mercredi 4 février 2015

Conditionnement

4 février 2015


Ecrire, encore écrire, tenter de poser les mots des poids de mon cœur, oui, tenter uniquement, car aucun vocabulaire ne peut dire clairement ce qui s’éprouve, se ressent, que cela soit du plaisir ou de la peine. Je regrette de ne plus pouvoir écrire de poème, de n’avoir plus la force de concentration et d’attention nécessaire à cet exercice. Pourtant, je le sais mieux que personne l’inconnue, seul ce langage m’est véritablement approprié, seul ce langage me permet de m’approcher au plus près de ma vérité, celle de mon cœur encore une fois. Et toi l’inconnue, toi qui ne peut avoir de cœur car cela signifierai que nous sommes semblables, presque une même chose, peux-tu comprendre mes tourments ou mes joies ? Je pense que tu les constates, voilà tout, comme je constate les vagues se former près du rivage, ignorant néanmoins l’effet que leur procure leur envolée jusqu’à ce qu’elles s’abattent sur la plage.

Mon univers est en quatre dimension, mais celui qui m’attends, combien en possède-t-il ? Peut-être n’en a-t-il pas, peut-être est-ce par milliers qu’elles se comptent, quoi qu’il en soit il ne serait être question de néant tant, j’en suis certain, le rien n’existe pas. Même ici-bas, l’absence de matière n’est pas le rien pour autant. Certes il y a beaucoup de vide, c’est du moins ce qu’il nous semble, mais ce vide est nécessaire pour que la matière, qu’elle soit vivante ou non, puisse se mouvoir. Oui, le vide n’est pas le néant, il est une composante fondamentale de l’existence, qu’il s’agisse de la mienne ou de celle des soleils. Sans lui, aucun mouvement n’est possible et ce vide, lui-même, n’est pas du vide. Je ne sais ce qu’il contient, quelle est sa nature exacte, mais il nous colle à la peau, nous enlace de toute part, sans que nous le sentions. Oui, la nature du vide est également un profond mystère pour moi.

Lorsque nous parlons de néant, le plus souvent c’est le signal, l’affirmation de notre ignorance envers certaine chose, dont la mort évidemment, ce qu’elle est, ce qu’elle symbolise, ce vers quoi elle nous mène ou non. Employer le terme « néant », c’est avouer notre échec, celui de notre incompréhension du phénomène. Hier, nos lointains ancêtres se posait énormément de question sur la naissance, l’enfantement. Oui, il était alors assez logique de penser qu’un bébé venait du néant, tant les avancées scientifiques sur cette manifestation paraissant soudaine, hors de notre contrôle, n’étaient pas de mise en ces temps reculés. Pour autant, même si nous connaissons aujourd’hui les processus menant à l’enfantement, nous sommes encore bien ignorants sur certains points. Effectivement, qu’est-ce qui distingue deux spermatozoïdes, qu’est-ce qui fait que l’un d’eux pourra pénétrer l’ovule et pas l’autre ? Est-ce l’ovule qui en décide ainsi ou est-ce dû à la seule énergie du spermatozoïde ? De même, nous ne savons pas plus pourquoi le fœtus prendra tel ou tel sexe, aussi grande soit notre compréhension de l’ADN et des notions rudimentaires que nous avons sur son fonctionnement. L’ADN lui-même est un mystère. Il est au contrôle, aux manettes de notre devenir et de notre être une fois sortie du ventre de nos mères. Ainsi, si j’ai une conscience, des états d’âmes, des peines et des joies, c’est parce quelque part il est derrière, aux commandes, me permettant, m’obligeant à éprouver, à penser, à réfléchir, à agir. Oui, une fois encore je me demande qui est le réel maitre de ma personne, moi qui me crois libre dans mes choix, que ces derniers soient d’ordre intellectuel ou non, ou lui et tout ce qu’il produit comme cellules spécialisées. De même, si nous pensons avoir percé le secret de la vie à travers la découverte de l’ADN, je pense pour ma part que nous n’avons rien trouvé d’essentiel quant au mystère de sa présence, de l’utilité de son existence, car comme nous il aura une fin, une mort. Oui, l’univers produit plein de chose, la vie y compris, mais pourquoi, à quelle fin, cela est le véritable mystère à percer. En attendant nous sommes dans le flou le plus total, élaborant des théories plus ou moins cohérentes, plus ou moins vraisemblables, mais aucune de ces dernières, y compris les thèses religieuses, ne répondent à cette question cruciale.

Dans ma dimension l’inconnue, nous ne pouvons voir les rayons X, les rayons ultraviolets, pas plus que nous pouvons voir les ondes radios, téléphoniques, etc. Se peut-il que lorsque je serai à tes côtés je pourrai les voir ? Mais cela c’est imaginer qu’après ma mort, je serai encore pourvu d’une vision,  d’une capacité de voir et, peut-être même d’entendre. Là encore je projette auprès de toi des éléments, des facultés qui sont proprement humaines, animales, et forcément je me leurre. Pourtant, je ne sais comment et par quel moyen, il me semble que je verrai des choses, mais avec une autre forme de vision, une vision qui ne me permettra plus de voir l’univers, la Terre et ses espèces vivante de la même façon. Peut-être suis-je à mil lieux de ce qui sera vraiment, mais pour l’instant c’est ce que j’imagine.

De même, plus je m’adresse à toi l’inconnue, plus je réalise que je tente d’apprendre à accepter ma mort, que je tente d’apprivoiser tous les jours qui me séparent de cet instant afin de me vivre sereinement, apaisé et, souvent, heureux. Oui, plus ça va et plus je me fou de l’évolution de ma maladie. Qu’elle progresse ne me fait plus peur, j’en ai pris mon partie. Sa progression n’est qu’un coup d’accélérateur vers mon dernier jours, dernier moment, dernier instant, car au final qu’importe que je parte un peu plus tôt ou un peu plus tard. C’est ceux et celles qui resteront qui souffriront et devront gérer leur peine, tant bien que mal, ma disparition ne pouvant alors plus être un sujet pour moi-même car une fois le corps mort, c’est ce que je crois, fini les pensées, les états d’âme, les plaisirs et les joies, toutes sortes de sentiments dont je suis fatigué de les éprouver tant ils ne me surprennent plus. Non, ne plus exister sous cette forme qui est la mienne actuellement ne sera ni une malédiction, ni une souffrance, ni un remord. De même, si regrets je dois avoir, ils ne concerneront pas mon départ d’ici-bas, mais j’éprouverai peut-être de la déception, voire la culpabilité en procurant de la peine à mes proches qui, eux, afin de ne pas souffrir du manque, préféreraient certainement que je sois en vie. Et oui l’inconnue, le manque est la pire des punitions que l’on puisse infliger à l’homme. Dès lors qu’il l’éprouve, quel que soit l’objet du manque, affectif, matériel, intellectuel, il est malheureux, forcément. Ce n’est que dans un second temps qu’il se fait une raison ou non, qu’il met en œuvre ou pas des moyens lui permettant de combler ce manque et, lorsqu’il s’agit d’un manque matériel, bien souvent il agit pour obtenir l’objet convoité, désiré, souhaité.

Oui l’inconnue, le comportement humain ne me surprend plus du tout, quel que soit le type d’acte que nous commettons, du plus horrible au plus noble, et parce qu’il n’a pour ainsi dire plus aucun mystère pour moi, je le regarde comme l’on voit les feuilles tomber d’un arbre. Tous nous recherchons la reconnaissance de l’autre et ce, à tout âge. Sans cette reconnaissance, il nous est alors très difficile d’avoir confiance en soi et, sans cet état d’esprit, nous vivons le plus souvent dans la crainte, l’appréhension, voire la peur. Tous nos actes, ou presque, surtout dans l’enfance puis l’adolescence, sont motivés par ce besoin de reconnaissance, que l’on soit homme ou femme. Le rejet, la négation de l’autre, est l’élément crucial qui permettra ou non à un individu de se considérer de manière plus ou moins positive ou négative. Oui, l’autre est notre miroir dans nos jeunes années et c’est à travers son regard que nous jugeons de nous-même, de notre médiocrité ou non, tout cela à travers le prisme de valeurs véhiculées par notre société, telle la beauté, l’esthétique, le pouvoir, la puissance, l’égalité, la fraternité, etc. A cet âge, la différence est souvent très mal acceptée et, au mieux, elle est tolérée, bien plus que curieuse à connaitre. Grandir, devenir adulte, est un véritable parcours du combattant, un parcours dont nous autres adultes plus ou moins vieux avons trop souvent oublié la difficulté. Rares sont les enfants qui manifestent plus ou moins sincèrement une véritable empathie avec leurs camarades. Ces exceptions, je le pense sincèrement, ne font que reproduire, copier les comportements de leur entourage, et doivent avoir des parents enclin à l’empathie, car force est de constater qu’en règle générale les enfants ne se ménagent pas entre eux, que ce soit verbalement ou physiquement. La majorité étant ainsi, se construisant ainsi, qui a-t-il d’étonnant à ce qu’une fois adultes ils se comportent, peu ou prou, de la même manière. Oui, même si la nature nous a donné la possibilité d’éprouver de l’empathie, ce n’est pour autant que nous développons ou mettons en avant cette faculté.

Non, dans le monde, occidental ou non, l’accent est mis sur d’autre faculté, telle l’endurance, la persévérance, la volonté, le plaisir, dans le but d’embrigader un maximum de personne afin qu’ils fassent leurs des valeurs telles que la compétition, la puissance, le pouvoir, la consommation, etc. Ainsi, parce que les places de pouvoirs sont rares, la majorité d’entre nous n’étant que les subalternes de ceux qui sont réellement aux commandes, la lutte est acharné pour les obtenir et ce, dès l’école, cette administration sélective qui élime sans remord quiconque ne pourrait suivre le rythme qu’elle impose. Oui, l’école pour tous au nom de l’égalité, égalité des chances pour chaque enfant, n’est là encore qu’une fable que nous prenons plaisir à croire. En France, l’école n’est qu’une machine à produire de la matière grise pour les entreprises de notre pays ou d’ailleurs. Nullement il n’est question du bien-être de l’enfant, de le considérer individuellement, avec ses spécificités, le rythme qui lui est propre. Venu d’en haut de la pyramide, un programme scolaire est donné à l’enseignant et ce dernier, même s’il n’en pense pas moins, n’a pas d’autre choix que de l’appliquer dans son ensemble dans un temps, l’année scolaire, qui lui est imposé. Comment s’étonner que de nombreux élèves, parce que leur rythme d’apprentissage nécessiterait plus de temps pour assimiler correctement leur programme scolaire, oui, comment s’étonner que beaucoup d’enfants soient largués et, ce, dès leurs premières années scolaire. L’éducation nationale n’est qu’un broyeur, ni plus ni moins, où il n’est nul question d’égalité des chances car seuls les meilleurs, ceux qui suivent et assimilent le rythme et le programme, sont récompensés, soit en montant en classe supérieur, soit en obtenant un diplôme, diplôme symbolisant leur capacité d’adaptation dans un rythme qui écarte tous les lents d’esprits.

Oui l’inconnue, voici comment nous agissons avec nos enfants, voici l’avenir que nous leur préparons avant même de les concevoir et, une fois parents, nous n’aurons de cesse de tout mettre en œuvre pour que nos marmots s’adaptent au rythme scolaire. Effectivement, ce n’est pas la connaissance en tant que telle, le savoir, qui prime dans cet univers-là. Le savoir, chaque individu, chacun dans son rythme, peut l’acquérir au fil du temps, cela n’est vraiment pas un problème. Mais nos entreprises, le marché boursier, attendent des personnes qui soient efficaces rapidement, tout comme l’école, afin que leur sociétés aient de haut rendement, une productivité accrue, permettant ainsi d’éventuelles bénéfices monétaires conséquents. Oui, l’école est l’antichambre de notre société de consommation et tous les acteurs qui gravitent autour d’elle, à commencer par les parents et les enseignants, participent de cet état de faits. Là où tu es l’inconnue, ces considérations doivent te sembler bien plates, voire monotone. Pour ma part, je suis triste à l’avance de laisser aux enfants d’aujourd’hui le monde qui est le nôtre, avec ses valeurs qui poussent à tout, hormis l’ouverture et la véritable tolérance envers nos semblables. Encore une fois, nous sommes les prisonniers de nos bulles individuelles, prisonniers de nos idées, de nos croyances et notre cerveau ayant sa limite, nous ne pouvons pas aller plus loin intellectuellement, nous ne pouvons nous aventurer au-delà du conditionnement dont chacun d’entre nous a été l’objet.

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