samedi 18 juillet 2015

Rupture

18 juillet 2015


Il est 8h00, hier soir je me suis couché tôt, très tôt par rapport à d'habitude, car je ne voulais pas penser ni réfléchir. Donc, sous les coups de 22h00 j'étais déjà au lit pour ne me réveiller que ce matin vers les 7h00. Cependant, immédiatement mon cerveau s'est remis en branle, pensant déjà à ma contrariété de la veille et comme il est clair qu'il est hors de question que cette dernière me gâche toute ma journée, alors je la sort, par écrit, mode bien plus efficace pour régler mes litiges internes que toute discussion. Cela concerne mon frère, ce salaud aurais-je envie de dire, mais ce n'en est pas un. C'est juste un petit prétentieux, alcoolique, sûr de la valeur de sa personne, égocentrique, qui pense que parce qu'il possède un savoir certain et une bonne rhétorique, que cela lui permet de vous traitez comme bon lui semble. S'il a besoin de vous, peut importe la raison, que ce soit pour des questions d'ordre matériel ou pour aller se bourrer la gueule, il se manifestera à vous. Si par contre vous ne lui êtes d'aucune utilité dans son quotidien, soyez-vous sa mère, son frère, sa sœur ou son meilleur ami d'un temps, vous n'aurez strictement aucune nouvelle de sa part. A priori, ne faisant pas du tout partie de son monde et, ce, depuis presque toujours, n'ayant jamais eu d'affinité réelle avec ses amis, qu'il s'agisse des femmes ou des hommes, n'étant allé me promener dans son petit univers qu'à de rares occasions, comme l'on fait un voyage exotique, histoire de voir autre chose pour un période bien délimité, nous n'avons en commun que notre goût pour l'écriture et faire de la musique, créer via ces activités, même si pour ma part j'ai cessé peu à peu toute activité créative depuis l'apparition de mon cancer. Mon frère est plus jeune que moi, trois années nous séparent, mais dans l'esprit, la pensée, la manière de voir les choses et d'agir en conséquence, ce sont bien des années-lumière qui nous sépare. Ainsi, mon frère ayant fait le choix volontaire de mettre sa famille complètement de côté pour ce qui est de son quotidien, hormis lorsqu'il était dans le besoin, comme lorsqu'il n'avait plus de toit par exemple, devant retourner vivre, ne serait-ce qu'un temps, chez notre mère, acceptant également et prenant sans scrupule l'argent que nous pouvions lui donner, quel retour avions-nous par la suite, une fois qu'il s'était trouvé un logement indépendant ? Et bien plus de nouvelle, à nouveau et, ce, presque du jour au lendemain. Les rares choses que je connais de sa vie depuis des décennies, je ne les sais que parce que je suis allé vers lui, en lui proposant des sorties dans son petit monde fermé lorsque nous habitions tous deux Paris, ou en lui téléphonant régulièrement lorsque nous étions dans des villes distinctes, tel que c'est le cas depuis sept ans à présent. Ainsi, depuis ces dernières années, pas une seule fois il ne m'a contacté et, depuis l'apparition de mon cancer, il y a bientôt deux ans, cela n'a pas changé. A tort, au début, j'ai pensé qu'il prendrai un peu plus souvent de mes nouvelles et, ce, directement. Très vite j'ai compris qu'il fallait que je brise cette attente, que jamais cela ne se ferait. A sa décharge, lorsque j'ai appris mon cancer et que je lui ai demandé de venir me voir, il a de suite accepté, quittant Toulouse pour Lyon. Comme il n'avait pas d'argent, je lui ai donc payé son billet de train, mais déjà à l'époque je me posais la question de savoir s'il aurait tout mis en œuvre pour venir me trouver, c'est à dire trouver les fonds pour financer ce voyage, si je n'avais pu le faire. Ma certitude est qu'il ne l'aurait pas fait, alors qu'il est parfaitement capable de le faire pour aller voir telle ou telle copine au bout de la France ou pour financer ses beuveries quotidienne. Enfin, à chaque fois que j'ai ma mère au téléphone, je l'entends qui se lamente sur le silence de mon frère. Elle, elle n'a pas encore pris le pli qu'elle ne comptait pas pour grand chose dans la vie de son fils. Peut-être y a-t-il une place pour nous dans l'un des recoins de son cœur, mais cela ne va guère plus loin puisqu'aucun acte en conséquence, silence radio sur tout la ligne.

De mon côté, pendant toute cette année passé à Rennes, je l'appelai une fois par mois pour le tenir au courant de ma situation. Je ne vous cacherai pas que je trouvai ça bien lamentable que ce soit à moi de le faire, que cela ne vienne pas spontanément de lui. D'ailleurs, plus d'une fois je me suis demandé si je n'allai pas cessé de l’appeler comme le ferai un vulgaire mendiant en chasse de charité, voire de compassion. Notre autre moyen de communication était facebook. Pour ma part, je ne publie pas souvent, tant facebook m’apparaît surfait, un lieu où l'hypocrisie ne peut que régner en maître tant chacun veut paraître politiquement correcte aux yeux des autres. Par contre, mon frère, lui, publie beaucoup. Chaque jours, ou presque, il publie au moins quatre à cinq articles et il y en a pour tout les goûts. Parfois ce sont des articles engagés entre deux articles de plaisanterie. Ainsi, régulièrement je laissais des commentaires sur ses posts, c'était un moyen de rester en contact. Puis il y eu hier où un commentaire que je lui laissai ne le satisfit pas. J'appris à cette même occasion que ce n'était pas la première fois que cela se produisait, que chaque semaine je laissais des commentaires ouvrant grand la porte à la polémique, ce qui lui déplaisait fortement. Cette remarque, venant de lui, lui qui est le premier à créer des polémique juste pour le plaisir de jouer avec les mots, voire les idées, m'ait apparu singulièrement gonflé. A partir de là, je n'eus pas besoin de réfléchir longtemps, ce fût la goutte d'eau qui fit déborder mon vase, l'évidence était là. Ma maladie étant ce qu'elle est, mon incertitude quant à ma durée de vie étant également ce qu'elle est et à comment je veux mener ce laps de temps, font qu'il est devenu hors de question que je sente, que j'éprouve de la frustration en moi, de la contrariété, car il est des sentiments bien plus agréables à éprouver, telle que la tranquillité, une certaine forme de sérénité, l'attachement réciproque envers certaines personnes et, ce, dans les faits, non pas uniquement planqué au fond d'une cave jamais ouverte. Déjà, avant même l'apparition de mon cancer, je faisais un tri très sélectif des personnes que je côtoyais, préférant amplement rester seul qu'être en compagnie de quelqu'un qui m'indisposerait trop souvent. Mais depuis que j'ai mon cancer, que mon cerveau est atteint, car je pense que cela doit jouer fortement sur mes humeurs et, en conséquence, ce que je suis capable de supporter ou non, mon tri est devenu encore plus radical. Dit autrement, toute personne qui tente de m'empêcher de faire ce dont j'ai envie, je suis prêt à la rayer d'un trait de ma vie et, ce, le jour même. Avec mon frère, même s'il ne le sait pas, mon contentieux avec lui ne date pas d'hier à cause de toutes les raisons que j'ai cité plus haut. Donc j'ai décidé de le rayer de ma vie, vie à laquelle il n'a jamais participé dans les faits. De plus, ce n'est certainement pas son univers qui me manquera, univers auquel je n'ai, moi non plus, jamais participé. Ainsi, en prenant cette décision, je ne prendrai plus le risque d'être déçu, contrarié ou frustré par quelqu'un qui, à mes yeux, parce que nous ne partageons pas du tout les mêmes valeurs dans le domaine familiale, n'en vaut pas la peine.

Hier soir, j'étais tendu, ne sachant si je prenais ou non la bonne décision. Ce matin, maintenant que j'ai étalé une partie du fond de ma pensée, je me sens déjà nettement plus serein et, même si ce n'est pas la plus agréable des décisions à prendre, c'est pour moi la plus sage, la plus conforme à ce que je suis devenu car je ne veux plus me faire emmerder par qui que ce soit, encore moins par mes proches, car ce sont eux, toujours, qui font le plus mal lorsque, justement, ils déçoivent nos attentes, nos souhaits ou nos espoirs. Quoi qu'il en soit, dans les faits, ma rupture avec mon frère ne changera pas grand chose. Je vais simplement agir comme il le fait, c'est à dire le laisser sans nouvelle et le reste se fera tout seul, c'est à dire que nous ne nous verrons plus du tout, mais n'est-ce pas ce qui était déjà le cas, là encore, depuis bien des années.

Une personne en moins dans sa vie, qui que ce soit, le temps du deuil passé, car toute disparition se digère tôt ou tard, c'est également un poids en moins à porter sur ses épaules ou dans son cœur. Oui, les joies et peines de cette dernière n'auront plus d'influence directe sur les nôtres, les problèmes qu'elle pouvait nous occasionner, quelque soit la nature des obstacles, n'existent plus, et peu importe que la personne en question soit vivante ou morte, la seule difficulté étant de faire le deuil. La précarité de la vie étant ce qu'elle est dans mon regard, la futilité de tout ce que nous y vivons étant manifeste dans ma pensée, oui, il serait bien trop sot que je m'attarde encore sur le désagréable, peut importe ce qui le crée, être ou événement, et j'ai pris mon parti d'ignorer, de mettre de côté, de jeter à la poubelle tout ce qui s'y rapporte. Égoïsme poussé à son extrême ? Non seulement je ne m'en cache pas, mais je l'assume. Pour autant, égoïste ne veut pas dire égocentrique, ce que je ne suis pas vraiment. Oui, j'accepte d'ouvrir la porte de mon monde, j'accepte et sais que ce dernier n'est pas le nombril du monde, que ce que je crois ou pense n'est pas vérité et que je peux vivre en bonne entente avec toute personne étant sur cette même longueur d'onde. Néanmoins, même si elles sont plus le fruit d'un conditionnement dont je n'ai pas jugé utile de me défaire auparavant, avant mon cancer, il y a des valeurs auxquelles je tiens encore, qui ont une signification pour moi, comme la notion de famille et, même si je peux intellectuellement le comprendre, j'ai bien du mal à accepter qu'au sein d'une famille certains membres ignorent complètement les autres membres, à plus forte raison lorsque ces dits-membres étaient épauler lorsqu'ils en avaient besoin. Mais bon, contrairement à hier, mon souci n'est plus de refaire le monde ni les êtres. De même, il ne m'intéresse plus du tout d'argumenter comme je le faisais jadis pour convaincre qui que ce soit du bien-fondé de mon point de vue. Oui, avec mon cancer comme seule perspective intangible, immuable, et donc ma mort dans son dessein, j'estime ne plus avoir d'explication à donner, à fournir, sur ce que je crois ou non, fais ou pas. Lorsque je le fais, c'est uniquement dans le but de garder une relation, espérant que l'autre me comprenant il pourra plus facilement accepter l'être que je suis devenu, l'être que je deviens.

2 commentaires:

  1. J'ai eu peur que vous ayez rompu avec Cynthia; je comprends votre ressenti, le ressentant moi-même, nous n'avons plus de temps à perdre avec l'inutile, on en reparlera plus tard
    Gros bisous et bon WE
    Mamy

    RépondreSupprimer
  2. Bonsoir Mamy, non il ne s'agissait pas de Cynthia, car elle me supporte encore et, de mon côté, je n'ai pas encore complètement le sentiment d'être uniquement un boulet à ses pieds. Mais sinon, c'est bien de ce dont vous m'entretenez, ne plus perdre son temps avec l'inutile, fût-ce mon propre frère, dont il s'agit. Ainsi va la vie, ce n'est pas un drame, je ne le sais que trop bien à présent, et quitte à puiser en moi des forces pour m'attarder sur des gens, alors il faut qu'il en vaille la peine, au moins dans mon esprit.

    A très bientôt.

    RépondreSupprimer