dimanche 12 avril 2015

Avec ma fille je serai

12 avril 2015


Ce matin, sans réveil, lever à 4h30. Je n'ai pas essayé de me rendormir, c'est un mauvais rêve qui m'a réveillé. Je me voyais en novembre 2013, gare La Part-Dieu à Lyon, entrain d'appeler Cynthia. J'étais accroupis et, subitement, se déclenchent mes trois crises d’épilepsie consécutive, mon téléphone tombe à terre et Cynthia, la pauvre, ne peut qu'entendre ce qui se passe. Ce rêve est l'exact reflet de la réalité, de ce qui s'est réellement passé cette fin d'après-midi de novembre 2013. C'est suite à ces crises que l'on découvrit mon cancer du poumon et ma première métastase au cerveau. Quelque part, ces crises ont été ma chance car ma tumeur primaire, celle du poumon, n'était pas encore très grosse. Si je n'avais pas eu ces crises, je n'aurai pas su que j'étais porteur d'un cancer, ma tumeur aurait continué à se développer et, le jour où des médecins l'aurait découverte, peut-être que cela aurait été trop tard, que la chirurgie n'aurait servi à rien, que cette tumeur aurait engendré d'autres métastases dans mes poumons, mes bronches et Dieu sais où encore. Quoi qu'il en soit, une fois réveillé par ce rêve, je me suis levé et j'ai pris mon premier café de la journée. Une demi-heure plus tard Cynthia se levait à son tour, prenait son petit-déjeuner, se préparait et vers 6h30 nous sommes partis ensemble à la gare afin qu'elle prenne son train pour Lyon, pour voir sa mère, son père et peut-être ses sœurs. Je l'ai quitté sur le quai, une fois qu'elle fut rentrer dans la voiture 17 de son TGV, puis suis rentré seul à notre domicile. Ce matin il y avait du brouillard, beaucoup de brouillard. A présent, il est 13h30, c'est un ciel bleu et illuminé qui règne sur Rennes.

De retour chez moi vers 7h15, je suis allé sur le blog de Catherine afin de poursuivre ma lecture. Actuellement j'attaque le mois de septembre 2013 de son blog, mois où elle en voulait manifestement beaucoup à la marque Nivéa de mettre dans certaines de ses crèmes des produits susceptibles de favoriser je ne sais plus quel type de cancer, preuves à l'appui, études scientifiques à l'appui. Si j'étais aussi battant que Catherine, je ferai la même chose et mènerai un combat contre l'industrie du tabac. Mais je ne suis pas Catherine, je suis simplement moi, un fainéant qui ne crois plus en grand chose dès lors que l'argent entre en jeux. Oui, là-aussi elle force mon admiration. Comme si elle n'avait pas assez à faire avec sa maladie, celle qui lui est propre, non, c'est une va-t-en guerre et se choisit des combats. Combattre, surtout lorsque l'on pense que sa cause est juste et même si cela demande de l'énergie, nous fais nous sentir vivant, aussi paradoxal cela puisse être. En tout cas, quand je militais pour la cause des pères, c'est ce que j'éprouvais. Non seulement on se sent vivant, mais surtout utile, tant que la désillusion ne s'empare pas de nous pour une raison ou pour une autre.

J'étais donc entrain de lire Catherine lorsque vers 8h00 ma fille m'a appelé. Vu l'heure, j'étais étonné qu'elle ne dorme pas, elle qui est une vraie marmotte. Soit-disant, elle m'appelait pour me demander ce que je pensais de la photo qu'elle m'avait envoyé la veille au soir. Sur cette photo, elle était avec sa copine qui doit peut-être monter avec elle à Paris. Elles avaient passé la soirée à se maquiller le visage en long, en large et en travers, ma fille ressemblant à un chat et son amie à une espèce de damier ambulant. Une fois mon avis donné sur leur maquillage, ma fille me demande alors si je ne peux pas appeler le père de son amie, Léa (je crois), afin d'organiser leur voyage sur Paris. Je n'ai pas relevé, mais encore une fois, peut-être sans s'en rendre compte, ma fille recommençait à me mener en bateau. Plutôt que de me dire clairement qu'elle avait peur que sa mère refuse, me demandant en conséquence de faire en sorte que cela puisse se faire, non, mademoiselle fait comme si de rien n'était, comme si l'objet réel de son appel n'était pas ça, mais uniquement la photo prise la veille. Cependant je n'ai pas relevé, je constate juste qu'elle n'a toujours pas compris ce que signifiait être franche, qu'elle n'a toujours pas compris qu'il ne fallait pas me prendre pour plus con que je ne le suis. Je lui ai donc répondu que sa mère m'avait dit qu'elle gérerait cela et que je m'en tiendrai à ce qu'elle aura décidé. Effectivement, concernant les vacances, il y a eu du changement depuis hier soir. Cela fera certainement plaisir à Mamy, à Zazou et, évidement, à moi ! Oui, suite à vos avis et à mon regret, j'ai pris sur moi de rappeler hier soir ma fille afin d'avoir sa mère au téléphone. Lorsque j'eus Nathalie, je compris que le planning de vacance de ma fille ne correspondait pas à ce que j'avais compris lorsque ma fille m'en avait parlé. Effectivement, ma fille ira bien en centre aéré, mais à partir de demain et ce, jusqu'à vendredi. J'ai alors demandé à Nathalie si je pouvais la prendre pour la semaine suivante, avec sa copine si elle était d'accord. Nathalie s'est montré très conciliante, je le reconnais, et m'a dit d'accord. Je monterai donc à Paris vendredi prochain, ma fille arrivera le lendemain avec ou sans sa copine, et repartira le jeudi ou le vendredi suivant. Je ne peux m'empêcher de me dire que c'est une bonne chose de faite et ma fille, sachant cela depuis hier soir, se remue donc les méninges pour tout faire afin que sa copine soit avec elle, d'où l'appel et sa demande cachée de ce matin.

La théorie c'est bien, c'est même simple, j'excelle d'ailleurs en cela, mais passer de la théorie aux actes est nettement moins simple, surtout pour moi dans bien des domaines. Nathalie ne voulant plus me parler, pourquoi lui parlerais-je ? Mais si je ne lui parle pas, comment tenter de rattraper le coup pour que je puisse être avec ma fille, au moins quelques jours, pendant ces vacances ? C'est le serpent qui se mord la queue et, surtout, mon ego qui se manifeste. Alors merci Mamy, merci zazou, de m'avoir inciter à voir ma fille, quoi qu'il se soit passé par ailleurs. Oui, si je n'avais pas eu vos avis, je serai resté sur ma première position, même si c'était aussi à mon détriment. Je n'osais appeler Nathalie parce que j'avais peur d'essuyer un refus de sa part, ce qui était insupportable pour mon ego. Mais hier soir j'ai pris sur moi, accepté à l'avance une fin de non recevoir, et j'ai appelé Nathalie. Que dire de plus, sinon que je suis satisfait du résultat ? Encore une fois merci Mamy, merci Zazou, car c'est bien vos avis qui ont remis mon ego en question, qui m'ont incité à écouter plus mon cœur, mon amour pour ma fille, que ce dernier.

Quelle heure est-il ? 18H30. J'ai passé une bonne partie de l'après-midi à terminer de les lire les articles que Catherine a publié en 2013. Demain, j'attaque ceux de 2014. A présent je la connais mieux, pas bien, mais mieux, car entre deux articles sur son cancer, elle publie aussi des pages heureuses sur sa vie, avec sa ville, Le Croisic, son homme comme elle l'appelle et ses deux petits hommes comme elle nome ses deux fils, et enfin son chien, fidèle compagnon de ses promenades quotidiennes. J'ai ainsi appris que sa vie professionnelle s'était faite à Paris. Pour un peu, même si c'est peu probable, nous aurions pu nous y croiser dans le temps, ce temps où Paris était aussi ma ville. Elle a tout quitté en 2012, peut-être même avant, Paris et son travail, ne pouvant malheureusement que se consacrer à sa maladie qui la handicape beaucoup physiquement. Oui, c'est une battante et je suis sûr que lorsqu'elle travaillait, avant l'apparition de son second cancer, lorsqu'elle était encore en période de rémission, elle excellait dans ce qu'elle faisait. C'est comme avec ses enfants, ou pour ses enfants, nés entre son premier et second cancer, elle se donne à fond, ne se ménage pas, quitte à en souffrir physiquement.

Oui, si on se donne la peine d'écouter ou de lire, toute histoire est intéressante, de toute histoire il y a des leçons à tirer, des réflexions qui prennent formes, des idées, des sens, des directions que nous découvrons. Oui, à part Cynthia et Tony, je n'ai jamais connu de personnes comme Catherine. Ou plutôt si, j'en ai croisé plein, mais je les évitais car nous n'étions pas dans le même état d'esprit, celui de la réussite, de se donner les moyen de cette réussite. Moi, je n'ai jamais fait de la réussite un cheval de bataille. Certes, je ne cherchai pas l'échec, mais je ne cherchais pas à devenir le meilleur, même si avec un peu d'effort, moins de fainéantise, j'aurai largement pu faire partie du nec plus ultra dans le domaine qui était alors le mien, le secteur commercial. Oui, j'avais le bagout, le verbe, la conviction, étais payé à la commission, mais seul m'importait d'avoir un salaire décent. Je ne cherchais pas le mirobolant et c'est en faisant le strict minimum syndical que j'avais néanmoins un très bon salaire, deux fois le smic de l'époque alors que je n'avais même pas 25 ans. Puis il y eut Michel et tout fût fini, à jamais, y compris lorsque j'ai réintégré le monde du travail presque dix ans plus tard. Mais même s'il n'y avait pas eu Michel, jamais je n'aurai ressembler à Catherine, Cynthia ou Tony. J'aimais trop m'amuser, en faire le moins possible et ne prenais pas au sérieux mon emploi de conseiller commercial en assurance. Je prenais çà comme un jeux, un jeux lugubre puisqu'il fallait faire pleurer les clients pour qu'ils signent mes contrats d'assurance-vie, et je les faisais pleurer, culpabiliser. J'avais un quota de contrat à faire par mois. Bien souvent, en deux semaines j'avais atteint mon quota et les deux semaines suivantes je me reposais. Cela horripilait mes supérieurs hiérarchiques, ils ne comprenaient pas mon comportement, ils ne comprenaient pas que je ne veuille pas gagner plus, être plus riche encore. De mon côté, avec l'argent gagné par mon quota, je pouvais manger tous les jours au restaurants, ce que je faisais, je pouvais inviter mes amis, ma petite amie, Virginie, me payer des costumes de marques et des tas de babioles inutiles mais qui faisaient bien dans le décor. Pourquoi gagner plus puisque j'avais déjà plus que ce que je ne pouvais m'imaginer auparavant. Le métier de commercial, je le compare au métier d'avocat, de politique. Tout est dans la parole, le mot, le verbe, et dès lors que la confiance est construite entre vous et le client, alors tout est fait, même si par la suite les promesses, les services, les résultats attendus par le client ne sont pas forcément au rendez-vous. Vous trouverez alors une bonne excuse à ses déconvenues, le rassuré à nouveau et lui proposerez même un autre produit afin de combler son manque ou son mécontentement. Oui, aucun avocat et aucun politique ne peut vous garantir le résultat de ses déclamations. Pour un commercial, surtout dans le secteur de l'assurance, du placement financier, c'est pareil. Qui peut prédire le rendement d'une action, d'un sicav ou de n'importe quel autre produit financier dans cinq ans, dix ans, vingt ans ? Tous mes clients signaient pour 20 ans d'engagement minimum. Bien entendu je ne leur parlai pas du revers de la médaille, de ce qui se passerait pour leur placement en cas d'échéance non payé ou de rupture de contrat avant l'heure. Non, je ne leur parlai que du côté mirobolant des choses, et c'est vrai qu'il y en avait, mais pour les obtenir il ne fallait aucune faute de leur part et être patient, très patient, car vingt ans c'est long.

Je replonge dans ce passé et je ne sais même plus pourquoi. Ah si, c'était l'histoire des réussites, un esprit vraiment propre aux parisiens,car si l'on est pas dans cet état d'esprit, impossible de trouver un travail assez rémunérateur pour habiter la capitale et y vivre décemment, voire plus. Il faut avoir les dents longues, être prêt à rayer le parquet et moi, bêtement, je voulais juste que l'on m'aime, que l'on m'apprécie indépendamment du montant de mon compte en banque. En cela, je n'étais pas un vrai parisien, même si à l'époque je ne connaissais que ce microcosme. Cependant, parce que j'ai grandis essentiellement avec des délinquants, cette notion de réussite dans le monde du travail nous était étrangère, comme une autre langue.

J'ai eu Cynthia au téléphone tout à l'heure, par deux fois. La première fois elle était avec sa mère, à la maison de repos et continuais à corriger les copies de ses élèves. La seconde fois elle était rentré chez son père. Elle n'a pas reconnu sa mère tellement elle va mieux. Non seulement elle était dans son fauteuil roulant, mais de plus, ce que je ne savais pas, elle réussissait à manger seule maintenant. Plus de tremblement dans son bras, dans ses mains, dans ses doigts, qui l'empêchait naguère de manger seule. Une bonne nouvelle de plus donc. Pendant que Cynthia était avec elle, j'ai demandé à lui parler. Là aussi, sa voix n'était plus tremblante et elle semblait être complètement alerte. Nous avons parlé de son retour chez elle, jeudi prochain, juste après sa séance de chimiothérapie. Oui, toutes les trois semaines elle aura une séance de chimiothérapie servant à stabiliser ses métastases et jeudi prochain, parce que ses plaquettes déconnent, elle devra certainement subir une transfusion de sang en prime. Mais bon, il faut ce qu'il faut, et si cela lui permet de rentrer enfin chez elle, que demander de plus au peuple ?

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