lundi 27 octobre 2014

L’exorde

L’exorde

(7300 jours pour voir la nuit)


Liberté monotone, du raisin en abondance !
Joie au pays des dépravés
Joie des songes achetés
La vie et le bien, Dieu s’en tape !

Je me suis moqué de moi-même
Puis des autres et des autres
Pour m’aimer un petit peu
Dans cette jungle de sauvages

Trop sérieux me dites-vous
De nous voir en cette boue
Mais dites-moi braves pèlerins
Où êtes-vous quand je pleure ?

J’ai pissé sur le mur des écoles
Pour venger mes copies
De l’ingrat dictateur
Des sueurs de mes nuits
J’ai tapé les plus faibles
Pour une place chez les grands
Ces petits de la cour de récré
Mais oublié ce passé ridicule

Sur les roulettes de mes patins
J’excellais pour des filles intouchables
Qui n’avaient cure d'un pauvre clown
Que le béton faisait valser
J'ai décidé de me venger de ces salopes
Abandonnant le sentiment dit amoureux
Le plaquant à coup de masse
Entre le sol et ma semelle

Enfin la rue vint me happer
Dans son système du plus fort, du plus fou
Avec ses lois, son unique règle
Marches sur l’autre et tu seras !
Tu exploiteras le pleutre vaincu
Il sera l'esclave de ta colère
  Sera la bonne de tes humeurs
Même sa femme sera tienne si tu l'exiges

Puis j’ai connu la folle de nos âges
Oui marre d’être un puceau chez les puceaux
Le travail terminé, j'ai roulé dans la gadoue
Cette nympho du sentiment
Un cap de plus fût bien franchi
J’eus tout loisir de me moquer et de baiser
Je connaissais le mode d’emploi
Du grand mystère du premier âge

Puis l’interdit, le véritable, est arrivé
Normalement, trop logiquement sur mon chemin
C’était moi seul face au système
Système bâtard, qui t'a permis de me leurrer ?
Que ce soit mobs ou drogues diverses
Autoradios ou caves d’immeubles
Je n’en pouvais plus de t’ignorer
Tu as pris soin de moi un peu plus tard

Enfin celle qui n’existait pas
S’est un jour posée là, sous mes yeux
Oui mon cœur en a pris un coup
Mais un de plus, qu’est-ce que c’était ?
De par son corps, de par ses lèvres
Je la voulais comprenez-vous ?
Pour toute la vie, pour toute la mort
  Nous ne fûmes ensemble que quelques jours

Puis j’ai franchis la première porte d’un café
Drôle de marais que cet endroit
Drôle d’impression quand tu renifles
Les maîtres étranges de ces lieux
Deux trois putains en petit cercle
Deux hommes pleurant avec leur bière
C’est qu’à cette heure
Les gens stressés sont tous partis

J’avais l’âge mais pas l’argent
Pris un café pour compenser
Observé le manège de cette foire
  Ne pas être écrasé par un puissant
Il me fallait être du cercle
Près de ces putes bonnes qu’à une chose
A faire sortir les gros billets car chacun sait
Que là se terre le nœud final de tout pouvoir

J’ai découvert un autre monde
Plus pernicieux, plus décadent
Car quand l’argent est si présent
L’interdit en devient sourd, bien plus subtil
Tout est légal en apparence
Les faveurs sont, elles, gratuites
Même la came que tu t’injectes
Même la pute que tu baiseras
Ta parole aura valeur
De l’un des comptes que tu possèdes
N’en ayant pas je me suis tus
Bénéficiant des largesses de ces Messieurs
Devenant en quelque sorte un homme de main
Suscitant les besoins de certains
Ecrasant un peu plus la marmaille du quartier
  Récompensée à coup de pièces trébuchantes

Mais il manquait une femme dans mon décor
Au moins une pour prendre mon cœur
  Egoïstement serré entre ses doigts vernis
Mais où était-elle cette connasse ?

A  observer et à me taire
J’ai perdu la main et le doigté
La prison m’a accueillit
J’étais adulte, j’étais majeur
J’ai eu le temps pour le bilan
J’ai eu le temps pour voir mes pairs
Le résultat n’est pas bien gai
J’ai tout gâché comme un morveux
Le monde est fou, le monde est boue
Tout est truqué, même les couleurs de l’arc-en-ciel
Quand par malheur nous écoutons nos instincts bas
Il en faut des coups sordides pour s'en rendre compte

Même le poisson qui nage
Stagne dans un périmètre bien défini
Tout comme l’oiseau et bien sûr l’homme
Qu’avons-nous donc de supérieur, dites-le moi ?

J’aimerai être une plante
Inaccessible aux proies humaines
Ce que nous sommes les uns aux autres
Quand tu regardes ton voisin
Une plante qui serait vie
Sans  bonheur et sans malheur
Cherchant soleil et un peu d'eau
Pour grandir et non survivre

Je laisse donc à qui le veut la politique et autres affaires
Qu'ils sachent seulement que ma confiance s'est bien éteinte
Je voterai, manifesterai sans aucune conviction
Sachant l’absurdité de prétentions si orgueilleuses

Le bon Dieu doit sourire sur son perchoir
Observant ses fourmis pinailler
Pour définir un ordre systématique
A ce qu’elles sauront ne jamais devoir venir

Quant au Diable il se morfond de constater
La misère mentale de ses recrues
Il ne sait plus que faire, je vous le dis,
De moi y compris évidemment

Si Bouddha était un sage, il se serait tût
Si Christ était amour, il se serait tût
Et si je parle aujourd’hui
C’est que je ne suis ni l’un ni l’autre

Il n’y a pas d’espoir me dites-vous
Dans ce roman vulgaire de chaque jour
Pas de lumière dans le creux sans rimes de ces phrases
Mais pourquoi colorer ce qui toujours sera du noir ?

Mon cœur a trop souffert
Vous répondrais-je sans hésiter
A croire possible du possible
Mais n’y trouvant que du néant

S’il me reste un seul espoir, je le garde précieusement
Le préservant de votre monde, peut-être même de moi-même
Il est ma seule énergie pour lutter un peu chaque jour
Dans ce qui n’est plus une simple jungle mais uniquement un abattoir


(1997)

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