mardi 10 février 2015

Constat

Il est sept heure et déjà Paris s'activent. Les voitures ne cessent de défiler, tournant autour du rond point de la Porte de Saint-Cloud, et elles sont de plus en plus nombreuses, le bruit de leur moteur agressant mes tympans. De même, les piétons sortent en masse afin de prendre les transports en communs, comme si c'était une course, à celui qui marcherai le plus vite. Depuis huit ans que j'ai quitté la capitale, j'ai perdu l'habitude de son bruit et de son mouvement continu, quelque soit l'heure de la journée ou de la soirée. Donc j'ai hâte de reprendre le train en fin de semaine pour rejoindre ma Bretagne nettement plus paisible et calme.

Ma fille est donc arrivé hier et,ce que je craignais, se produit. Effectivement je n'ai rien à lui dire, n'éprouve même pas l'envie de dialoguer avec elle tant elle me paraît une étrangère, quelqu'un que je ne connais absolument pas ou si peu que je ne sais comment l'aborder. Elle me parle, certes, mais je n'ai rien à lui répondre. Elle me conte ses amitiés et ses déboires à l'école, nome des prénoms, tout un monde étranger  à ma personne. Je pensais lui parler de ma maladie, lui en expliquer le fonctionnement, lui apprendre ainsi comment les cellules saines ou non se reproduisaient, bref lui donner un petit cours de biologie. Mais même de cela je n'en ai plus l'envie tant, je le crois, ce n'est pas ce qui l'intéresse. Elle, ce qu'elle désire, c'est allez sur les Champs-Élysées, y dépenser son argent de poche, voir sa cousine, sortir avec elle, bref toute activité qui sont de son âge mais plus du mien. De même, physiquement, elle a bien changé en six mois. Elle a encore grandi et se dessine déjà sur son visage des traits plus matures, moins juvéniles, ce qui a pour conséquence que je la reconnais encore moins. Oui, je m'interroge sur qui est face à moi et, peut-être, la réciproque est-elle valable. Me reconnaît-elle ? Sait-elle réellement à qui elle à faire ? Sait-elle quel sujet mettre sur la table pour m'aborder, pour qu'un échange, un dialogue puisse s'instaurer ? Se pose-t-elle seulement la question tel que je me la pose ?

Aujourd'hui est un autre jour et je verrai bien comment évolue les choses, si je suis ou non plus satisfait qu'hier de notre rapport, si j'ai plus envie d'aller vers elle  ou si, tel que je le crois depuis quelques mois déjà, j'ai plus l'envie de m'en détacher tellement je me sens inutile dans ce qui est son quotidien, auprès de sa mère et de son compagnon. Oui, je l'admet, plus ça va et plus je suis dans le détachement envers les gens, qu'ils soient ou non mes proches. C'est comme si je voulais m'enfermer dans ma propre bulle, une bulle fermée, hermétique au monde extérieur, pour m'y laisser mourir tranquillement, sereinement. Il y a quelques années j'avais écrit que je finirai seul,  à l'abri des regards, des attentes et désirs d'autrui envers moi ou pour moi. Oui, ils sont un fardeau, tout du moins en ce moment où je n'ai aucune idée claire sur mon avenir, sur le temps restant ou non, sur la progression de mon cancer, sur la possibilité que je retravaille ou pas un jour car, en cas d'impossibilité, à quoi vais-je passer mes journées ? Accepterais-je longtemps d'être dépendant matériellement de ma compagne ? Quelles contreparties ais-je à lui donner, aurais-je à lui tendre ? Dans mon esprit c'est un épineux problème...


(10 février 2015)

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