jeudi 9 juillet 2015

Instinct de survie

9 juillet 2015


Seul dans le mouvement de ma pensée qui ne me dis pas où aller, où me diriger, n'ayant plus aucun sens à définir, tant à la vie qu'à la mort, c'est donc cancer que je pense, cancer que je suis, même si pas seulement, selon les plus optimistes, celles qui veulent croire, espérer, par peur d'être débordée par leur désespoir, leur chagrin à venir, irrémédiable, mais qu'elles surmonteront forcément. Oui, je dis elles, car dans ma famille, moi mis à part, il n'y a qu'un seul autre homme, mon frère. Peut-être est-ce lui d'ailleurs qui se remettra le plus difficilement de ma mort, mais je n'y crois pas trop, il connaît trop la précarité des choses.

Ce soir, c'est donc en vain que je recherche je ne sais quoi, en vain car je ne sais ce qui me maintient encore vivant, ne sais ce qui fait que je n'accélère pas le processus. Alors j'en arrive à l'instinct de survie comme seule explication, un instinct qui nous dépasse, qui explique que nous soyons capables de nous résigner au-delà du possible, d'accepter l'inacceptable, telles les conditions de vie dans les camps de concentration, telles les conditions de travail dans la majorité des entreprises d'aujourd'hui, avec leur harcèlement moral et leur course au rendement. Oh que oui, je ne regretterai pas notre monde, oh que oui je suis quelque part content d'avoir ce cancer qui, normalement, abrégera mes années.

Aujourd'hui j'ai beaucoup fumé, je ne sais pas pourquoi, et honnêtement je m'en fou presque totalement. Je dis presque, parce que malgré ce qu'elle peut en penser, je pense à Cynthia, bien plus qu'à ma fille dans cette histoire, et je sais que cela lui fait de la peine quand je fume. Une fois de plus dans ma vie, je ne suis pas à la hauteur.

Tout à l'heure, j'ai passé plus d'une heure à lire de la poésie. J'avais complètement oublié ce langage, il a fallu que je m'y familiarise à nouveau. Mais quel plaisir au final, un plaisir qui me confirme dans mon idée originelle, qu'elle est le seul langage capable d'exprimer l'inexprimable, de nommer l'innommable, de faire ressentir le sentiment au lecteur, l'émotion, la douleur ou la joie, la tristesse ou la mélancolie. Oui, il est dommage que je ne puisse plus écrire de la sorte, que j'écrive à présent comme une vulgaire caisse enregistreuse qui n'arrive plus à donner de relief à ce qu'elle emmagasine.

Demain est un autre jour. Je ne sais pourquoi, mais cette formule toute faite est sortie comme ça de ma tête. Un autre jour... Que penser de cela dans mon cas ? Un autre jour pour quoi ? Dans quelle utilité ? Et oui, le cancer, ma maladie chérie, ne me quitte pas, et tout passe par son prisme dans mon esprit et dans mes actes désormais. Oui, c'est devenue ma maladie chérie. Au début je l'avais en horreur, et c'est peu de le dire. Mais jour après jour, constatant que je ne pouvais lui échapper, j'ai alors commencer à essayer de faire la paix avec elle. Maintenant, près de deux après sa manifestation officielle, j’apprends à l'apprécier, à ma plus grande surprise il est vrai, puisque je n'ai jamais recherché cela. Ainsi, bizarrement, de m'apprécier avec cette maladie fait que chaque jour je suis un peu plus content de moi-même. Oui, je ne me lamente vraiment plus sur mon sort, cette époque est complètement révolue, je le sais et le sens bien. Parfois je m’ennuie, c'est vrai, d'autres fois j'ai des changements d'humeurs qui m'exaspère et, directement ou indirectement, mon cancer en est la cause. Cependant je ne lui en veux pas, pas plus que je n'en veux à mes yeux de voir ce qu'ils voient. Tout ça c'est moi désormais, que cela plaise ou déplaise à moi-même ou à autrui, et on ne peut aller contre cette machine une fois qu'elle est lancée. Nous n'avons d'autre choix que de nous adapter, tant que nous le pouvons, pour le meilleur et pour le pire. C'est un mariage avec moi-même auquel seule ma mort mettra un terme.

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