samedi 25 avril 2015

Bilan

25 avril 2015


Mon séjour à Paris qui touche à son terme, demain soir je serai dans mon TGV pour Rennes, me révèle mes changements. Effectivement, je n'ai pour ainsi dire parler à personne, pas plus aux membres de ma famille qu'à mes amis. Oui, c'est comme si je n'avais plus rien à dire, comme si parler pour informer, dialoguer de manière conviviale ou convaincre ne m’intéressait plus du tout. Est-ce un effet de mon isolement à Rennes, d'avoir pris l'habitude d'être seul, la plupart du temps en solitaire dans la ville, n'attendant personne, n'attendant également rien de personne, ou est-ce la prise de conscience de ma maladie, de mon statut précaire, presque futile, qui fait qu'aucun sujet de conversation ne trouve vraiment grâce à mes yeux, ne vaut la peine que je m'attarde avec attention, car il est manifeste que la concentration que cela exige de ma part fatigue vite mes neurones. De même, les choses de ce monde, qu'elles soient laides ou qu'elles soient belles, ne me parlent plus vraiment, comme si je ne me sentais plus concerné. Il en va un peu de même de mes relations familiales et amicales. Bien que je sois resté dix jours à Paris, c'est la première fois que j'ai aussi peu vue Tony, mon meilleur ami pourtant, et les rares fois où nous nous sommes vus c'était pour un quart d'heure ou une demi-heure. De même, pour la première fois, nous n'avons pas déjeuner ensemble une seule fois. Plusieurs fois nous avions pourtant prévu de le faire, mais destin ou hasard, cela n'a pu se faire. A lui aussi je n'ai pas parlé et ne me suis pas plus véritablement intéressé à sa situation actuelle, à son état d'esprit, à son moral. Avant, lorsque j'habitais encore Paris, matin, midi et soir nous refaisions le monde. Puis il y eut mon départ pour Lyon, mais là encore, lorsque je redescendais en vacance sur Paris, nous continuions à refaire le monde. Puis il y eut son cancer du foie, son face à face avec la mort, toute l'année qui s'écoula dans l'attente d'une greffe du foi, puis toutes les complications qui découlèrent de cette greffe. Cette expérience l'a changé, presque métamorphosé. Refaire le monde ne l’intéressait visiblement plus. Puis il y eut ma propre expérience face à la mort. Ainsi, aujourd'hui, nous n'avons presque plus rien à nous dire lorsque nous nous retrouvons, comme si pour l'un et l'autre les choses de ce monde étaient si futiles qu'il ne servait plus à rien de discourir dessus. Oui, même si pour lui je ne suis sûr de rien quant au cours de sa pensée, il est néanmoins clair qu'en ce qui me concerne que la société, tous les sujets qui la touchent, ne m'intéressent plus. Je ne trouve plus rien d'important là-dedans. Dans un détachement de plus en plus total, de plus en plus global, voici ce que devient mon état d'esprit. Donc, vis-à-vis de Tony et de ma famille, j'ai constaté au cours de ces dix jours ce même détachement de ma part à leur égard, à leurs histoires, à leurs projets, leurs espoirs ou leurs attentes. C'est comme si mon monde, lentement mais sûrement, me séparait d'eux, comme deux bulles de savons qui ne faisaient qu'une à l'origine, juste avant de se scinder en deux, chaque bulle poursuivant alors son propre parcours, sa propre trajectoire, la mienne partant de plus en plus à l'opposé de la leur. Seules deux personnes échappent à mon détachement à l'heure d'aujourd'hui,Cynthia et ma fille, mais pour combien de temps encore ? Je pense que tout dépendra de l'évolution de ma maladie et, je dois l'avouer, je ne suis guère optimiste quant à son évolution. Oui, le cerveau est un organe bien fragile où la moindre perturbation vient foutre un bordel pas possible et, à l'heure actuelle, les progrès de la médecine, certes réels, ne sont pas pour autant des recettes miracles le concernant.

2 commentaires:

  1. C'est surprenant mais j'ai un peu la même sensation; Hormis ma famille proche, je ne me sens pas beaucoup concernée par les choses de ce monde; j'aime le calme; Comme si nous étions sur une autre planète et que nous regardions un monde qui évoluera sans nous. Je pensais que c'était l'âge ou alors c'est l'âge et la maladie. On ne peut pas partager une telle expérience de la maladie avec des gens bien portants qui ne peuvent pas avoir notre ressenti. E il faut tenter de vivre
    Quant à votre fille, même si elle n'a pas voulu voir d'exposition ou de musée, elle s'est bien amusée; elle gardera un bon souvenir de ses vacances avec son papa et c'est cela le principal
    Non, je trouve aussi le poème de Zazou sur la décrépitude très beau; d'ailleurs tout ce que Zazou écrit est très beau. Et, en écrivant ce poème, elle ne pensait pas à ses parents car aucun enfant ne veut voir vieillir ses parents. Nous ne l'avons pas eng....je faisais juste de l'humour
    Pour le Maroc, je suis comme vous, je comprends très mal mais je suis bien obligée de réfléchir; j'ai deux belles filles marocaines, ça demande beaucoup de tolérance. Et c'est ce qui manque beaucoup actuellement
    Bon retour à Rennes; de grosses bises à partager avec Cynthia; elle au moins vous aide à avancer

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  2. "Comme si nous étions sur une autre planète et que nous regardions un monde qui évoluera sans nous."

    C'est exactement ça Mamy, en tous cas c'est ainsi que je me vis et me ressens. Cependant, comme vous le dites fort bien, il faut tenter de vivre, de trouver encore du plaisir, sinon à quoi bon?

    Quant à ma fille, je lui ai parlé de vous et de Zazou, de votre part dans ma décision de revenir sur ma décision initiale. Je lui ai alors demandé si elle avait un message à vous faire passer et, après quelques instants de réflexion, elle m'a demandé de vous remercier.

    A bon entendeur, je vous dis donc à bientôt !

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