mardi 7 avril 2015

Consultation

7 avril 2015


Il est 13h00 et dans deux heures je serai face à mon radiothérapeute, si ce dernier me prend à l'heure. Des choses à lui dire, à lui signaler, je vais en avoir. Entre mes nausées, mes vomissements, des boutons qui apparaissent comme par enchantement, des tâches ou des grains de beauté qui se manifestent sur mes deux bras, manifestation dont je ne me suis aperçu que ce matin, mes pertes de mémoires, la date de ma prochaine IRM, pourquoi j'ai eu le droit à trois séances de radiothérapie pour ma troisième métastase alors que les deux précédentes n'avaient demandé qu'une séance, oui, j'aurai quelques questions et constats à mettre sur la table.

De même, et heureusement que Cynthia a plus la tête sur les épaules que moi, j'ai écrit précédemment que les deux métastases encore en activité se trouvait dans l'aire droit de mon cerveau. Non, elles sont dans l'aire gauche de mon cerveau, aire qui effectivement commande tout ce qui est langage, mémoire et toute action physique du côté droit de ma personne, comme écrire de ma main droite, chose que je ne peux presque plus faire tant le stylo ne dessine plus les formes que j'attends de lui.

Comme d'habitude, j'ai dormi toute la matinée, jusqu'à midi, puis j'ai eu Cynthia au téléphone, Cynthia qui était déjà au lycée où elle enseigne. Comme tous les mardi, ses cours auront lieu de 14h00 à 16h00, mais comme il n'y a pas fréquemment de train en partance de Rennes pour la ville où elle enseigne, elle part donc tôt le matin, vers 10h00. Ainsi, jusqu'à ce que démarre ces cours, elle finit de les préparer, soit en les fignolant, les affinant, soit en faisant des photocopies pour ses élèves, soit en préparant les cours ou séquences suivantes.

Aujourd'hui, comme hier, il fait grand soleil sur Rennes, mais le vent est toujours présent, un peu frais, mais supportable. Pour l'instant je suis à la terrasse d'un café de la gare, tout le monde déjeune autour de moi tandis que je prends tranquillement mon expresso. Je pense à la poésie, aux poèmes que j'ai essayé de faire hier, et me dis qu'il faut que je me force à en faire d'autre, mais en rime, non en prose. Ainsi, sait-on jamais, cela fera travaillé mes méninges et peut-être que le vocabulaire me reviendra plus facilement. Certes, cela me demandera beaucoup d'effort de concentration, je le sais à l'avance et cela me fatigue déjà, mais il faut que j'essaye et, encore une fois, peut-être qu'avec le temps cela deviendra de plus en plus facile.

Il est 17h00, j'ai quitté mon radiothérapeute il y a une demi-heure et nous avons changé mon traitement anti-nauséeux. Enfin de compte, ce n'est pas le radiothérapeute qui me suit que j'ai vu, mais sa remplaçante. De même, il est convenu que j'arrêterai le Solupred, le médicament qui agit sur les inflammations provoquées par mes métastases, d'ici Mai. J'espère qu'alors il ne se passera pas comme la dernière fois où j'ai arrêté ce médicament, en Juillet dernier, car c'est à cette époque que ma main droite fut paralysé, que je fis l'équivalent d'une crise d’épilepsie consciente lors de laquelle je ne pouvais prononcer une seule phrase, un seul mot, lors de laquelle je pleurai sans raison, crise à laquelle a assisté ma fille qui était alors en week-end avec moi, à Lyon. Face à tous ces symptômes, il fut décidé de me faire passer une IRM et c'est lors de cette dernière que l'on découvrit ma deuxième métastase dans l'hémisphère gauche de mon cerveau. Immédiatement on me remit sous Solupred, les symptômes cessèrent et, un mois après, j'avais le droit à une nouvelle séance de radiothérapie. Concernant mes troubles de mémoire, la perte de mon vocabulaire, elle pense que les psychotropes que je prends amplifient les effets secondaires des séances de radiothérapie, mais elle m'a tout de même fait comprendre qu'il était plus que probable que j'ai déjà perdu une partie de mes facultés mentales et, pour y remédier au mieux, elle m'encourage donc à continuer à écrire, afin que tout ne se perde pas définitivement.

De me retrouver à l'hôpital, dans la salle d'attente, m'a fait un drôle d'effet et, depuis, je suis toujours dans cet effet. C'est comme si j'avais eu l'impression d'y être pour être hospitalisé, comme si j'allais y rester pour une longue durée, comme si j'y étais pour y finir mes jours. A l'accueil, on m'a remis deux formulaires, le premier pour désigner ma personne de confiance, Cynthia évidement, et le second pour signifier mes vœux concernant l'avenir de mes soins. J'ai indiqué que je ne voulais pas d'acharnement thérapeutique si je devais me retrouver en phase finale de mon cancer et que je ne voulais pas mourir dans un hôpital ou en soins palliatifs, mais à mon domicile. Tout ceci est à présent enregistré dans mon dossier et j'espère être écouté à l'heure du moment venu. Quoi qu'il en soit, de me retrouver à l'hôpital, lieu que j'avais oublié ces derniers temps, m'a mis un petit coup au moral, le minant un petit peu, car cela m'a ramené à ma juste condition et, alors que je n'y pensais plus, je repense en ce moment à ma mort. Quand ? Où ? Dans quelles conditions ? Du coup je mesure en cet instant la fragilité du moment, de nouveau l'éphémère de tout ce qui s'agite autour de    moi, comme si tout cela n'était qu'un rêve éveillé, Cynthia y compris, ce qui me contrarie et me rends triste à la fois.

De même, ma fille m'a appelé deux fois aujourd'hui. Une fois avant mon rendez-vous et une autre fois après. Elle est malade depuis hier et n'a pas été à l'école aujourd'hui. Elle m'appelait pour me raconter ses déboires avec sa mère et son beau-père, me disant qu'hier soir elle s'était disputé avec eux parce que sa mère, inquiète, voulait l'amener consulter à l'hôpital tandis que ma fille préférait rester à la maison. S'en est suivit une dispute et, ce matin, des sanctions quand à son anniversaire qu'elle doit normalement fêter demain avec ses amies. Je constate que ces derniers mois ma fille se dispute souvent avec sa mère et je ne sais que penser de tout cela. Concernant sa mère, bête et bornée comme elle l'est, persuadé de détenir la science infuse, je ne suis pas du tout surpris qu'elle sanctionne ma fille si cette dernière la remet en cause. En cela, la mère de ma fille est fidèle à sa propre mère, sa propre mère qui a mis à la porte de chez elle la sœur aînée de la mère de ma fille alors qu'elle avait une vingtaine d'année. Il faut dire que, même si je n'ai rencontré qu'à deux ou trois reprise la sœur de la mère de ma fille, elle n'est visiblement pas un cadeau. Elle a eu dans un premier temps trois enfant avec je ne sais qui et tous, sans exception, ont été placé et pris en charge par la DASS. De même, à ma connaissance, elle n'a jamais travaillé et a toujours vécu grâce aux aides de l'état. Cette sœur aînée a été purement et simplement bannie de la famille de la mère de ma fille. Que leur a-t-elle fait de si terrible ? Mystère. Mais assez parlé de la mère de ma fille et de sa famille, car cela m'énerve. Je prends juste acte que si ma fille se dispute de plus en plus fréquemment avec sa mère, ce n'est pas parce que sa mère change, mais parce que ma fille change. Dans quel sens, là est ma question ? Qu'est-ce qui lui taraude la tête, que se dit-elle lorsqu'elle pense à son sort, à sa vie, car l'adolescence est le moment où l'on commence à se poser ce genre de question ? Là encore, étant absent de son quotidien, je ne peux me fier qu'à ce qu'elle me dit, autrement dit ce qui l'arrange de me dire, et je suis dans la totale incapacité de démêler le lard du cochon. Une fois de plus je suis dans l'impuissance, résigné à attendre, à voir quelles bonnes ou mauvaises surprises le temps lui réservera.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire