mardi 7 juillet 2015

Séance de radiothérapie

7 juillet 2015


Il fait bon re-goûter le goût du tabac, de mes cigarillos. Oui, je viens de m'en racheter une boite après plus d'un mois d'abstinence. Je sort à l'instant de l'hôpital. Ma séance de radiothérapie a duré une bonne heure, une heure sans bouger pendant laquelle le robot, le Cyberknife bombardait ma métastase de rayons X. Cette heure fut bien longue, je la crû interminable. Vers 18h00 j'étais enfin dehors  et, au lieu de me précipiter vers le métro, je me suis assis sur l'un des banc de l'hôpital, restant ainsi une bonne heure à contempler le ciel, ses nuages blancs, à écouter le calme, le silence. Cette séance est une bonne chose de faite, mais je ne comprends pas bien dans quel état elle me met. Déjà elle m'a donné envie de fumer, ne me donne pas envie de rentrer chez moi et me donne l'envie, comme un besoin, de me sentir encore plus seul, détaché de tout le monde, sans exception.

Cynthia qui est à Belfort a commencé à visiter les appartements. En l'état, un seul lui a plu. Demain elle en a encore quelques uns à visiter, puis elle fera son choix. De penser à tout ça, de l'imaginer dans l'action, de la visualiser, tout cela me fatigue et, en conséquence, je n'ai pas envie d'y penser. Oui, je suis dans ma séance de radiothérapie et ne sais quoi en penser. Certes, j'éprouve comme un soulagement, non que je crois en sa sure efficacité, mais c'est une chose de moins à faire. A présent, avant mon départ définitif pour Belfort, je dois programmer des rendez-vous avec mon pneumologue et mon radiothérapeute, histoire de faire le point, et je dois récupérer l'intégralité de mes dossiers médicaux auprès de leurs services afin de les remettre aux médecins qui me suivront à Besançon ou Lyon. Oui, je n'ai pas encore définitivement arrêté mon choix pour la suite de ma prise en charge. Tout cela est une question de distance et de coût.

Là, de suite, je me sens comme dans un temps d'arrêt. Cela me rappelle, me replonge dans l'état où j'étais il y a deux mois, lorsque je prenais deux fois plus de cortisone qu'aujourd'hui. Oui, tout mouvement me semblait irréel, la vie  me semblait irréelle, tel une immense farce, pas forcément déplaisante, mais à ne pas prendre au sérieux, elle n'en vaut pas la peine, vraiment pas la peine. Reste les individus, du moins certains, et peut-être qu'eux sont à prendre au sérieux. Mais jusqu'à quel point ? Où le bien-fondé de ce principe si ce n'est les sentiments qui nous lient à eux et uniquement cela ?

La température sur Rennes est enfin redevenu raisonnable. Toute la matinée il a plut et, en conséquence, aucune chaleur torride cet après-midi. Pour tout vous dire, j'ai même ressorti mon manteau. J'ai eu ma fille au téléphone qui est parti hier en vacance avec sa mère. Actuellement elles sont en Corrèze, chez des amis du copain de sa mère. Ma fille s'y ennui, mais cela ne m'étonne guère. Elle n'est pas à un âge où l'on apprécie de rester assise autour d'une table, d'un verre, et de papoter de tout et de rien. Elle m'a dit que pendant le mois de juillet, ils monteront à Paris. Elle en profitera pour voir sa famille paternelle.

Je repense à ma radiothérapie, à mon cerveau, mes neurones, mes métastases dont l'autre nom est tumeurs secondaires. Que de jargon que celui qui est médical, mais nous n'avons pas d'autre choix que de nous familiariser avec ce dernier si l'on veut tenter de comprendre ce que nous explique le corps médical. Après ma séance j'ai donc rencontrer un radiothérapeute. Il a ajusté mon ordonnance afin que je poursuive la baisse de la cortisone. Lui aussi m'a fait comprendre que j'en prenais depuis trop longtemps, sous-entendant clairement qu'il serait bon que je puisse l'arrêter définitivement. Tout cela dépendra de demain, de l'avenir, des œdèmes qui se développerons ou non dans ma boite crânienne en réaction à la radiothérapie ou à l'apparition d'autres tumeurs cérébrales. Déjà, malgré moi, je pense à la prochaine séance. Oui, j'attends sans impatience la cinquième métastase qui fera son apparition. Si le rythme est toujours le même, elle devrait se manifester dans trois à six mois, c'est leur fréquence depuis deux ans. Effectivement, pourquoi tout s'arrêterait-il brusquement, brutalement ? Quoi qu'il en soit, avec ma séance de ce jour, on me donne encore un peu de temps de vie, c'est indéniable. Mais combien de temps, là est l'inconnu.

Ah, le cancer ! Aurais-je crû être personnellement concerné par cette maladie dont, comme tout le monde, je ne connaissais même pas les grandes lignes, sinon sa fatalité, la mort qu'elle promettait à ceux et celles qui en étaient atteints ? Oui, dans toutes mes projections, ce n'est pas avec cette maladie que je me voyais vivre un jour. J'envisageai de graves problèmes à cause du cholestérol, vu que je mangeai n'importe quoi, n'importe quand, et essentiellement des aliments gras, dont la charcuterie évidement. D'autres fois je m'imaginais victime d'un accident de voiture, devenant alors invalide, définitivement, ne pouvant plus marcher, me déplaçant en fauteuil roulant. D'autres fois encore, je m'imaginais chopper je ne sais quoi au cerveau, tel Alzheimer, Parkinson, ou toute autre maladie cérébrale dégénérative. Je me voyais ne plus reconnaître mes proches, ne plus me souvenir de mon passé, d'être comme un errant se promenant dans le parc de je ne sais quel hospice, marchant sans but, sans objectif, sans raison si ce n'est d'avancer plutôt que de rester inerte.

Demain, comme aujourd'hui, sera un autre jour sans Cynthia. Mais je m'aperçois que je le vis bien, oui, bien mieux que d'habitude. J'ai dû prendre le pied d'être souvent seul, de même que j'ai pris le pli que pendant les vacances scolaires nous n'étions pas ensemble. Elle, ce qui est évidement compréhensible, descend à Lyon pour voir sa famille. De mon côté, ou je monte à Paris et y fait venir ma fille, ou je reste seul à la maison. Lorsque nous serons installés à Belfort, ce sera la même chose, à peu de chose près. Cependant, c'est une façon de vivre qui me convient bien. Oui, comme j'aime me retrouver souvent seul avec moi-même, loin de tous et de toutes, histoire de m'enfermer pour quelque temps dans ma bulle, comme je le faisais jadis lorsque je composais des morceaux de musique, j'apprécie ce style de vie. Qu'en est-il pour Cynthia ? Mystère.

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