jeudi 2 octobre 2014

Xanax

Ce matin j’ai envie de me shooter. Je n’ai pas encore décidé de le faire, de passer à l’acte, bien que j’aie déjà avalé deux de ces pilules miracles, miracle de l’industrie chimique, pharmaceutique et que sais-je d’autre, deux amas de molécules qui perturbent le fonctionnement naturel de mon cerveau. Xanax, tel est leur nom magique, Xanax comme la promesse d’atteindre une galaxie, un univers autre que terrien.

La vie sur terre, tout au moins en occident, en France, m’est devenue d’une platitude sans nom, sans bornes, sans au-delà. Le capital, l’économie, le marché, le profit ou les bénéfices à trouver ou retrouver, la déroute, les faillites et le chômage, les licenciements ou la course à l’emploi, ce job à trouver, à conserver coûte que coûte, bref, ce système arbitraire que l’on nous présente comme inéluctable, inévitable, seul viable et digne de subsister, de résister, d’exister au détriment d’autres systèmes, tout cela m’endort à présent. J’écoute les informations ou, plus exactement, ce que l’on nous présente comme être l’information, la seule digne d’intérêt, la seule digne d’être débattue, controversée ou approuvée, tout le reste, tout ce que les médias, leurs journalistes et leurs experts ne pointant pas du doigt n’étant que merde, futilité, à ignorer ou oublier. Prendre plaisir à contempler des poules menant leur vie, expliquer en long, en large et pas de travers que nous n’avons qu’une vie, pas deux, qui que nous soyons et où que nous soyons, qu’en conséquence il s’agirait d’éviter de la gâcher, de réfléchir à ce qui pourrait donner, sinon le bonheur, tout au moins le plus grand bien au plus grand nombre, tout cela n’est pas de l’information, n’est ni d’actualité ni l’actualité car totalement incompatible avec les logiques du profit et du bénéfice, qu’il s’agisse de taux d’audimat, de dividendes, de rentes ou d’argent sonnant et trébuchant dans nos bas de laine.

Qui que l’on soit dans ce système, quelque soit notre place, notre statut, notre renommée ou notre invisibilité dans ce dernier, quelques décennies suffisent à chacun d’entre nous pour discerner ses principaux contours, ses lignes directrices et son pouvoir de destruction. Effectivement, il faut être sot ou aveugle pour voir en lui le salut du plus grand nombre. Pourtant, comme vous, je le regarde et ne fais rien, le critique mais m’en accommode, participant directement de cette sinistre tragédie. Jamais l’Eden ne sera, les anciens avaient raison, tant nous sommes lâches, fainéants et si sournois.
Parfois il faut appeler un chat un chat, accepter l’image que nous renvoi notre miroir et, lucidement, nommer les choses tels qu’elles le sont, même si cela coûte à notre égo.

Cependant jamais la nuit n’est totalement noire et il est quand même des minorités, dont je ne fais pas partie, qui s’efforcent de modifier ce triste panorama, cet enlisement dont nous sommes tous responsables. A ceux-là, du fait de ma couardise et de la vôtre, je dis bonne chance et bon courage car si ce matin je veux me shooter au Xanax, c’est bien pour oublier que nous sommes des pleutres.


(2 octobre 2014)

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