mercredi 29 avril 2015

Quand le mal revient (II)

29 avril 2015


Ainsi, hier j'ai pleuré plusieurs fois dans la journée, conséquence de tout ce qui se passe physiquement sous mon crâne, dans mon cerveau, décharges électriques et maux de tête en continue, jusqu'à mon coucher, le tout révélant à nouveau à ma conscience ma peur de disparaître, de mourir dans un proche immédiat. Alors j'ai recontacté mon psychiatre, celui que voyais depuis mon arrivée à Rennes et avec qui j'avais cessé mes consultations voici bientôt deux mois. Je sorts à l'instant de mon rendez-vous avec lui et, contrairement à ce que je présumais,  il n'a pas jugé utile de ma mettre sous anti-dépresseur. Je reste donc avec mon traitement actuel, un neuroleptique dont il m'a augmenté la dose du soir, afin que je dorme mieux, et toujours mon anxiolytique, le Xanax.

Dans que état suis-je aujourd'hui, moralement et physiquement ? Je sens toujours en moi cette envie de pleurer, mais pleurer sur quoi, contre qui ou contre quoi ? Le sort en est ainsi, je fais partie du lot des cancéreux, sans distinction aucune avec ceux et celles qui ont une autre forme de cancer, car tous nous sommes dans la même merde, avec certainement les mêmes peurs dès que la maladie se rappelle à notre bon souvenir, s’interrogeant certainement au moins une fois par jour sur l'évolution de notre maladie, sur le temps qu'il nous reste à vivre, se demandant s'il est bien sain, sage, de faire des projets et, quand bien même nous en ferions, si nous auront le temps de vivre leur concrétisation. De même, constatant notre état actuel et peu importe à quel stade est notre maladie, comment s'empêcher de se demander dans quel état nous serons demain, dans un mois, dans six mois ou dans un an ?

Dans mon crâne, depuis hier, l'augmentation du Solupred, mon anti-inflammatoire et d'un autre dragée contre les maux de tête, une espèce de mélange de paracétamol et de dérivés de morphine, cela va un peu mieux. Il est 11h30 actuellement et depuis mon réveil, vers 5h00 ce matin, je n'ai eu que deux ou trois moments ces rafales de décharges électriques, décharges qui ne font pas mal en soi, mais qui désactivent tous mes sens le temps de leur présence, vue, ouïe, toucher, etc. A côté de cela, sans doute grâce au nouveau dragée que m'a prescrit hier mon médecin généraliste, c'est uniquement un arrière-fond de maux de crâne que je ressens, sommes  toutes tolérable.

Hier soir j'ai eu le besoin d'entendre la voix de ma fille, mais ayant peur de pleurer au  téléphone, ayant peur qu'elle m'interroge sur mon état, je l'ai néanmoins appelé mais ai vite abrégé notre conversation. Je lui ai simplement dit que j'avais envie d'entendre le son de sa voix, lui ai posé quelques questions sur sa rentrée scolaire et j'ai ensuite raccroché. Cela a été bref, mais m'a fait du bien d'entendre l'insouciance dans sa voix, à mille lieux de ce que je vivais avec et sous mon crâne. Du coup je repense à ma mère, à mon séjour chez elle à Paris, un séjour qui me laisse un bien mauvais souvenir. Effectivement,  je suis monté à Paris pour prendre des vacances, autrement dit sans ma maladie, sans mon cancer ou quoi que ce soit aurait pu me ramener à lui. Dans ma maladie, j'y suis toute l'année, chaque jours, toute la journée ou presque, et prendre des vacances, dans mon esprit tout du moins, c'est s'évader, prendre du recul, le large avec son quotidien, se permettre de rêvasser, d'oublier, de se croire quelqu'un d'autre avec une autre vie l'espace d'un instant. Mais dès mon arrivée chez ma mère, ce fut tout sauf çà. J'ai atterri dans un hôpital parallèle dont la pratique est de soigner avec des médecines parallèle. Le matin, comme dans les vrais hôpitaux où l'infirmière vous réveille en vous remettant vos premières pilules de la journée, j'ai eu le droit à ce même manège de la part de ma mère. A peine avais-je mis le pied hors du lit qu'elle me présentait déjà ses mixtures. De même, son seul sujet de conversation était le cancer et la manière dont, elle, pensait qu'il fallait le traiter, n'hésitant pas à cracher vertement sur toutes les thérapies chimiques existantes, qu'il s'agisse de chimiothérapie, de radiothérapie ou  autre. En d'autre terme elle m'envoyait à la gueule que la manière dont les médecins avaient pris en charge mon cancer, avec mon entier aval, n'était que merde, ne servait à rien ou presque, la vérité  étant dans ses recettes miracles et pas ailleurs. Oui, être chez elle était bien pire que d'être dans un véritable hôpital. Lorsque nous sommes à l'hôpital, même si nous ne savons pas trop pourquoi et pour combien de temps, au moins une chose est sûre : nous savons que nous ne sommes pas en vacance. Ainsi, cinq ou six jours après mon arrivée chez ma mère, j'ai donc remis les choses en place, lui ai dit de me foutre la paix avec ses traitements et ma santé et que c'était à moi de décider de manière de vivre et de mourir. Cette explication eut lieu chez ma sœur, alors que nous étions tous à table, ma fille y compris. Depuis, jusqu'à mon départ, ma mère s'est tenu à distance de ma personne et, enfin, j'ai commencé à me croire un peu en vacances. D'aucun me diront qu'elle ne pensait pas mal. A ceux-là je leur répondrai que si quelqu'un ne vous demande pas votre avis, ne vous demande pas votre aide, en générale le mieux est de rester dans votre coin. Ce genre de différent entre ma mère et moi ne date pas d'aujourd'hui. D'aussi loin que je me souvienne il en a toujours été ainsi et pas qu'avec moi, ma sœur et mon frère en ont également pâti. Ma mère, qui pourtant est curieuse de tout,  s'intéresse à tout, est paradoxalement complètement fermé d'esprit dès qu'elle s'est faite une idée, une opinion sur quelqu'un, quelque chose ou un fait. Dès qu'elle a une idée sur une question, sur un problème, jamais plus vous ne pourrez modifier son point de vue. Aussi je vous laisse imaginer son attitude si vous êtes en désaccord avec elle, je vous laisse imaginer ce qu'elle pensera de vous, et sachez qu'elle ne prend pas de gant.

La santé, s'en préoccuper dans le but de vivre longtemps, le plus longtemps possible, dans un corps sain et un esprit sain, ne m'a jamais intéressé. Même si cela choque certaines tournures d'esprit, met à mal certaines visions de la vie, depuis toujours mon parti pris a été de vivre le plus intensément possible, quitte à faire les pires folies, de ne répondre qu'à mes désirs, mes souhaits, car sachant que je n'ai qu'une vie et qu'il n'y en aura pas de seconde, à quoi rime donc que je me soumette à toutes les contraintes qu'une vie réglée, conforme à la norme, impose, dès lors que ces contraintes m'empêche de me sentir vivre, de me sentir exister. C'est la raison pour laquelle le métro-boulot-dodo n'a jamais été mon créneau et ne le sera jamais, non parce qu'en soit cela me dérange, aucunement, mais les conditions de travail et les pressions exercés par la hiérarchie, le management, dans tous les emplois que j'ai exercé, ont tôt ou tard fini par me taper le système, raison pour laquelle j'ai systématiquement démissionné de tous ces derniers. De même, dès que j'ai réalisé dans quel monde de merde nous vivions, j'avais alors dix-sept ou dix-huit ans, il était déjà clair pour moi que je n'avais pas envie de durer dans ce dernier. Mourir à la quarantaine ou la cinquantaine me convenait alors très bien. D'ailleurs, dans les hauts et bas de ma vie, plus d'une fois je me suis posé la question de mon suicide, question que je me pose encore aujourd'hui malgré que j'ai une fille à présent et ma compagne. Je ne suis pas fait pour endurer ce que je juge absurde, ainsi en est-il. Être malade, je ne suis pas contre, cela fait partie de la vie, mais en souffrir, cela je le refuse, que cette souffrance soit physique ou psychologique. Donc soit je trouve des palliatifs pour ne pas souffrir et alors je suis d'accord pour continuer à vivre, soit je n'en trouve pas et je ferai tout pour abréger mes souffrances, y compris par le suicide s'il le faut, qu'il soit assisté ou non.

Lorsque j'étais à Paris, la patronne d'une brasserie de mon quartier disait de Tony, mon meilleur ami, qu'il était une personne triste en son fort intérieur. Est-ce que moi-même je le suis ? Je  ne le crois pas. Je pense que je suis surtout une personne lassé, lassé des innombrables efforts que j'ai moi-même fait ou que je vois d'autres faire, efforts qui, dans leur large majorité, m'apparaissent complètement absurdes et, aujourd'hui, du fait de ma maladie et de ma brève échéance dans ce monde, encore plus absurdes que je ne le pensais.

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