vendredi 18 septembre 2015

Du cancer à la poésie

18 septembre 2015


Belote, rebelote, nouvelle donne, les cartes sont rebattues, les joueurs ne savent plus où ils en sont. A Paris, ceux qui ont examiné mon Spectro IRM, mes tumeurs, penchaient en faveur de radionécroses, c'est à dire de tumeurs non cancéreuses qui, même si elles grossissaient encore, en étaient à leur fin, dans leurs derniers instants, dernières semaines ou derniers mois. Ce matin l'oncologue a pris acte de ces conclusions, a demandé à une neurologue son point de vue quant à ces radionécroses, et l'activité étant importante dans la plus grosse de mes tumeurs, elle ne pense que ce soit une radionécrose, mais bel et bien ma tumeur cancéreuse qui grossit, tuant en se faisant les tissus sains qui sont autour d'elle, ce qui expliquerai qu'elle est grossi autant. Mon oncologue est du même avis, elle pense que mes deux tumeurs, surtout la première, sont toujours cancéreuse, mais du fait qu'il y ait des nécroses autour, c'est également un signe que ces tumeurs ont été réactives à la radiothérapie, et il se peut très bien que ce soit des radionécroses dont le noyau serait encore cancéreux, produisant donc encore des cellules cancéreuses au sein de la tumeur, mais ces tumeurs ne pourraient donner naissance à de nouvelles métastases,  à de nouvelles tumeurs. Ca, c'est le seul point positif que j'ai retenu de notre entretien. Lundi prochain, elle a demandé à ce que je la revois avec mon radiothérapeute, radiothérapeute qui sera rentré de vacance, mais en l'état elle ne voit aucun traitement qui serai efficace pour enrayer la machine, hormis la chimiothérapie classique, en intra-veineuse, mais je l'ai entendu dans son ton, ce serait presque en désespoir de cause. Je lui ai dit que je voulais être suivi à Paris et que je n'entreprendrai aucun traitement tant que je n'aurai pas vu le professeur en charge du service de radiothérapie à Paris. A ma grande surprise, elle-même m'a conseillé d'être suivi là-bas. Ainsi, j'attends lundi à présent pour voir ce qui se dira, le diagnostique et les propositions de traitements qu'ils me proposeront, et c'est avec ce bagage que je m'entretiendrai avec le professeur à Paris. Comme l'oncologue me l'a dit, mon cas n'est pas simple et les solutions guère nombreuses.

Plus ça va et plus j'ai l'impression de me détacher de l'état de ma santé, car malgré les nouvelles peu réjouissantes de ce matin, que je sois sujet à des radionécroses ou non, à des tumeurs cancéreuses qui peuvent encore grossir même si elles ne peuvent plus se reproduire, non, tout cela ne me fait ni chaud ni froid. Je prends les choses telles qu'elles viennent et, contrairement au passé, je ne m'alarme plus outre mesure, voire ne m'alarme plus du tout, acceptant mon sort comme il se présente, comme si j'étais prêt à mourir dans un mois ou deux, préparé à cela et, même, doublement préparé à cela depuis que j'ai la conviction que ma belle-mère n'en a plus pour très longtemps. Dans un sens, elle est un exemple de la façon de mourir d'un cancer et je m'identifie à elle, même si je sais que ne mourrai pas de la même façon. Depuis quelque jours elle a encore eu des complications avec son cancer. On l'a mis sous oxygène parce qu'elle avait beaucoup de mal à respirer et, après examen, les médecins se sont aperçus que de l'eau entrait dans ses poumons, ceci expliquant cela. Alors aujourd'hui on lui a installé un drain pour pomper toute cette eau qui, en l'état, n'est pas source de vie, mais source de mort par étouffement si rien n'avait été fait. Ma belle-mère a parfaitement compris qu'elle ne renterai plus jamais chez elle, c'est ce qu'elle a confié à mon beau-père, cet homme qui se donne complètement à fond pour elle depuis près de deux ans. De cela je suis désolé, car cela veut dire qu'elle s'est résignée à accepter sa mort à court terme ou moyen terme, alors qu'il y a encore mois elle me disait sa volonté de se battre jusqu'au bout pour vivre le plus longtemps possible. Tôt ou tard, mon parcours sera similaire au sien. Moi aussi je serai obligé d'être hospitalisé et de finir mes jours dans je ne sais quel service, peut-être celui des soins palliatifs, jusqu'à ce que l'on me débranche pour de bon.

Oui, il n'est pas pareil de savoir que l'on va mourir un jour, quelque soit l'âge auquel on y pense, et éprouver, ressentir en soi que le moment est proche, que nous vivons véritablement nos derniers instants, nos derniers mois. C'est plus qu'une conviction intime, c'est vraiment l'éprouver dans tout son corps, dans sa chair, dans sa pensée. Peut-être que les personnes très âgées, malades ou non, se vivent ainsi également. Elles savent que le gros de leur vie est derrière elles, qu'elles sont dans leurs dernières années. Mon tempérament, mon caractère étant ce qu'il est aujourd'hui, je vis tout cela de plus en plus passivement, ne cherche plus de raison de vivre, et même n'en veux plus, que de raison de me laisser aller à mourir. Je laisse la nature, mon corps, faire ce qu'il veut à présent, j'accepte ses caprices, ses dysfonctionnements, dût-il en être lui-même la victime.

Comme l'écrit Zazou dans son poème « La bataille du gouffre de Helm » :

La citadelle tombe, c'est le dernier assaut.
Glissons nous hors du gouffre! Enfourchons les chevaux!
Que m'importe la ruine, qu'importe le courroux!
Que l'aurore soit rouge! Nous périrons debout!


(Extrait du poème issu du recueil « Au fil de la plume », de Bérengère de Bourayne)

Mon corps tombe, plus exactement mon cerveau. Est-ce le dernier assaut pour autant ? Quoi qu'il en soit, j'enfourcherai mon cheval à chaque fois qu'un soin me sera proposé, car c'est debout que je veux périr, debout le plus longtemps possible, et qu'importe les ruines que cela engendrera dans ma personne.

De même, cet autre poème de Zazou, «  La fourbe », me fait immanquablement penser à Cynthia, à tout ce qui peut la traverser périodiquement, confrontée à la maladie de sa mère et de son compagnon :

LA FOURBE

Mais pourquoi revoilà ce sentiment qui poisse,
Qui me colle à la peau en douloureuse angoisse,
Saisissant de ses griffes ma gorge vulnérable
Et serrant sans pitié, pression intolérable.

Elle broie l'estomac, compresse les poumons,
Une poigne de feu, véritable démon
Qui rend mon souffle court et mes pensées tremblantes
Sous les à-coups brûlants des tempêtes démentes.

Tout en scélératesse, la vile attaque en fourbe
Engluant mon esprit dans une ignoble tourbe.
Je suffoque et étouffe face à cette addiction,
Me bats et combats contre cette malédiction.

Je ne peux qu'éloigner ces diables ricanants.
Je sais qu'ils reviendront en anges malfaisants,
Zébrant à chaque fois mon cœur en écarlate,
Attendant patiemment que celui-ci éclate.


(Poème issu du recueil « Au fil de la plume », de Bérengère de Bourayne)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire