lundi 6 octobre 2014

Un train passe

J’encaisse car je n’ai pas d’autre choix. Ma nuit a été courte. Couché vers deux heure du matin, c’est un rêve qui m’a réveillé vers six heure trente. J’avais un nouveau cancer, une nouvelle tumeur, mais je ne saurai vous dire quelle partie de mon corps était attaquée. Par contre on m’opérait à cœur ouvert, une seconde opération chirurgicale, je voyais mon thorax déchiré en deux et les chirurgiens faire leur besogne. J’éprouvais de la peur et c’est bien elle qui m’a réveillé. Je n’ai pas tenté de me rendormir, désireux de faire passer d’une manière ou d’une autre le malaise qui m’habitait alors.

Je me suis donc levé, ai pris un café et de suite j’ai allumé mon ordinateur, chose que je ne fais pas ordinairement. Effectivement, quitte à avoir peur, peur du cancer, de ses conséquences et de son évolution, j’ai enfin osé aller chercher l’information, les chiffres et les statistiques que je refusais de connaître jusqu’à présent. En la matière je m’étais astreint, cantonné, obligé à rester sur les dires de l’oncologue et du chirurgien qui me soignaient à Lyon. Mais ce matin j’ai décidé de voir cela plus en détail et, via internet, j’ai pris connaissance de diverses études dont, en particulier, un certain rapport clair, précis, fournis et instructif sur l’espérance de vie des cancéreux, un classement par type de cancer. L’intégralité du corps humain y passe, aucune zone ne semble être épargnée et, dans l’ensemble, la sanction est assez désespérante car quelque soit la forme de cancer traitée, c’est une véritable hécatombe de morts qui s’ensuit entre le diagnostic et les trois années qui suivent.

Je me suis donc intéressé aux chiffres qui concernent les deux formes de cancer qui me préoccupent actuellement. Le mien, celui du poumon, et les statistiques confirmant ce que je savais déjà, je n’ai donc pas été surpris. Par contre, concernant le cancer du péritoine, celui dont est atteint ma belle-mère actuellement, il n’y avait aucune information. Avec un cancer du poumon, il y a à peu près 17% de survivants au-delà de cinq ans. Quant est-il lorsque le péritoine est atteint ? Certes l’étude à laquelle je me réfère date de l’année 2007 et des progrès médicaux ont certainement été réalisés depuis, mais je ne pense pas qu’ils aient révolutionné le sort des cancéreux en 2014.

Alors j’encaisse, j’encaisse pour elle, pour moi, mais surtout envers elle. Je réalise ce matin qu’il ne nous reste que peu de temps, peut-être, seul l’avenir nous le dira, pour nous retrouver. Michèle, ma belle-mère donc, est à Lyon et moi à Rennes. La distance ne va rien faciliter et du fait de son état, car elle ne peut plus se déplacer, se mettre debout ou s’asseoir seule, c’est à moi qu’il incombera de faire ces trajets qui nous permettront d’être à nouveau réuni, ensemble côte à côte. Je pensais monter à Paris au mois de novembre afin de voir ma famille et mes amis. Je ne les ai pas revus depuis un an. Ce matin je suis désormais d’avis que c’est à Lyon que je me rendrai car dans le doute, l’incertitude quant à son devenir, la crainte qu’elle décède plus ou moins prématurément, je sais avec pertinence que je m’en voudrai de l’avoir fait passer au second plan dans le seul souci de rencontrer auparavant des personnes qui, actuellement, ne sont pas en phase de mort programmée à court ou moyen terme.

Ce matin fût une matinée triste même si nul désespoir ou semblant de déprime ne m’a habité. Bizarrement c’est une certaine forme de nostalgie que j’éprouve, mais nostalgie de quoi exactement, je ne saurai l’exprimer. C’est comme un monde qui s’efface, petit-à-petit mais sûrement. C’est indolore, incolore et même si cela ne fait aucun mal, il est également évident qu’il ne procure aucun bien. C’est une espèce d’état second, un état de choc où, pourtant, nulle violence n’est assénée, aucun coups bas ni sournoiserie, à l’image d’un ciel bleu, tranquille et serein, où passent nonchalamment des nuages gris et blancs poussés par des vents indépendants, indifférents à leurs présences. Je crois que c’est simplement l’histoire de la vie, celle que tous et toutes connaissons depuis l’enfance, une histoire qui ne ment pas, qui est sans tromperie ni supercherie et qui, dès l’origine, nous a honnêtement signifié qu’un jour sera notre fin.


(6 octobre 2014)

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