vendredi 10 avril 2015

Catherine II

10 avril 2015


Il est 10h00 et, depuis mon lever vers 8h00, je suis encore dans l'histoire de Catherine. Cela me rend morose, car à travers son parcours, même si entre son premier cancer et aujourd'hui il s'est écoulé presque vingt ans, vingt ans de vie en plus, de quotidien en plus, même si son premier cancer fut éradiqué, le second, celui du sein, ne se manifestant que quelques années plus tard, un second cancer qui n'a peut-être aucun lien avec le premier, il n'empêche que depuis il n'y a plus eu d'éradication de la maladie. Des métastases à droite ou à gauche, dans ses os, peut-être ailleurs depuis 2013, des hospitalisations, au moins une opération chirurgicale, les examens fastidieux, les traitements et leurs effets secondaires, est-ce une vie que tout cela ? Sa trajectoire me dresse un panorama de ce qui m'attend sûrement, car en l'état rien n'est éradiqué chez moi, les métastases sont toujours dans mon cerveau et, pour l'instant, n'ont pas décidé de me foutre la paix. Vais-je finir le cerveau éteint à force de trop de séances de radiothérapie ? Qui sait... ?

Je pense également à ma fille et je regrette vraiment d'avoir annulé nos vacances sur un coup de tête, parce que mon ego avait été trop blessé. Oui, ne sachant le temps qu'il nous reste, il est lamentable de ma part de ne pas profiter de tout le temps disponibles pour nous voir, peut importe ses mensonges ou sa mauvaise foi, effet de l'âge, de son jeune âge. Mais tant pis, c'est ainsi et il est trop tard pour faire machine arrière.

Oui, en tout cas ce matin, je serai un être de piètre compagnie, pas drôle, silencieux, plongé je ne sais où dans ma réflexion car il est clair que la découverte de l'histoire de Catherine fait travailler mes méninges. Je découvre à travers son témoignage ce qu'est un cancer « avancé », contrairement au mien qui ne fait que démarrer, et toutes les galères physiques, psychologiques que cela génère sur la durée. Alors je pense au cancer de Mamy et me demande à quel stade elle en est, à quel palier, si des métastases se forment encore, si elle a du répit, bref, je m'interroge. Dès lors que Catherine a eu son cancer du sein, si j'ai bien compris, c'en fût fini du repos, du répit. Combien de temps a-t-elle eu pour vivre, respirer un petit peu, entre son premier et second cancer ? Cinq ans ? Plus ? Je ne le sais pas. Mais depuis son cancer du sein, son histoire ressemble au parcours du combattant, une combattante qui ne veut pas montrer à ses enfants et à son mari ses moments de faiblesse, qui se cache d'eux lorsqu'elle veut pleurer, bref, un combat supplémentaire pour les épargner, ou tenter de le faire. Oui, je suis dans l'expectative, dubitatif, car si tout le monde connaît les termes de « cancer avancé » ou « généralisé », cela n'indique rien sur la manière dont vivent les personnes qui sont dans cette phase-là. Avec l'histoire de Catherine, j'apprends donc petit-à-petit ce que c'est et, contrairement à elle, j'aurai bien du mal à en rire, ce qu'elle tente de faire néanmoins.

Il est à présent 17h00. Ce matin je suis donc retourné sur le blog de Catherine, lu une bonne dizaine de ses articles, apprenant ainsi ce qu'était concrètement un cancer du sein, les examens et les traitements qu'il génère, la chirurgie esthétique qui s'en est suivi, chirurgie mal faite pour Catherine. Oui, je ne connaissais pas les traitements aux hormones entre autre. Du coup, je vois sous un autre angle ce type de cancer et elle m'a également appris que le cancer du sein ne se guérissait pas aussi facilement qu'on le dit, loin de là, et qu'il existait différentes formes de cancer du sein.Le sien, si je me souviens bien, était métastatique. Je ne suis plus sûr du terme exacte. Après l'avoir lu, je lui ai laissé un commentaire pour lui signaler que je la lisais toujours, puis je suis rentré chez moi sous les coups de midi. Après avoir déjeuner, j'ai donc fait une bonne sieste de deux heures et me voilà maintenant, de nouveau, à nouveau, à la terrasse du café de la gare, café où j'étais ce matin. Oui, aujourd'hui je n'ai pas eu envie d'aller dans Rennes, dans les quartiers où les gens se promènent, où les jeunes sont plus nombreux que toutes les autres tranches d'âges réunis. C'est un peu comme si j'étais dans un sacerdoce, cherchant je ne sais quel monastère psychique où pouvoir méditer tranquillement, y respirant profondément afin d'y trouver un nouveau souffle, souffle que je sens poindre en moi mais qui ne veut pas encore éclore. L'histoire de Catherine a quelque chose à me dire, je le sens, mais en l'état je ne sais pas quoi exactement. Je suis encore trop dans la découverte et mes idées ne sont pas encore claires face à cet amoncellement d'informations que j'ingurgite chaque jours. Ayant un cancer, je pensais naïvement que je n'avais plus rien à apprendre sur le sujet, que pro ou prou, les examens, les soins, les traitements, étaient les mêmes pour tous les type de cancer. Détrompes-toi Hicham, tu n'y es pas du tout. Chaque cancer n'a de semblable que le nom, mais la maladie est multiple, à plusieurs facettes. De même, d'une personne à l'autre, elle n'est pas du tout vécu de la même façon. Concernant les effets secondaires, là aussi chaque malade réagi différemment. Enfin, si je prend l'exemple de Catherine, dois-je penser que certains corps, certains individus, sont un terrain plus propice à la propagation de cette maladie ?

Ce main, avant de sortir, j'écoutais à la télévision un journaliste faire la promotion de son dernier livre, un livre existentielle dans lequel, si j'ai bien compris, il s'interroge sur le sens de la vie, de nos vies dans la vie. Peut-être que ce livre est intéressant et, s'il était sorti avant que je ne tombe malade, avant que mon cerveau ne puisse plus se concentrer, sans doute l'aurais-je acheté. De même, j'aurai déjà lu le dernier livre de Michel Onfray, « Cosmos », parce que j'apprécie ce philosophe et, d'une manière générale, sa philosophie, sa vue des choses, qu'il s'agisse de son point de vue sur les religion, la psychanalyse ou l'état de délabrement de notre société occidentale. C'est un être engagé et qui s'engage, forme d'être que je n'ai été qu'une fois dans ma vie, lorsqu'il s'est agi de récupérer ma fille, de lutter pour que les pères soient mieux traiter et considérer par notre société à la con. Je me suis alors engagé trois ou quatre ans puis, constatant que rien ne bougeait, que la pensée dominante ne nous était pas favorable, tant dans la rue que dans les bureaux des juges aux affaires familiales, j'ai laissé tombé le combat, je me suis désengagé, résigné, soumis par la force des choses.

Tout à l'heure Cynthia va rentrer. Pour elle et ses élèves, c'est le début des vacances. Dimanche elle partira pour Lyon afin de voir sa mère et ne reviendra que le mercredi suivant. Oui, elle ne peut malheureusement pas y resté plus longtemps à cause du mémoire qu'elle doit rendre en mai afin de valider son année et, ainsi, de devenir professeur titulaire. Quand elle rentrera, je ne veux pas qu'elle me voit d'humeur morose car dès que je suis morose, perdu dans ma tête, elle croit que je ne vais pas bien, ce qui n'est pas le cas du tout, et du coup c'est elle qui va mal. Oui, aujourd'hui, comme hier, je n'ai pas la tête à sourire, c'est clair, mais cela ne veut pas dire que je l'ai a pleurer ou à larmoyer sur mon sort. C'est comme Charlie-Hebdo, lorsqu'il y a eu ce massacre, j'étais en état de choc, ni plus ni moins, pas dans le rire en tous cas. Et bien on va dire que depuis que je lis Catherine, c'est pareil, je suis sous le choc, surtout que ses confidences sont intimes et que son style d'écriture reflète bien dans quel état d'esprit elle vit tout ce qui lui arrive. Oui, plus je la lis et plus je la cerne, et plus je la cerne et plus je suis triste pour elle, non pour moi, car comparativement je suis en excellente santé. De la lire ne me mine pas le moral, pas du tout, mais je ne suis pas inhumain, j'ai un cœur, j'éprouve des choses dont l'empathie, et son histoire ne peut laisser indifférent. D'ailleurs, dès que j'aurai trouvé comment faire, je vais mettre en lien l'adresse de son blog sur le mien. Oui, moi je ne parle pas trop des aspects techniques liés au cancer, qu'il s'agisse des examens, de leur déroulement, des produits que l'on nous injecte, qu'il s'agisse des soins, des machines avec lesquelles sont fait ces soins. Oui, je ne parle pas de tout ça alors que c'est fort instructif pour comprendre le calvaire qu'est cette maladie. Pour ma part, je ne parle que des effets secondaires que  produit sur moi les soins, mais je ne vais pas plus loin dans le détail. D'ailleurs, parce que ma mémoire est une vrai merde, c'est en la relisant que je me suis rappelé que j'avais passé des mêmes examens, dont la fibroscopie dans les bronches, afin de prélever un échantillon de cellules cancéreuses. Malgré l'anesthésie local, je me souviens combien j'ai eu mal, j'ai même alors attrapé le médecin qui faisait le prélèvement par les couilles, si si, tant j'avais mal. J'avais oublié tout çà et bien d'autres examens. C'est en la relisant que certaines choses me reviennent en mémoire. Tous mes examens se sont déroulé en novembre 2013, tout le mois, à l'hôpital de la Croix-Rousse à Lyon. C'était déjà l’hiver, la neige commençait à tomber et tous les jours Cynthia était là. Moi j'étais méconnaissable, forcément, effondré, chaos debout. Ma première séance de radiothérapie eu lieu fin décembre 2013, puis de janvier à avril 2014 ce fut quatre séances de chimiothérapie lors desquelles, systématiquement, j'étais hospitalisé trois ou quatre jours, puis fin mai 2014 ce fut l'opération chirurgicale, l'ablation du lobe supérieur droit de mon poumon. Deux mois après, alors que nous pensions avoir vaincu le cancer, on découvre une seconde métastase au cerveau. En août, juste avant de quitter Lyon pour Rennes, j’eus donc le droit à une seconde séance de radiothérapie. Si la première métastase, celle découverte en novembre 2013, est morte aujourd'hui, il n'en va pas du tout de même de cette seconde métastase. Elle, elle ne régresse pas. D'un autre côté elle ne grossit pas non plus. Enfin, il y a cette troisième métastase découverte en février dernier, située juste à côté de la seconde, et les trois séances de radiothérapie qu'elle m'a occasionné. A la lecture de cela, on pourrait légitimement se dire que c'est terrible ce qu'il m'arrive. Et pourtant, comparé à la trajectoire de Catherine, peut-être de Mamy également, ce n'est rien. Même mes effets secondaires sont peu de choses par rapport à la situation de Catherine. Moi,ma douleur est surtout d'ordre psychologique. Quelques psychotropes et cela passe. Pour Catherine, et peut-être pour Mamy, comme pour ma belle-mère, les douleurs sont physiques et ce, au quotidien. Rien n'est pire que la douleur physique, c'est là mon avis. Ces dernières vous handicapent, vous rendant invalide, et même si je n'ai plus le souffle d'antan, même si je ne peux plus porter de charges lourdes, même si je marche à la vitesse d'un escargot, je n'ai pas pour autant de douleur quotidienne. Les miennes sont ponctuelles et assez exceptionnelles. Non, moi j'ai la bonne place comparé à Catherine et à ma belle-mère et c'est sans doute pour cela que j'ai été sur le net à la recherche d'un blog similaire à celui de Catherine, pour être sûr que je n'étais pas au fond du trou, du moins pas encore, pour être sûr que même si mon cancer évolue tout n'est pas perdue pour autant dans l'heure qui suit. Oui, c'est en même temps malheureux et heureux, mais de réaliser qu'il y a bien pire que mon cas me permet de mieux apprécier ce que je vis actuellement, me donne l'envie de plus encore l'apprécier.

Cependant je me dis que nous sommes quand même bien peu de chose et, comme le dit Catherine avec ses mots, il est déjà bien de vivre l'instant présent en sachant que l'on peut n'être plus là l'instant suivant.

2 commentaires:

  1. Pourquoi est-il trop tard pour faire machine arrière?
    Ne t'excuse pas auprès d'elle mais pourquoi ne pas lui téléphoner pour lui dire que c'était une erreur d'annuler ces vacances?
    De ma part, les conseils sont aisés je sais. Je vois ça de loin. Tu feras ce qui est pour le mieux. Mais j'ai l'impression que tu regrettes et que ce sentiment risque de s'amplifier
    Zazou

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  2. Il est trop tard parce que sa mère a déjà programmé d'autres choses pour elle. Sinon, ma fille sait que je regrette ma décision, je lui ai dit. J'essayerai de la voir pendant les grandes vacances, ce qui ne sera pas aisé à cause de mon déménagement qui se fera je ne sais quand et où, mais je vais tout faire pour la prendre au moins deux semaines.

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