mercredi 15 avril 2015

Ego

15 avril 2015


Ce matin j'ai la tête dans le gaz, dans les choux, je crois même que j'ai mal à la tête et si j'étais chez moi je prendrai un Doliprane. Tout à l'heure, vers 15h00, Cynthia arrivera à Rennes et j'aimerai être en meilleur état pour l’accueillir. Pourtant j'ai bien dormi cette nuit, n'ai été réveillé que deux fois par des nausées, mais j'ai dormi longtemps néanmoins, au moins douze heure. C'est un rêve tordu qui m'a réveillé ce matin, un rêve dont je ne me souviens plus la teneur et qu'il me serait trop fastidieux de décrire.

Je pense à vendredi, jour de mon départ pour Paris. Sitôt arrivé chez ma mère, j'appellerai mon fidèle ami Tony et nul doute que je le verrai le soir-même. De quoi parlerons-nous ? De nos maladies respectives, des traitements, de sa reprise de travail à mi-temps, de mon avenir social que je ne vois pas ? Nous verrons bien. Le lendemain, j'irai chercher ma fille sous les coups de midi. Ce sera un grand moment, je le sais, mais il sera bref, furtif, car le flux des voyageurs sur le quai, le rythme et le bruit parisien nous empêcheront de savourer pleinement l'instant de nos retrouvailles.

Donc ce matin je ne suis pas bien réveillé, malgré que midi approche, et comme d'habitude cela me rend un peu morose. Oui, je me sens moins vivant dans cet état, comme léthargique, vraiment malade. J'ai alors du mal à porter mon propre corps, mon poids, et je marche comme une tortue, incapable d'aller d'un pas régulier, m'arrêtant souvent. Cela me rappelle au moins que j'ai un corps, ce que j'oublie souvent, car passant le plus clair de mon temps dans ma tête, mes pensées, mes idées et, évidement, dans ma maladie, voire le cancer en général. Sur le blog de Catherine, j'ai pris un lien menant à un autre blog, celui d'une femme ayant également eu un cancer du sein et qui y raconte son histoire. Pour l'instant, n'ayant pas encore digérer tout ce que j'ai pris dans la gueule avec l'histoire de Catherine, je remet à plus tard ma visite sur cet autre blog. Oui, il faut que je digère car même s'il y a bien pire histoire que la mienne en matière de cancer, cela ne diminue pas pour autant mes tourments concernant le mien. Cela me permet de constater que les effets secondaires généré par mon cancer sont largement moins pire que pour d'autres personnes, certes, mais la maladie, celle qui tue, est toujours là, vivant dans mon corps, étant une partie de mon corps, de moi en somme.

Mais assez parlé cancer, j'ai envie de penser à autre chose, mais je ne sais vers quoi diriger ma pensée. Vers le passé, mon passé ? Vers l'avenir, celui que je ne vois pas, dont je ne discerne que des contours flous ? Vers un être en particulier ? Non, je ne sais vers quoi diriger ma pensée, mais comme je suis mal éveillé le plus simple serait de retourner dans mon passé. Mais sur quel période, quel événement, car en l'état, là, tout de suite, rien ne vient à l'esprit hormis Saint-Étienne, ville ou Cynthia et moi-même avons vécu quatre ans, presque cinq. C'était notre premier appartement, notre premier chez nous, et je me souviens encore de la date de notre emménagement, mars 2009. C'en était fini de la sous-location que nous avions auparavant, du foyer pour SDF où j'étais précédemment. Pour elle, c'en était également fini du foyer familial au quotidien, c'était le début de sa véritable prise en main de son destin, le début de ses allers et retours quasi quotidien entre Saint-Étienne et Lyon, en TER, entre notre domicile et sa faculté, entre notre domicile et celui de ses parents. Oui, à cette époque tout était ouvert, l'avenir et le présent. Qu'en est-il aujourd'hui ? Que nous reste-t-il d'ouvert à nous deux, en commun, ensemble, main dans la main ? De mon côté je n'ai plus de projet commun, je n'en ai même pas pour moi hormis celui de durer le plus longtemps possible. Je ne rêve plus d'une nouvelle guitare ou d'un piano. Je ne rêve pas plus de passer mon permis de conduire et d'avoir une voiture. Je ne rêve plus d'un grand appartement ou d'une maison avec jardin, même un studio me conviendrait. Je ne rêve plus de voir ma fille s'installer un jour chez nous, pour une année au moins, histoire de faire un essai, de voir si elle se sentirai à l'aise ou non avec les mois passant. Je ne rêve plus non plus de séjour à Paris ou ailleurs. Preuve en est depuis que je suis à Rennes, depuis septembre dernier, qu'ais-je visité de la Bretagne à part Saint-Malo ? Pourtant, grâce à ma carte d'invalidité, mon statut d'adulte handicapé, j'aurai déjà pu visiter toute la Bretagne à très très bas coût. L'ais-je fait ? Et bien non. Auparavant, je ne le sais que trop, avec ou sans Cynthia, je serai parti à l'aventure dans toute la région, surtout près des bords de mer, mais cela ne m'intéresse plus, ne me parle plus, ne m'enthousiasme plus. Alors qu'est-ce qui m'importe aujourd'hui, me donnant un peu de joie, si ce n'est d'être côte  côte avec les gens que j'aime, qui m'aime, sans fioritures, sans bonnes ou mauvaises manières de s'installer, de s'asseoir face à face ou côte à côte, sans superflu, sans plus chercher à rayonner, à être le centre. Oui, la maladie m'a également ramené à ma juste condition, celle de n'être le centre de rien du tout ni de personne. Je suis dorénavant à la périphérie et si je regarde juste, cela a forcément toujours été ainsi, mais je ne le savais pas, ou ne voulais pas le savoir. Je ne peux être que le centre de moi-même, comme chacun d'entre nous qu'il soit enfant ou adulte. Pour les autres, y compris chaque membre de notre famille, nous ne sommes qu'une personne parmi d'autres dans leur périphérie et il ne tient qu'à eux de nous maintenir ou de nous déloger de cette dernière. N'est-ce pas ce que nous-même faisons vis-à-vis d'autrui, lui laisser une place ou non dans notre périphérie ? Avant, je pensais que ma place vis-à-vis de quelqu'un dépendait essentiellement de moi, voire que de moi. Quelle méprise, quel ego mal construit ! Est-ce à dire que notre place dépend uniquement de l'autre ? Dans une large mesure, si nos rapports ne sont pas fondé sur la contrainte, je le crois. C'est selon l'affection, voire l'amour que l'on nous porte que l'on nous laisse une place, que l'on nous fait une place. Mais si pour une raison ou ne autre la déception est là, alors l'autre peut très bien nous éloigner ou s'éloigner. A voir les choses ainsi, vu le peu de relation que j'entretiens, j'en déduis que je n'ai pas beaucoup de réelle affection pour grand monde. Est-ce faux ? Je ne le crois pas et pourtant, Dieu sait si j'en ai connu et côtoyé des gens, si mon répertoire était plein de numéro de téléphone, etc. Mais tout cela n'était que du faux-semblant, de la façade, du précaire, voire de l'inutile. Cependant c'était utile pour mon image dans le miroir, pour me croire être je ne sais quoi qui flattait mon ego.

Quelque part la maladie a du bon, elle nous ouvre les yeux sur bien des choses de nous-mêmes, des autres, de notre monde.

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