dimanche 6 septembre 2015

Improvisation...

6 septembre 2015


Septembre à Belfort
Ville de ma mort ?
C'est ce que je crois
Peut-être même ce que je veux

Mourir ?
Est-ce cela vivre ?
C'est ce que je crois
Pas forcément ce que je veux

Belfort
Les montagnes qui m'encerclent
L'horizon qui se bouche
Enfermé dans un corps
Comme le sont mes cellules
Cancéreuses ou trop saines
Cloîtrées sous ma chair
Faites elle-même d'autres cellules

Où est l'amour dans tout ça ?
Qu'est-ce que l'amour face au mal ?
Que peut l'amour contre la maladie ?
Sert-il encore d'aimer quelqu'un ?

Non, je ne regrette rien
Seulement de n'avoir pas été un père
Seule amertume
Que j'emporterai dans ma tombe

Il n'y a plus de vérité dans ma vie, chaque jour elles s'écroulent une à une. Même toi, vivant face à moi, je ne sais plus qui tu es, car tu n'es pas poussière, mais tu n'es pas plus de la consistance. Tes pensées, les miennes, ce vent insaisissable qui nous fait croire que nous sommes, que quelque chose est, consistance encore une fois, tout cela est pire qu'un leurre qui nous fait croire en l'illusion. Alors je pense au temps, verdict de l'existence, l'unique, il n'en est d'autre, c'est bien lui qui est au commande. Alors la mort, serait-ce l’absence du temps, car sans temps, nulle existence possible.

Je me prépare à ma mort, je ne sais pas comment, mais je sais que je m'y prépare. Oui, chaque jours je pense à toi l'inconnue, toi a qui je n'ai pas écrit depuis longtemps directement, depuis l'ouverture de mon blog ou presque. Je me rappelle qu'alors je voulais me familiariser avec toi, avec l'idée de ma fin, avec l'idée de ce que tu pouvais être ou ne pas être. Un beau jour, je dû penser avoir fait le tour de la question, puisque depuis je ne me suis plus adressé à toi. Alors pourquoi reviens-je vers toi aujourd'hui ? Je ne sais d'où me vient cette impression, mais je pense notre rencontre de plus en plus éminente. Je ne vivrai pas encore cinq ans, même pas deux je pense, la maladie m'aura emporté d'ici-là. C'est comme une espèce de foi, celle de celui qui reçoit la grâce de la nouvelle, mais ce n'est pas l'annonce de Dieu que je reçoit, mais celle de la fin d'un cycle. J'ai fait mon temps pour vous, dans notre ère, notre espace-temps, tout comme j'avais fait mon temps avant de naître, d'être quelque chose qui pourrirait un peu plus chaque jours, dès ma première seconde de vie et, ce, jusqu'à ma fin, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien que mon corps puisse supporter pour que je respire quelques heures de plus. Cancer ou autre, c'est la dégénérescence de notre corps qui mène à notre mort, peu importe ce qui l'a produit, peu importe l'âge. Aussi je dois accepter, un peu plus encore, que je me dégénère plus vite qu'hier et qu'il n'y aurait de raison objective pour que ce processus cesse. Je pense à ma fille qui va pleurer, ainsi qu'à tous les autres, mais tous s'en remettront, comme je me suis moi-même remis de la mort de mes proches, à commencer par celle de mon père. Oui, la vie n'attends pas de nous que nous nous larmoyons des mois et des mois. Si nous sommes l'espèce la plus dangereuse de la Terre, c'est parce qu'elle a voulu faire de nous des guerriers, des guerrières, des irréductibles, des indomptables, des conquérants, les plus redoutables des prédateurs.

Parce que génétiquement nous sommes faits pour être cela, pour aller conquérir, pour partir à la guerre, à l'origine envers le gibier, une fois nos besoins vitaux satisfaits, nourriture, boisson, protection contre les intempéries, que ce soit vêtements, huttes ou maison, nous avons donc commencer à nous sédentariser. Dans les premiers villages, vite, le taux de natalité a commencé à augmenté, la population s'est multiplié, mais que faire de nos instincts sauvages ? Parce que nous sommes stupides, cela est indéniable, nous les avons dirigé  contre nous-mêmes, contre d'autres peuplades pour nous accaparer leur terre, leur nourriture, etc. C'est pour cela que nous avons inventé toute une spiritualité, des religions, la philosophie, histoire de ne pas passer notre temps à nous donner la mort entre nous, de mettre en place des messages de paix plutôt que de guerre, etc, mais on ne peut pas refaire la nature humaine avec de belles idées. De toutes les espèces vivantes, nous sommes la plus sauvage, car la seule capable de tuer toutes les autres et de se tuer entre elle.

« En permettant l'homme, la nature a commis beaucoup plus qu'une erreur de calcul : un attentat contre elle-même. » (Cioran, « De l'inconvénient d'être né »)

Je n'aurai pas mieux dit !

« Quand chacun aura compris que la naissance est une défaite, l'existence, enfin supportable, apparaîtra comme le lendemain d'une capitulation, comme le soulagement et le repos du vaincu. » (Cioran, « De l'inconvénient d'être né »)

Effectivement, si nous étions capables de voir les choses ainsi, l'idée de même de pouvoir, de puissance, nous semblerait inéluctablement imbécile. Vu le monde que nos ancêtres et nous-mêmes avons construit, son état d'esprit, c'est dire à quel point nous le sommes.

« La maxime stoïcienne selon laquelle nous devons nous plier sans murmure,aux choses qui ne dépendent pas de nous, ne tient compte que des malheurs extérieurs, qui échappent à notre volonté. Mais ceux qui viennent de nous-mêmes, comment nous en accommoder ? Si nous sommes la source de nos maux, à qui nous en prendre ? À nous même ? Nous nous arrangeons heureusement pour oublier que nous sommes les vrais coupables, et d'ailleurs l'existence n'est tolérable que si nous renouvelons chaque jour ce mensonge et cet oubli. » (Cioran, « De l'inconvénient d'être né »)

Même si le fait de devenir malade ne dépend pas forcément de notre volonté, une fois la maladie présente, une fois que nous sommes elle et qu'elle est nous, comment nous en accommoder là, également ? A qui nous en prendre ? Bien entendu je parle du cancer comme type de maladie, pas d'un rhume qu'un autre nous a refilé. Mais quand notre corps devient défaillant, de son propre fait en plus, car les cellules cancéreuses, les tumeurs, ne nous demandent pas et ne demandent à personne la permission de se constituer, à qui nous en prendre pour alléger un peu notre fardeau, notre stupeur, notre tristesse, notre peur ou notre colère ? Personne, il n'y a personne, impossible de trouver un bouc émissaire, même Dieu ne répond pas. Comme nous sommes l'unique responsable de ce qui nous arrive, car c'est bien du fait de notre propre corps et non d'une cause extérieure que nous avons attrapé notre cancer, même si pourtant nous n'avons pas fauté, trahis ou punis ce dernier, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour oublier que nous sommes les seuls coupables. Coupable de quoi ? Uniquement d'avoir eu ce corps que nous avons, son fonctionnement et ses dysfonctionnements. Le mien n'a pas résisté au tabac. D'autres corps y résistent et ces personnes-là meurent d'une autre forme de mort, la vieillesse par exemple, tout simplement. Ainsi, chaque jour, pour essayer d'avoir encore un peu de plaisir, je renouvelle ce mensonge que je ne suis pas le seul coupable. L'industrie du tabac l'est aussi, ainsi que notre état qui permet la vente de tabac, s'en mettant plein les poches au passage, au détriment de la santé publique. Je pourrai également m'en prendre à mon père qui était un fumeur, ne me donnant ainsi pas le bon exemple. Je pourrai m'en prendre à ma mère qui, elle, était non fumeuse et n'a pas sû faire ce qu'il fallait pour que je ne fume pas. Je pourrai aussi m'en prendre à toutes les personnes non fumeuses que j'ai côtoyé dans ma vie, amis, amies, et qui ne m'ont jamais incité à m'arrêter. Bref, pour alléger mon fardeau, je n'ai que l'embarras du choix, c'est tellement plus simple de rejeter sur autrui ou une cause extérieure nos désagréments. Évidemment c'est lâche, voire presque honteux. C'est comme prendre mes cachets, anxiolytique et antidépresseur, pour fuir un peu la réalité de moi-même, me permettant non pas de m'oublier, mais de penser un peu moins ou un peu plus sereinement à ma mort à venir, ma mort proche, car mes tumeurs, comme de bonnes guerrières qu'elles sont, veulent continuer à gagner du terrain, de l'espace, vivre quoi.

2 commentaires:

  1. Bon, ça n'est pas la joie, je crois
    Nous allons tous mourir mais nous ne savons pas quand; Même si nous deux, nous, nous ne pouvons plus occulter cette échéance. Mais, en attendant, il faut vivre debout. Si vous étiez en phase finale, les médecins n'essaieraient pas de trouver des solutions à votre cancer
    Vous vous emm....Normal, Belfort n'est pas une ville qui respire la joie de vivre contrairement à Rennes ou Rouen; mais vous n'y êtes peut-être que pour un an, Cynthia pouvant demander une mutation l'année prochaine
    Je vous embrasse très fort ainsi que Cynthia
    Mamy
    Beaucoup de courage moins de médicaments qui annihile toute notre volonté


    Le temps que j'aurai,
    Mes étoiles s'éteindront pas,
    Je rallumerai des feux au fond de moi,
    Le temps que je pourrais
    Ma joie ne foutra pas le camp
    Je rêverai ma vie comme un roman

    Le temps qu'il reste à vivre
    Le moindre souffle
    Et chaque instant
    je n'en laisserai rien
    J'irai jusqu’à plus soif
    Jusqu'à plus faim
    j’irai plus loin encore
    Plus loin...

    Le temps que j'vivrai
    D'impossibles en errance
    je chercherai
    A retomber en enfance
    Le temps que j'aurai, rien ne pourra me faire prendre
    La vie comme elle est
    Pour tout ceux dont le cœur sans cendre

    le temps qu'il reste à vivre
    le moindre amour le moindre corps
    je n'en laisserai rien
    j'irais jusqu'au dégout
    jusqu'au tout au bout de la faim
    j'irais plus loin encore
    Plus loin...

    Le temps que j'aurai,
    Ne mourra pas sans combattre
    je chérirai
    Le temps qu'il reste à vivre
    Le moindre rêve
    Le moindre rire
    Je n'en laisserai rien
    J'irais a bout de fièvre
    A bout de demain

    j'irais [ plus loin encore
    Plus loin ](Bis)
















































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    1. Chère Mamy, merci encore de votre présence, car même si cela peut vous sembler étrange, je n'avais nullement l'intention d'écrire aujourd'hui, pas plus qu'hier ou les jours précédents. J'ai découvert votre mot en début d'après-midi, cela m'a fait chaud au coeur de penser et constater que vous pensiez à moi, moi cet inconnu, et petit à petit, au fur et à mesure de l'après-midi qui passait, cette seule pensée m'a requinqué. Du coup j'ai décidé d'écrire ce soir (il est 21H00), de mettre un peu à plat la semaine encours, d'arrêter de ne regarder que le ciel et les nuages, bref, d'être un peu actif.

      Vous me dites que je ne suis peut-être à Belfort que pour un an. En toute franchise, je me demande si je serai encore de ce monde dans un an, et j'ai vraiment du mal à y croire vu la tournure des évènements dans mon cerveau et l'embarras du corps médical que je constate face à cela. De même, parce que Cynthia construit son avenir et veut être sûre d'être mutée là où elle le veut, il lui faut rester au moins cinq ans dans le collège où elle exerce, afin d'accumuler le nombre de points nécessaire à la mutation qu'elle souhaitera alors. A priori, je pense que c'est vers la Bretagne qu'elle voudra retourner, mais en cinq ans il peut se passer tant de chose, qu'elle verra en temps et en heure où elle voudra vivre.

      Je ne sais ce qu'il en est pour vous ni comment cela s'est passé dans votre tête à l'époque, mais moi j'ai l'impression de franchir encore un cap. Au début, mon état d'esprit était celui qui croit son cancer guérissable et, ce, jusqu'à ce qui s'est passé à Belfort, la découverte qu'on ne pourrait me guérir. Donc auparavant je me considérai surtout comme quelqu'un de malade, uniquement cela, mais à présent je me sens comme quelqu'un de mourant à court terme, ce qui change toute la donne en profondeur. D’ailleurs, je me demande quel effet cela va me faire de voir tous mes proches à Paris ces trois prochains jours.

      "Je rêverais ma vie comme un roman" dit la chanson. Personnellement j'ai du mal à être dans le rêve. A présent chaque nuit un mauvais rêve me réveille, et peu importe sa thématique. Non, j'ai juste l'espoir de ne pas souffrir tel que c'est le cas pour ma belle-mère, c'est le seul espoir que j'entretiens encore, partir sans m'en rendre compte.

      Cependant, d'ici-là, je n'ai pas l'intention de laisser passer les instants et je fais ce que je peux, quitte à m'aider de médicaments, pour que ces instants justement, quel qu'ils soient, ne soient pas des moments infernaux. "Aller plus loin encore", j'ai l'impression d'être en plein dedans. Même si je râle, même si je me plains, même si parfois je suis triste, je me surprend à me voir combatif, à ne pas tout attendre du corps médical ou d'un service social, à me reprendre en main. Simplement ce n'est pas toujours aisé. On va dire que j'ai eu un passage à vide depuis une quinzaine de jours, ne sachant plus quoi penser de quoi, mais que petit à petit le puzzle se met en place dans ma tête.

      Encore une fois merci pour vos mots. J'espère que de votre côté cela ne va pas trop mal. Je vous embrasse.

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