dimanche 19 avril 2015

Du poids de l'espoir

19 avril 2015


Il est 11h30, je suis levé depuis une heure, cette nuit à été longue, bonne, même si mon sommeil fut entrecoupé plusieurs fois. Il y a combien de temps que cela ne m'était pas arrivé de me réveiller si tard ? Donc ma fille est arrivée hier midi à Paris. Pour rentrer de la gare au domicile de ma mère, nous avons pris les bus, traversant Paris d'un bout à l'autre. Le trajet a duré 1h30. A une demi heure près, c'est le temps qu'il faut pour faire un Paris-Rennes. Les retrouvailles furent agréables. Elle a encore grandi, fait presque ma taille, et son visage commence à perdre son air juvénile et à prendre les traits qui seront les siens à l'âge adulte. Sur le moment, dans l'instant, cela m'a surpris. Encore une fois, j'avais face à moi quelqu'un que je redécouvrais pour la énième fois. Puis, arrivé chez ma mère, nous avons pris notre premier déjeuner ensemble. Entre-temps, pendant le trajet en bus, ma fille me parla de ma maladie. Effectivement, dès son arrivée à la gare elle remarqua qu'il me manquait des cheveux, que la zone irradiée lors de mes séances de radiothérapie était complètement chauve, formant une espère de cratère dans ma tignasse. Après lui avoir expliqué la raison de la présence de ce cratère, elle me dit qu'elle voulait croire que je guérirai et c'est tout. Dans ma tête je me suis dit que c'était une jolie attention et décidais de ne pas épiloguer sur ma maladie. Le soir-même, nous étions invités à dîner chez ma sœur. Nous nous y sommes rendus sous les coups de 19h30 et sommes repartis vers 23h30. Sa cousine était là, Lùa, avec son compagnon, Simon, et sa meilleure amie, Estelle. Lùa et Simon habitent chez ma sœur. Il y avait également leur chien impressionnant, un dogue américain, et les trois ou quatre chats que ma sœur possède. La soirée s'est bien passé, je ne me suis pas ennuyé, mais j'ai constaté le décalage entre ma génération et celle des plus jeunes, génération iphone toujours à porté de main, soit pour communiquer avec des amis par sms, tchat ou autre, soit  pour visionner des vidéos.

Aujourd'hui ma fille est allée à la foire du trône avec sa cousine, Simon et Estelle. Je pense qu'ils vont tous y passer du bon temps et je me demande seulement à quelle heure ma fille sera de retour. Aujourd'hui, afin qu'elle apprécie son séjour à Paris, ce sera donc pour moi une journée sans elle.

Depuis hier, même si cela me fait plaisir de revoir tout ce petit monde, l'atmosphère est néanmoins pesante pour moi. Oui, de sentir le poids de ma maladie omniprésent dans l'esprit de ma mère, de ma sœur, de ma fille, de les voir agir en conséquence, c'est-à dire être aux petits soins, me ramène encore plus au cancer, à mon état, à celui dans lequel je serai demain et après. Bref, ce n'est pas léger et, en essayant de faire de mon mieux, je tente de ne pas les inquiéter plus qu'elles ne le sont. Cependant, je le sens, cela m'étouffe, me limite dans mon expression, car je dois surveiller mes gestes, mes paroles, éviter de leur montrer ma fatigue, je m'y sens obligé.

Là, je suis à la terrasse du café « Les trois obus », café de ma jeunesse, café où j'ai rencontré Tony pour la première fois en 2005 ou 2006, alors que ma fille avait trois ou quatre ans. Lui a assisté à presque tous mes déboires avec la mère de ma fille, y compris lorsqu'elle kidnappa notre enfant et que je fus sans nouvelles de ma fille pendant plus de quatre moi. Épisode ineffaçable, gravé à jamais dans ma tête et mon cœur. Sur Paris, même s'il fait très beau, le vent souffle et il est frais. Donc mieux vaut être au soleil qu'à l'ombre. Je ne sais ce que je vais faire de mon après-midi, si je vais voir ou non un ami, peut-être Tony que j'ai vu rapidement hier soir, juste avant d'aller chez ma sœur, ou peut-être Francky s'il m'appelle. Quoi qu'il en soit, ici je me sens en transition, de passage, ce qui est vrai, car je sens bien que ma place est aux côtés de Cynthia, avec elle, dans notre chez nous, où que soit ce chez nous. Sans elle à mes côtés, je me sens comme invalide. De plus, je me sens seul, sensation que je n'éprouve jamais lorsque je suis chez nous, même si Cynthia n'est pas là physiquement, soit parce qu'elle est à son travail, soit parce qu'elle est à Lyon auprès de ses proches. Oui, même si je suis isolé à Rennes, ne fréquentant personne, je ne m'y sens pas seul pour autant. La présence de Cynthia est partout, où que j'aille. Tous les endroits que je fréquente, elle les connais, nous y avons été ensemble et, à notre domicile, tout respire sa présence.

Donc depuis mon arrivée à Paris, ma maladie est omniprésente. Malgré elle, ma famille me le fait sentir. Ceci n'est en rien joyeux et me plonge du coup dans l'anxiété. Anxiété de quoi ? Je ne le sais exactement. A Rennes, tant bien que mal, j'essaie de relativiser, de ne pas trop y penser, l'attitude de Cynthia à mon égard m'aidant beaucoup, et la règle générale est que je vis bien mes journées. Ici, ce n'est pas possible, car qui que ce soit que je rencontre me ramène à ma maladie, à ses propres doutes ou espoirs, me demandant forcément comment je me sens, comment je me vis, s'informant sur mes traitements, mes examens. Tout cela part d'un bon sentiment, je le sais, mais c'est malgré tout un poids dans ma tête qui m'empêche de m'éloigner, si ce n'est de m'échapper de mon sort actuel. Oui, si je pense à ma maladie, immanquablement je la projette à demain, me demandant quel mauvais tour elle va me jouer, combien de temps me reste-t-il à vivre décemment, etc. Bref, ce ne sont pas des questions gaies, des pensées optimistes qui me traversent alors l'esprit. Oui, l'espoir des autres, leurs attentes, leurs espérances à mon égard est plus un fardeau qu'un bienfait, plus une charge à porter qu'un délassement.

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