dimanche 26 octobre 2014

Une journée mitigée

9H00

Plus de trésor, plus de Centaure, les molécules se déchainent et tourbillonne la maladie dans le vertige de mon corps. Ainsi soit-il puisqu’il en est ainsi. Derniers instants, derniers moments, et pourtant je ne peux y croire. Reste une flamme, espoir inquiet qui néanmoins éclaire de sa bougie l’immense caverne où tout est noir. Mais je bloque sur la bougie, sa petite flamme rachitique, anorexique,  une flamme droite dans ses bottes malgré ses quelques vacillements lorsque subitement je me mets à tousser.

Avant de connaître Cynthia j’avais le souhait d’écrire un jour un livre qui serait lu par le plus grand nombre. A travers ce nombre je pensais avoir enfin l’occasion de m’apprécier, voire de m’aimer. Tout cela m’a passé depuis que je suis avec elle. Oui, depuis je m’aime parce qu’elle m’aime comme j’en ai besoin. Je n’aurai pu rêver plus belle et meilleure rencontre dans ma vie et si chacun d’entre nous avait cette même chance, nulle doute que notre monde serait complètement meilleur, voire bon. Après ces quelques mots sur ma chance, affirmés, vindicatifs, il n’en reste pas moins vrai que la galaxie de ma maladie se rappelle à mon bon souvenir, comme pour me signifier que le temps presse, qu’il faut donc que je profite de ma chance au maximum. Malheureusement le temps est rarement au beau fixe dans mes cartes synaptiques et il est toujours une partie de mes neurones pour me rappeler la maladie. Alors le ciel se couvre subitement et complètement, le temps est à la pluie et, contemplant ce plafond de nuages, j’attends que les gouttes tombent. Mais à chaque fois rien ne vient. Il m’arrive parfois d’avoir les yeux humides, de sentir monter un fleuve qui prend sa source à l’estomac, mais lors de son ascension vers mes pupilles, il ne reste qu’un filet d’eau.


16H00

Assis une fois de plus à l’une des tables d’une terrasse de café, toujours place Sainte-Anne à Rennes, je regarde les gens déambulés. Aujourd’hui il fait beau et bon, les nuages étant relativement absents. J’observe donc touts ces gens et tous, sans exception, on l’air d’avoir un but en tête. Certains pressent le pas comme s’ils avaient un rendez-vous à ne pas manquer, mais l’immense majorité marchent nonchalamment, c’est la promenade du dimanche. Dans cette petite foule il y a aussi quelques touristes, appareils photo en bandoulières autour de leur cou. Tous semblent profiter du moment, du présent, de la vie, et cela m’interpelle, me questionne, m’interroge, car pour ma part je ne comprends plus ce que signifie « profiter de la vie ».

Je tourne en rond, c’est peu de le dire, et seul l’acte d’écrire trouve encore grâce à mes yeux. Tout le reste ne m’intéresse plus, ne m’attire plus. Je me sens comme neutre, imperméable à toute activité potentielle. Une certaine routine s’est installée dans mes journées. Je me lève à l’aube, il fait encore nuit, je prends mon premier café tout en préparant le tas de pilules que je vais devoir ingurgiter,  une oie que l’on gave, et si j’ai écrit la veille je me rends à mon ordinateur afin de recopier avec un logiciel de traitement de texte ces écrits. Une fois la copie effectuée je la publie sur mon blog, blog qui n’est autre que mon journal intime en ligne et dont seuls Cynthia, ma compagne, et mon frère ont connaissance. Dans le passé j’ai eu plusieurs blogs, mais aujourd’hui je ne publie plus dans le même but. Je n’affiche plus mes états d’âme avec le souci d’être lu par le plus grand nombre et ce, dans l’espoir d’être un être compris. Non, si je me remets à écrire c’est uniquement pour me vider et si je publie sur un blog plutôt que de partager oralement tout ce qui me traverse, c’est simplement parce que je n’ai plus envie de parler. Ainsi, par le biais de ce blog, ma compagne peut suivre le cheminement de ma pensée, de mon évolution intérieure, elle n’est pas complètement larguée. Et ma famille me direz-vous ? Et mes amis ? N’ont-ils pas le droit eux-aussi à quelques éclaircissements ? Sincèrement j’aimerai qu’il en soit ainsi, mais les connaissant ils n’auraient de cesse de m’abreuver de paroles avec le secret espoir de me faire voir les choses autrement que je les vis. Par ce comportement ils m’épuiseraient et, parce que je me connais, je serai alors capable de leur fermer complètement tout accès à ma personne afin d’obtenir un peu de paix.

Donc, une fois mon article publié sur mon blog je peux dire que ma journée, pourtant à peine commencée, est terminée. Heureusement les cachets que je prends au levé agissent rapidement et efficacement. Ainsi, si rien ne m’accapare en dehors de la maison, je fais ma première sieste aux alentours de 10H00. N’allez pas croire qu’elle est une nécessité, pas du tout, elle est juste un moyen de faire passer le temps en faisant, justement, que je ne le sente pas passer. En général j’émerge de nouveau vers midi et selon que mon esprit est un peu assommé ou pas, je reprends ou non un calmant, histoire de rester mentalement dans un état semi-léthargique. Il faut me comprendre, se mettre un peu à ma place. Comment supporter de ne rien faire toute une journée et ce, tous les jours ? A peu de chose près cette condition me replonge dans l’univers de la prison, de la détention, endroit où j’ai séjourné quelques mois il y a maintenant vingt ans. De tourner ainsi en rond, de n’avoir aucun but, aucun objectif peut me rendre fou. Mon esprit s’excite, cherche quoi faire et, très rapidement, constate qu’il n’y a rien à faire ou qu’il ne veut rien faire. Il accélère alors la cadence, tourne en rond de plus en plus vite, telle une pirouette, et je n’arrive plus à suivre cette cadence effrénée qui instaure en moi des hauts le cœur, des débuts de nœuds à l’estomac, avec une grosse caisse en guise de cœur qui martèle la marche infernale de mon esprit qui cherche, recherche de quoi s’occuper. Le Xanax et d’autres neuroleptiques sont le remède parfait pour arrêter cette démente escalade, pour stopper net je ne sais quelle explosion potentielle à l’affût dans mes neurones.


(26 octobre 2014)

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