dimanche 5 juillet 2015

Dimanche calme

5 juillet 2015


Dimanche calme, température printanière, loin semble la chaleur estivale que je ne supporte pas, aujourd'hui je suis au ralenti, non assommé, mais comme un peu endormi. Depuis ce matin, j'ai baissé la dose de cortisone que je prend chaque jour. Comme les fois précédentes, j'en suis presque certain, cela va jouer sur mon humeur. Mais dans quel sens ? Je ne le saurai que dans deux ou trois jours, comme les fois précédentes. J'attends également avec un peu d'impatience mardi prochain, ma séance de radiothérapie, ce sera une bonne chose de faite. Là aussi, comme les fois précédentes, il y aura certainement des effets secondaires. Lesquels ? De même, va-t-on modifier mon traitement médical suite à cette séance, rencontrerai-je un radiothérapeute ? Je n'en sais rien, car je ne me souviens plus de comment cela s'est passé la dernière fois. Oui, je ne peux plus compter sur ma mémoire, j'oublie presque tout, y compris de regarder chaque jour mon agenda où je consigne ce que je dois pourtant faire, mes rendez-vous, etc.

Depuis que nous avons été au mont Saint-Michel, j'ai passé presque toutes mes journées avec Cynthia, aujourd'hui y compris. Cela me fait du bien et, en même temps, m’apparaît étrange. Oui, jusqu'à présent, parce qu'elle travaillait, je passais la majorité de mon temps seul. Je m'étais installé dans un rythme, avais pris des habitudes, dont celle de me retrouver seul avec moi-même, face à moi-même, et là, du jour au lendemain ou presque, j'ai Cynthia face à moi. Cela change tout dans ma façon de me vivre. Ce n'est ni plus désagréable ou agréable qu'auparavant, c'est autre chose, complètement autre chose.

Je suis donc place Sainte-Anne, bientôt il sera 20h00, et demain Cynthia prendra le train, direction Belfort, et sera donc absente toute la semaine. Là encore, cela me fera bizarre, je le sais à l'avance, de me retrouver seul dans notre appartement, de ne plus la croiser chaque jour et de devoir m'occuper de notre chatte, une tâche qui n'est vraiment pas ma tasse de thé. Comme d'habitude, je suis installé à une terrasse de café et, régulièrement, je contemple les gens qui passent sous mes yeux. Cela me détend, m’occupe l'esprit, même si je ne m'attarde sur personne en particulier, car c'est essentiellement le mouvement que je regarde, dont je m'imprègne, mouvement de vie, d'action, d'élans. Je pense donc à demain, à la semaine à venir, à l'absence de Cynthia, et cela me laisse quelque peu dubitatif, ne sachant véritablement si cela me rend morose ou non. Simplement, j'éprouve déjà le vide à venir, le manque de sa présence, l'absence de son mouvement dans notre foyer, et l'impatience du retour. Est-ce cela aimer quelqu'un, tenir à quelqu'un ? En tout cas, cela en fait partie, c'est certain.

Je ne sais pas pourquoi, mais en ce moment je pense beaucoup à ma mère, ce qui n'est vraiment pas dans mon habitude. Je l'ai appelé cette semaine et la rappellerai la semaine prochaine, mais si je m'écoutais, je lui téléphonerai chaque jour en ce moment. Cependant, n'ayant rien à lui dire, je ne le fais pas. Peut-être ais-je simplement besoin d'entendre sa voix, comme si cette dernière me rassurerait, mais de quoi, sur quoi ? Du coup je me sens comme redevenir un enfant, le sien, un enfant qui ne sais plus trop comment se prendre en main, car chaque semaine je change en ce moment. Oui, mon humeur, mon état d'esprit varie d'une semaine à l'autre et, ce, depuis que j'ai commencé à baisser mes doses de cortisone, voici plus d'un mois. Ainsi, je découvre à chaque fois quelqu'un de nouveau, quelqu'un que je ne connais pas, que je découvre, et à peine ai-je le temps de prendre quelques repères avec cet être neuf que je deviens que, déjà, un nouveau personnage fait son apparition, avec d'autres humeurs, d'autres centres d'intérêts, un autre état d'esprit. On va dire que je n'arrive plus à me suivre, ou alors avec grand mal, et que si l'on me demandait qui je suis aujourd'hui, je ne saurai répondre précisément.

Je pense également souvent à Lila, Lila dont j'ai peu de nouvelle actuellement. Comme j'ai peur de la déranger, je ne la sollicite pas trop, car je me dis qu'elle doit être trop accaparée, par ses enfants d'abord, et, peut-être, par les effets secondaires de son cancer, de ses traitements. De même, car elle habite Bordeaux, la chaleur qui doit y régner la fatigue peut-être. Cependant je lui laisserai un mot sur sa page facebook, histoire de lui signifier que je ne l'oublie pas, espérant que tout se passe au  mieux pour elle et sa famille.

Je pense également à Virginie avec qui je noue un type de relation à laquelle je ne m'attendais pas. Tout se passe par mail, c'est ainsi que nous échangeons, et c'est une nouvelle forme de communication que je découvre. Effectivement, je connaissais les dialogues via les blogs, les forums, les tcha't, Messenger ou autre outil similaire, mais jamais je n'avais correspondu de manière régulière avec quelqu'un via des mails. D'un côté c'est pratique, c'est véritablement pouvoir prendre le temps d'écrire une lettre, une vraie lettre, comme dans le temps, à l'époque où cela se faisait sur papier avec enveloppe. D'un autre côté, à cause de l'aspect austère de ma boite mail, il manque le charme de l'écriture sur papier. De même, ne sachant pas du tout à quoi ressemble physiquement Virginie, cela me fait drôle d'échanger si profondément. Oui, nous ne sommes pas dans le superficielle, quelque soit le sujet, qu'il s'agisse du cancer, de son compagnon, d'elle ou de moi-même. Je me surprend même à lui dire des choses dont je n'ai jamais parlé à mon meilleur ami.

Donc voilà, je découvre un nouveau mode de communication, ne sais quoi en penser exactement, et verrai bien où cela mène. Cependant, même si nous échangeons régulièrement, je ne crois pas être d'une grande utilité pour Virginie. Certes, elle me demande mon avis sur certaines choses, mais je pense que ses décisions sont déjà prises, ses opinions déjà construites, quelque soit le thème abordé. Enfin, dans mon regard, elle appartient à l'autre monde, celui de Cynthia entre autre, celui des gens sains, bien portant, valides, pouvant faire des projets sur du long terme parce qu'ils peuvent se projeter loin dans l'espace-temps. En cela, nous ne sommes pas du tout sur la même planète, c'est clair, et il n'est pas toujours simple pour moi de me remettre dans la peau de celui que j'étais avant ma maladie, lorsque je leur ressemblais, habitais la même terre, histoire de parvenir à me mettre à leur place le plus objectivement possible, afin d'essayer de bien les comprendre.

Oui, depuis que j'ai changé de planète, de stratosphère, j'ai bien du mal à me mettre à la place des autres. Plus le temps passe et plus j'oublie ce qu'est éprouver une attente, avoir un espoir, faire des projets, être volontaire, vouloir concrétiser ou bâtir des choses, qu'il s'agisse de nouer des relations ou d'aborder les aspects plus matériels de la vie. Oui, même l'idée de nouer une nouvelle relation ne me vient même plus à l'esprit, me semble inconsistante, sans fondement solide. Ainsi, pour l'instant, je me limite uniquement à des relations virtuelles, relations qui ne nécessitent pas un véritable engagement de ma part, qui n'imposent pas de véritables efforts ou contraintes. Oui, c'est l'avantage du virtuel, le seul peut-être, celui d'être présent uniquement lorsque l'on en a envie, lorsqu'on le peut, sans avoir à justifier de quoi que ce soit envers qui que ce soit.

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