jeudi 30 avril 2015

Verdict

30 avril 2015


Logiciel de traitement de texte, page blanche, oui, aujourd'hui je n'ai pas spécialement envie d'écrire. Pourtant les nouvelles ne sont pas mauvaises, loin de là, j'en ai même eu de très bonnes ce matin, après avoir passé mon scanner cérébrale, après avoir vu mon radiothérapeute m'annonçant que ma métastase,  celle pour laquelle j'ai été traité au rayons X il y a deux mois, métastase qui mesurait à l'époque 2,4cm à régressé à 1,8cm aujourd'hui. Oui, la nouvelle est bonne,  c'est que la radiothérapie agit, mais je ne sais pourquoi, le cœur n'y est pas. Alors depuis ce matin je m'interroge. C'est quoi mon problème ? Qu'est-ce qui ne me convient pas ? Je suis donc dans l'expectative, essaye d'écouter ce que mon fort intérieur veut me dire, mais rien ne vient, là, tout de suite. Est-ce que je suis rassuré ? Un peu. Le radiothérapeute m'a clairement expliqué d'où provenaient mes maux de têtes, toutes ces décharges électriques qui envahissent encore par moment mon cerveau, me déstabilisant à chaque fois. Ce ne sont pas mes deux métastases, c'est l'oedème, le gonflement des tissus qui sont autour des métastases par de l'eau, à l'image d'une éponge qui absorbe de l'eau, mais le crâne étant un périmètre bien délimité l'éponge ne peut plus se déployer et, à un moment donné, elle compresse les autres parties du cerveau, d'où ces décharges électriques, d'où ces maux de crâne digne de la migraine. Une nouvelle ordonnance a été faite, je reste à 80mg de Solupred, ma cortisone, réduisant la dose tous les quinze jours, car d'après mon radiothérapeute les effets secondaires de tout ce bordel devrait cesser d'ici une à deux semaines. Je l'espère, le souhaite, car je commence à en avoir marre de sentir le poids, au sens littéral de ce mot, de mes pensées, du moindre mot qui me traverse l'esprit. Cependant, je le ressens et l'éprouve bien, je ne suis pas content. Aurai-je préféré qu'il m'annonce une quatrième métastase ? Parfois je me le demande.

Depuis hier après-midi il pleut sur Rennes. Je crois que mon humeur accompagne le temps, oui, je suis d'humeur pluvieuse. Qu'est-ce à dire exactement ? Je n'en sait rien, je crois que la formule se suffit à elle-même, qu'il n'est nul besoin de la décortiquer plus que cela. Cynthia était avec moi ce matin, toute la matinée. Comment a-t-elle pris toutes ces nouvelles ? Avec soulagement je crois, mais différemment de moi quoi qu'il en soit, c'est certain. Tant mieux qu'elle soit soulagée, c'est un poids en moins sur mes épaules, dans mon cœur, le poids de son inquiétude.

Là, je suis en état d'appeler mon frère, j'ai même essayé, mais je suis tombé sur sa messagerie. Peut-être que pour une fois il travaille, à moins qu'il ne se remette de je ne sais quelle beuverie. Platement, d'une voix monocorde, je lui aurait annoncé que la taille de ma métastase diminuait, que  cela me laissait pourtant froid, ou presque. Lui m'aurait écouté, patiemment, sans dire mot, me répondant oui, oui, oui. Il n'y aurait eu ni inquiétude ni euphorie dans sa voix, juste une écoute, comme d'habitude. J'ai également pensé à appelé Tony, mais je me suis ravisé car lui, certainement, m'aurait pris la tête sur mon humeur non pas morose, mais monotone, malgré les bonnes nouvelles. Je pense également à ma mère. Elle mériterait quelque part de savoir ce que j'ai appris ce matin. Mais non, je lui en veux trop d'être toujours aussi envahissante. Si je l'appelle, ce sera après pour elle un excellent prétexte pour me rappeler et, tôt ou tard, me re-bassiner avec ses médecines parallèles, sa science infuse, ses vérités toutes faites. Donc je ne l’appellerai pas. J'ai aussi pensé appelé ma sœur. Ce qui m'a retenu, c'est d'entendre dans sa voix, à tout les coups, de la satisfaction, mais pas n'importe quel type de satisfaction, de celle qui font que c'est comme si le cancer n'existait plus puisque la tumeur régresse, une satisfaction qui lui permet de retourner tranquillement dans son petit monde à elle, loin de ma maladie, loin du malade que je suis. Mais puis-je lui en vouloir qu'elle veuille éloigner d'elle l'inquiétude, la peur, le stress ? Bien sûr que non, mais pour l'heure je n'ai pas envie d'entendre ce genre de satisfaction. Donc je suis là, toujours à la terrasse du café dans le quartier Saint-Anne, tantôt à poser des mots sur cette page, tantôt à regarder autour de moi, que ce soit le ciel ou les gens, surtout des jeunes dans ce café.

Cancer, cancer, le pot de terre contre le pot de fer ? Mais qui est ton pot de fer ? En soi tu n'es rien. Effectivement, une cellule cancéreuse, une tumeur cancéreuse, qu'est-ce que c'est ? Rien de plus qu'une bestiole qui nous emmerde à un point précis de notre corps et contre cette merde, nous avons des pots de fer. Ils s'appellent chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie. Oui, nous avons le pot de fer. Cependant il est inefficace sur le long terme car la clé secrète du cancer est sa reproduction, il est une poule qui pond sans cesse des œufs et ce, dans tous les sens. Alors nous avons beau cibler un ou deux œufs avec nos rayon X, s'il y en a trop, on ne peut plus rien. La guerre des étoiles n'est pas encore pour aujourd'hui. De même, du fait de l'agressivité de la chimiothérapie vis-à-vis de nos cellules saines, les globules blancs pour commencer, là-aussi on ne peut sans cesse en user. Quant-à la chirurgie, que peut-elle lorsqu'il n'y a plus rien à enlever, lorsqu'elle ne peut plus enlever sans mettre elle-même notre vie en danger ? Oui, la cellule cancéreuse n'est rien, c'est sa capacité à se reproduire à une vitesse phénoménale qui est le vrai danger, le seul danger.

Je pensais que je n'écrirai pas beaucoup, que je n'aurai pas grand chose à dire, et pourtant je m'aperçois que je tartine néanmoins. Comme quoi, je serai toujours un mystère pour moi-même, pensant je ne sais quoi et agissant pourtant différemment. En tout cas, écrire fait que s'estompe petit-à-petit mon mécontentement initial, ce sera au moins çà de pris. Oui, étrange effet que l'écriture, tout du moins sur moi. Systématiquement cela m'apaise, me fait redescendre de mes branches, que ces dernières soient joyeuses ou non, et petit-à-petit je retrouve un équilibre, comme un peu plus de sagesse, de recul, ce qui ne veut pas dire que j'ai compris tout ce qui se passait en moi, en l'autre, ici ou là-bas.

Demain n'est pas un autre jour, tout au moins pour moi. Oui, demain sera le même jour qu'hier, le même jour qu'aujourd'hui, car désormais et ce, depuis presque deux ans, chacune de mes journées est rythmée par le cancer, qu'il s'agisse de mes pensées à son sujet ou de ses manifestations. Donc j'attends, chaque jour j'attends la mauvaise nouvelle, la prochaine manifestation de sa présence et chaque soir seulement je suis content, content d'avoir vécu néanmoins une journée de plus tout en me demandant ce qu'il en sera le lendemain. Au réveil, c'est comme si j'étais déjà aux aguets, mais pas forcément dans le stress, c'est même plutôt rare, mais aux aguets quand même. Ensuite s'écoule la journée et, où qu'aillent mes pas ou mes pensées, irrémédiablement quelque chose me ramène à ma condition, celle de malade du cancer, malade en plein soin, malade qui ne peut voir l'horizon car complètement immergé dans ses soins, avec cela pour seul horizon, les soins et encore les soins. Cela camoufle un peu le paysage, c'est bien vrai, et le soleil n'est plus le même tout comme la pluie. Et il y a tous ces êtres autour de nous, à commencer par ceux que nous connaissons. Là-aussi il y a un voile. Nous ne les voyons plus comme avant, sans doute parce que nous-même nous ne nous voyons plus comme avant. Oui, se voir différemment transforme notre regard sur bien des choses, être chers y compris.

Je pense à mon autobiographie « Chacun est seul » et me demande si je vais la reprendre pour la compléter, y rajouter des éléments et des événements que j'ai occulté dans un premier temps. Effectivement, tel quel, on pourrait croire que je n'ai vécu que des moments pénibles dans ma vie. Pourtant c'est faux, j'ai également vécu plein de moment heureux, comme la naissance de ma fille qui, à peine sorti du ventre de sa mère, fut déposer sur mon torse nu, juste sur mon cœur. Elle ne pleurait pas, me fixait des yeux et, de mon côté, je faisais de même sans dire un mot. Je la contemplais, nous nous découvrions, je commençais à apprendre à l'aimer, à l'apprécier, elle, cet être encore inconnu un quart d'heure auparavant. Oui, même si ma mémoire me joue des tours, je sais parfaitement que j'ai connu ponctuellement des moments de réel bonheur qui méritent autant leur place que mes malheurs dans ce qui est l'histoire de ma vie.

2 commentaires:

  1. Pourquoi tant d'idées noires?
    Pourquoi parler toujours du cancer?
    La visite médicale est plutôt encourageante même si vous n'êtes pas guéri. Mais est ce qu'on guérit un jour du cancer? je ne le pense pas; en attendant il faut vivre les bons moments que nous donne la vie
    deuxième point sympa: vous avez été heureux de voir votre fille. Vous êtes très touchant quand vous parlez de sa naissance. Les larmes me sont venues aux yeux
    Quant à Cynthia, elle partage votre vie depuis 7 ans, elle y trouve sûrement du bonheur
    Au fait, je connais aussi Lyon; notre fils aîné a fait un stage chez
    Rhône- Poulenc: super la place Bellecour, la croix rousse et le quartier saint Jean
    Allez demain, il pleut en Bretagne et en Normandie mais vous ferez de votre journée une belle journée de 1er Mai. Je vous envoie un bouquet virtuel qui, je l'espère, vous apportera du bonheur et vous embrasse

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  2. Bonjour Mamy.
    J'aimerai avoir votre état d'esprit car cela soulagerai bien ma pensée et ma conscience. Malheureusement, peut-être du fait de mon histoire en général, je suis plus propice à voir le mauvais côtés des choses que leurs bons côtés et à éloigner de mon esprit les idées, c'est vrai souvent noires, qui les accompagnent. Cependant je sais bien au fond de moi que vous avez entièrement raison, qu'il ne me sert strictement à rien de focaliser sur mon cancer, que cela n'amène rien de positif, absolument rien, mais croyez bien que j'essaye de faire évoluer les choses, ce qui n'est pas facile car je suis lent, très lent à changer de position, à accepter de voir les choses autrement, de façon plus salutaire et moins conflictuelle.

    Je vous dis à bientôt et vous souhaite une excellente journée, même sous la pluie.

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