vendredi 3 avril 2015

Travail scolaire

3 avril 2015


Mon humeur est monotone, à l'image du bulletin scolaire trimestriel de ma fille, bulletin que j'ai reçu hier, un bien mauvais bulletin. Je vois à quel point ma fille est fainéante, à quel point elle ne se rend pas compte de l'enjeu qu'est son travail scolaire, et comme je me suis promis de mettre de côté tout ce qui était en rapport avec son travail scolaire dans nos conversation, je ronge mon frein et me dis tant pis, elle se gâche sans le savoir et, d'ici un ou deux ans, elle en paiera irrémédiablement le prix, soit en redoublant, soit en allant dans une filière qu'elle ne souhaitait pas. Ce soir, parce que c'est son anniversaire aujourd'hui, je l'appellerai, mais je n'ai vraiment pas le cœur à çà, à faire comme si de rien n'était et que tout allait bien dans le meilleur des mondes. De même, les appréciations de ses professeurs ne sont guère plus encourageantes que ses notes, mais elles ne me surprennent pas. La moyenne générale de ma fille est de 10 et elle ne la doit que parce qu'elle excelle dans des matières qui ne comptent pour rien dans la course à la sélection qu'est la scolarité, puis le monde du travail. Mais cela, encore une fois, elle ne l'a pas compris. On dit généralement qu'entre douze et quinze ans l'on est dans l'âge bête. Lorsque j'entends ma fille, puis lorsque je vois ce qu'elle fait, que ce soit à l'école ou ailleurs, oui, elle est dans le monde des bisounours. S'il existait un bouton pour la faire entrer dans un monde plus mature, je l'actionnerai immédiatement. Mais ce bouton n'existe pas, il ne reste donc qu'à attendre que le déclic se fasse en elle. Je suis donc dans la déception depuis hier soir et afin de ne pas être envahie par cette dernière, j'évite donc de penser à ma fille.

Hier soir, juste avant de rentrer chez moi, alors que j'étais encore au café, j'ai fait des recherches sur internet sur la radiothérapie, les métastases cérébrales, les pourcentages de guérison, l'évolution des pratiques et des appareillages dont disposent les radiothérapeutes. J'ai ainsi regardé quelques vidéos sur tout çà, lu quelques articles, et même si les progrès en matière de radiothérapie sont incontestables, la survie au-delà de cinq ans reste très faible pour les patients, sauf s'il y a rémission. Cet après-midi, je pense faire de même, retourner sur internet et continuer à chercher des données plus précises concernant les taux de mortalité et de survie pour le type de cancer qui me concerne. En attendant je me dis que cette année à Rennes s'est bien passé, même si une nouvelle métastase s'est développée là-haut, sous ma boite crânienne. Oui, malgré cette dernière et le traitement, je me vis bien mieux dans ma peau et dans ma tête depuis septembre dernier que tout au long de l'année 2014. Tous ces mois passés depuis ont été du repos, un véritable repos, tant dans le domaine conjugale, familiale, amicale, que dans celui de la santé. Pourtant je fume toujours et, en cela, je n'ai pas de leçon de bêtise à donner à ma fille. C'est l'une des raisons pour lesquelles je retourne sur youtube regarder des vidéos qui traitent de ma maladie. Effectivement, ce que j'entends ou vois n'est guère très rassurant en général et j'espère que l'une de ses vidéos me fera assez peur pour que je délaisse complètement mes cigarillos.

Aujourd'hui il pleuviote sur Rennes, mais la température est agréable et il n'y a pas de vent. Comme à mon habitude, j'ai dormi jusqu'à midi. Immédiatement j'ai appelé Cynthia qui a été inspecté ce matin. Comme elle avait très peu de temps devant elle, elle m'a juste signifié que tout s'était très bien passé et même au-delà. J'attends donc qu'elle me rappelle après 14h00 pour m'expliquer cet « au-delà ». De même, si demain il ne pleut pas et que Cynthia va à son cours d'équitation, je l'accompagnerai. Ce sera une occasion supplémentaire d'être ensemble, accaparés par une même occupation, moi en tant que spectateur et elle en tant qu'actrice. D'ailleurs, même s'il pleut, je l'accompagnerai.

Quoi qu'il en soit, depuis que j'ai vu hier soir les vidéos sur youtube traitant du cancer, c'est comme si j'étais revenu brusquement dans la réalité de ma condition, celle d'un survivant qui n'a plus l'éternité devant lui. Cela m'a donc renvoyé à la mort, la mienne, à tout ce que je ne verrai plus, ne connaîtrais plus, qu'il s'agisse de personnes ou de lieux. J'ai également écouté les témoignages de ceux qui entourent les malades, bien souvent leurs enfants, et dans le ton de leur voix j'entendais qu'ils étaient résignés à accepter l'inéluctable et, dans certains cas, j'ai même eu l'impression que certains d'entre eux avait hâte que tout cela se finisse une bonne fois pour toute, comme s'ils avaient le sentiment d'agir pour rien envers leur parent malade. En parlant de mort et de parent, cela me fait penser à ma fille et à sa mère. Sa mère a perdu son père alors qu'elle n'avait que quatorze ans, père mort d'un cancer. Sera-ce de même pour ma fille ? Ne nous reste-t-il qu'une année devant nous ? Peut-être.

Je viens de regarder une vidéo, il s'agit d'une opération chirurgicale où l'on enlève des tumeurs cérébrales à des patients. Après les avoir anesthésié pour découper leur crâne et avoir accès au cerveau, ils sont réveillés à crâne ouvert, des questions leurs sont posées et, en parallèle, le chirurgien tâte à l'aide d'une espèce de sonde différentes zone du cerveau afin de ne pas opérer celles qui nous sont indispensables à la parole ou au mouvement. L'opération, dans sa globalité, dure plus de quatre heure et le patient est réellement mis à contribution. Dans mon cas, du fait de la localisation de mes métastases, aucune opération n'est à-priori envisageable car cela me rendrait irrémédiablement handicapé moteur et, peut-être, perdrais-je même la faculté de parler.

Il est 17h00, je viens d'appeler ma fille pour lui souhaiter son anniversaire, mais cela a été plus fort que moi, je n'ai pu m'empêcher de lui dire ce que je pensais de son bulletin trimestrielle, de ma déception face aux promesses qu'elle m'avait faite l'été dernier et lui ai dit que j'envisageais d'annuler nos vacances ensemble. Sincèrement, c'est bien ce que j'ai envie de faire, annuler, puisque je ne peux me fier à sa parole, puisque je ne peux lui faire confiance. Je me sens comme trahi, comme de n'avoir été qu'un sot de prendre à la lettre toutes les belles paroles de ma fille qui ne pense qu'à s'amuser, à passer du bon temps, sans donner le retour que l'on attend d'elle.

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