mercredi 16 septembre 2015

Un mercredi

16 septembre 2015


Pas grand chose aujourd'hui. Contrairement à hier, je suis presque complètement éteint. Parce que j'ai trop mangé hier soir, à chaque heure de la nuit je me suis réveillé du fait de nausée. Vers 7H30 ces dernières sont passées et j'ai alors dormi presque d'une traite jusqu'à 13H30. Une demi-heure plus tard j'avais rendez-vous avec mon médecin généraliste pour un renouvellement d'ordonnance. Comme la fois précédente elle a pris ma tension, tension au-dessus de la moyenne. J'ai donc une prise de sang à faire pour voir de quoi il en est exactement. Je lui ai dit de ce que je pensais de la prise en charge des patients dans mon cas en Franche-Conté. Elle a reconnu que les médecins n'avaient pas les moyens de leur intentions, par faute de logistique, de manque de personnel et d'outils technologique. Je lui ai demandé à qui il fallait s'adresser, écrire, pour dénoncer cette médecine de bricolage, de pansement. Elle m'a fourni les coordonnées dont j'avais besoin et, sitôt l'esprit disponible pour cela, j'entreprendrai de faire ce courrier avec copie pour le maire de Belfort, les députés de la Franche-conté, du conseil général et pour le ministère de la santé. Oui, je suis franchement abasourdi par la manière dont on est soigné, pris en charge, selon que l'on habite telle ou telle région.

Cette indignation mise à part, je ne pense pas à grand chose en ce moment. Je suis surtout dans l'attente, celle du suivi de mon cancer, me demandant ce que les médecins vont encore trouver à me dire, ayant peur du pire, je l'avoue, mais espérant le meilleur néanmoins. Tout cela se mélange dans ma tête et dans mon cœur, me fait tanguer, voire chavirer parfois, et je vous avoue ne plus bien savoir où j'en suis en ce moment. Non, je n'ai pas de cap clair, ne sachant où je serai suivi, à Paris ou en Franche-Conté, tout dépendant de la seule volonté du professeur que je rencontrerai le 2 octobre à Paris.

De même, je ne suis plus trop dans l'existentiel en ce moment. Est-ce l'effet de l'antidépresseur ? Oui, je pense qu'il joue énormément sur mon moral actuel, mais l'un de ses effets secondaires est de m'assoupir un petit peu. J'aimerai déjà être à Paris, non pour rencontrer le professeur, mais simplement pour me changer un peu les idées, car ici, à Belfort, j'ai déjà pris mes habitudes, elles sont peu nombreuses  car il n'y a pas l’embarras du choix dans cette petite ville. Chaque jour je vais dans trois quartiers bien distincts, qui offrent chacun leur propre paysage. Cela me permet d'être dépaysé, ponctuellement, mais il est clair que c'est incomparable avec ce que j'ai pu vivre à Rennes et, à plus forte raison, à Lyon ou à Paris.

Je pense toujours à ma mort, comme à celle de ma belle-mère, mais ce n'est plus comme avant, il y a quelque chose qui a changé. Là-aussi effet de l'antidépresseur ? Quoi qu'il en soit j'ai l'impression d'en avoir moins peur, un peu comme si cela ne me concernait pas vraiment, ou plus. Dit d'une autre façon, je ne me sens plus concerné car je sais que là est mon proche destin, et si ce n'est la mort qui me prend, je sais que je serai de plus en plus handicapé, dépendant, ayant de moins en moins d'énergie. Aussi, puisque telle est ma conviction, à quoi me sert-il de m'attarder sur le « quand » de ma mort ? Ce jour-là arrivera bien assez tôt, en temps et en heure. Parfois je regarde les informations, histoire de savoir à quoi les médias intéressent les gens. En ce moment je constate que le sujet est le sort des migrants. J'écoute et vois tout cela avec un grand détachement, constate une fois de plus l’égoïsme humain, l'ineptie que sont les guerres, peu importe au nom de quoi lorsque l'on sait que c'est l'argent, le pétrole, le gaz, les ventes d'armes qui sont le nœud de tout ça. Oui, là-aussi je n'arrive plus à me sentir concerné, alors que la majorité de ces migrants font comme moi, ils tentent de sauver leur peau, ils veulent vivre autre chose que des cauchemars. Quoi qu'il en soit, tant que le problème syrien, irakien et libyen ne seront pas résolus, la guerre et le terrorisme ont de beaux jours devant eux, de très beaux jours. Nous, occidentaux, de part et d'autre de l'atlantique, avons foutu un beau bordel là-bas et, à mes yeux, il est clair que nous ne pourrons pas réparer les dégâts que nous avons engendré.

Là, je repense à ma maladie, le cancer, je visualise mon cerveau, ses nécroses et radionécroses, les trous que ces dernières laissent entre mes neurones. Oui, je visualise ma diminution psychique, mentale, intellectuelle et motrice, ces zones du cerveau perdues à jamais car, contrairement à ce qui se passe dans un jardin, les plantes n'y repoussent pas. Comme chacun, j'avais un stock de neurones, de connexions synaptiques, et une partie est foutu en l'air à présent. Depuis que j'ai vu les trois radiothérapeutes être dans l'embarras face à mon cas, comme s'ils ne savaient plus qui faire, je me sis remis à fumer comme un pompier, bêtement, sottement, comme si je n'avais jamais arrêté. En l'état, je ne me sens pas la volonté ni le courage de remédier à cela, de reprendre uniquement la cigarette électronique.

Je pense également à vous Mamy, tous les jours d'ailleurs, me demandant sans cesse dans quel état de santé vous êtes exactement. Vous n'en parlez pas, ou alors de très loin, si loin que l'on ne peut se faire une idée exacte de la situation. Bien entendu je respecte ce choix, celui de la discrétion. De même je pense chaque jours à Lila et, pareil, ayant rarement de ses nouvelles, parfois je m'inquiète en me disant qu'il y a des complications, et d'autres fois je me dis que sa discrétion est synonyme qu'elle va bien, qu'elle profite du moment présent, souhaitant éprouver un maximum de plaisir, plaisir que ne peuvent apporter mes écrits. Enfin il y a Virginie qui, comme Cynthia, est directement concernée par le cancer, même si elles ne portent en elles la maladie. Avec elle  j'ai de la chance, car elle me permet de l'appeler et, d'être écouté par quelqu'un d'étranger à votre monde quotidien, est comme un peu de fardeau en moins sur les épaules, c'est se délester, égoïstement, de manière égocentrique, sur l'autre. Bien souvent j'ai envie de dire des choses, mais n'ayant pas la force, l'énergie pour les écrire, il m'est salutaire de pouvoir au moins le verbaliser, chose possible avec Virginie.

Je pense aussi souvent à mon frère et, même si j'ai enterré ma hache de guerre à son encontre, que parfois j'ai envie de l'appeler, je ne le fais pas. Oui, j'estime que s'il veut avoir de mes nouvelles, c'est à lui de faire cette démarche, plus à moi. Quant à sa vie, son quotidien, tant qu'il n'est pas en danger, elle ne m'intéresse plus car je ne l'imagine que trop bien. Du coup, sous cet aspect-là, je n'ai là-aussi aucune raison de l'appeler.

Entre mon rendez-vous à Paris début octobre et les vacances de ma fille entre le 17 et le 30 octobre, je passerai donc tous ce mois, au minimum, là-bas, que j'y sois suivi médicalement ou non. Ce sera un mois sans voir Cynthia. Je me demande ce que cela va nous faire.

2 commentaires:

  1. quel belle hymne à l'amour pour Cynthia
    Mamy

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    1. Pas assez représentatif de ce que j'éprouve...
      Et vous, comment allez-vous?

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