mercredi 11 février 2015

Absence

Ma compagne, celle que je ne vois plus depuis que je suis à Paris, que je n'entends que deux ou trois fois par jour au téléphone, elle disparaît. Me dire qu'aujourd'hui encore je ne la verrai pas de la journée me semble étrange, presque un non-sens, car je veux ma place auprès d'elle et, ce, chaque jours. C'est comme un besoin vital, l'oxygène, et la distance crée l’essoufflement. Ce sera ainsi pendant une dizaine de jours encore et, une semaine après nos retrouvailles, nous reprendront nos habitudes quotidiennes, ne nous rendons parfois même plus compte que nous sommes l'un et l'autre dans la même pièce. Mais peu importe ces habitudes, elles me conviennent, participant de mon équilibre mental et social.

Depuis que je suis à Paris, je ne cesse de rencontrer du monde, famille, amis, jamais je ne suis véritablement seul tel que cela peut m'arriver à Rennes. Du coup, ici, je me sens vivant d'une manière bien différente. C'est comme si j'étais pris dans le mouvement parisien, déjà, où le soir venu on ne se rappelle plus du matin qui commença. Les rencontres semblent marquées par le timing, un créneau horaire bien définie que l'on ne dépassera pas, un créneau horaire dans un jour défini, prévu de longue date que l'on ne peut modifier. C'est un peu du speed dating familiale, amicale, où nous n'avons qu'un temps donné pour nous retrouver, se parler un peu et rire ensemble. Sitôt ce moment passé, chacun retourne à sa petite vie et, très vite, pris par l'engrenage parisien qui vous broie si vous n'êtes pas capable de suivre son rythme, ces instant chaleureux sont alors rapidement oubliés. Le travail des uns et des autres se chargera de l'effacer de notre mémoire, ne laissant qu'un vague souvenir si le moment en question a été d'une rare charge émotionnel. Si tel n'est pas le cas, il finira aux oubliettes de notre histoire, parmi les mil et un autres instants similaires que nous avons pu vivre

Ce matin je pense également à ma belle-mère, alitée depuis un an déjà, .n'ayant plus ni force ni muscle, dont le seul désir est de retourner chez elle, dans sa demeure, là où fut sa vie. Incapable de s'asseoir seule, de marcher, de tenir correctement ses couverts lorsqu'elle mange, c'est comme si elle se disloquait à vue d’œil. Nous avons la même maladie, mais les ravages sont totalement différents. En l'état, il ne serait être question qu'elle rentre chez elle. D'ailleurs, c'est une place dans une maison médicalisée qui lui est recherchée. Cependant, cela elle l'ignore et, encore aujourd'hui, elle se bat avec le peu d'énergie qui lui reste dans l'espoir de retrouver son domicile. Comment réagira-t-elle lorsqu'elle saura qu'elle ne retrouvera plus son foyer ? Se laissera-t-elle alors complètement abattre, tel que c'est parfois arrivé au cours de l'année écoulée ? Quoi qu'il en soit, tout cela est bien triste et me chagrine le cœur. Certes, je ne peux dire que dans le passé je l'ai vu vaillante, mais par contre je l'ai vu vivante, bel et bien en pleine vie, contrairement à ce que je constate depuis un an où, chaque jour passant, elle dépérit un petit peu plus, l'énergie de la vie semblant quitter son corps dans un rythme constant et régulier. Même si ses jours ne semblent plus en danger actuellement, elle a néanmoins l'apparence d'une mourante, non plus d'une vivante, ce qui n'en est que plus désolant.


(11 février 2015)

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