées, où j'eus le sentiment un court instant de revenir dans le monde d'avant, d'avant ma maladie. Mais, je le crois, cela n'a put être ainsi que parce que Tony et moi avions à nos côtés des personnes qui ne sont pas directement concernés par quelque maladie grave que ce soit, qui peuvent être naturellement légère, pas constamment dans la gravité de leur condition pourtant aussi précaire que la nôtre, avec un début et une fin tôt ou tard, mais occultant cette fin car, effectivement, à quoi sert-il de focaliser sans cesse sur cette dernière ?

Oui, c'est bien malgré moi que je focalise sur ma fin et la fin de tout en général. Je me réveille le matin et déjà je suis dans cet état d'esprit, comme si j'étais à chaque fois dans mon dernier jour, mes derniers moments, et c'est au nom de cet état d'esprit que je ne veux plus me prendre la tête ni qu'on me la prenne. Puisque je vis mes derniers moments, autant qu'ils me soient agréables, le moins contraignant possible. Les révolutions, les contestations, les manifestations, tout cela ne me concerne plus, non qu'elles soient forcément inutiles, mais moi je n'ai plus le temps pour me mêler à tout ça, pensant peut-être à tort que ma maladie ne me laissera pas le temps de voir évoluer tout ça, de voir des changements significatifs quant à la condition humaine, les injustices et inégalités que nous avons instauré et continuons à entretenir, les folies diverses qui s'emparent de certains au nom d'idéologies plus que douteuses, que ces dernières soient d'ordre économiques, sociales, philosophiques ou religieuses. Oui, nous sommes si nombreux sur terre, presque sept milliards de personnes, avec autant de pensées disparates qu'il y a de modèle de voiture, que je ne crois plus une seule seconde en une harmonie quelconque entre nous. Certains modes de pensées font les trois ou quatre systèmes dominants qui gouvernent le monde, capitalisme en tête,  et d'autres, dans le désordre et une anarchie chronique, tente tant bien que mal de modifier le cours des choses. Même si je sais que ce sont les petites rivières qui font les grands fleuves, je sais que je ne verrai jamais ces fleuves de mon vivant. Je vois donc tout notre petit monde comme une immense fourmilière où aucun ordre réel n'existe, hormis la nécessité d'avoir de l'argent, peu importe comment, et des tas de fourmis s’agiter dans tous les sens, sans aucune coordination entre elles, un spectacle qui me fatigue à présent et qui ne m'intéresse plus tant tout cela me semble vain dans le fond.

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