samedi 8 novembre 2014

Nouveaux départs

Il y a quelques jours j’ai enfin eu les résultats de mes derniers examens concernant mon cancer. En l’état tout est OK, ma tumeur cérébrale étant passée de 16mm à 11mm en l’espace de deux mois et ce, grâce à la radiothérapie. Je devrai trouver ceci encourageant et éprouver à nouveau de l’espoir, entrevoir un horizon au-delà du trimestre, voire de l’année. Mais rien de tout cela ne s’exprime, ni dans ma tête ni dans mon cœur ni dans mon corps. Je ne sais pourquoi, je n’arrive pas à croire que de longues années m’attendent, années à vivre pleinement. C’est le contraire qui me semble le plus probable, toujours à la vue des chiffres et statistiques, et ce serait vraiment un miracle que je fasse partie des survivants, que je fasse partie de la masse de ceux et celles qui sont morts d’une autre cause que le cancer, autrement dit « naturellement ». Je suis donc satisfait de savoir où j’en suis, mais cela s’arrête là. Aucune joie particulière, aucune euphorie, simplement une inquiétude suspendue qui ne cesse de se demander quand, quand sera le grand tournant, l’ultime étape vers ma mort. Rien de très gai dans tout cela, mais rien de triste si l’on y réfléchie bien. Je suis toujours là, vivant, toujours animés par certains désirs, partageant mon quotidien avec une femme que j’aime, et même s’il me faut prendre des psychotropes pour essayer de vivre au mieux cette expérience que je ne souhaite à personne, dans l’ensemble ma vie est agréable.

Ces derniers jours j’ai également changé de traitement médical, celui qui concerne mes états d’âme, mon ressenti et mes inquiétudes. Pour l’instant c’en est fini du Xanax, de ma précieuse pilule magique, qui, bien que l’effet sois infiniment moindre, me faisait planer comme seul un joint saurait le faire. A la place mon médecin traitant m’a prescrit de Lexomil, calmant presque centenaire que toutes les générations d’aujourd’hui ont connu, au moins de nom. Pour l’instant je n’ai pas à m’en plaindre, il agit, même si je ne sais pas encore le doser correctement. Ensuite, histoire de stabiliser un peu mes humeurs, je prends un neuroleptique, le Tercian 25g, à raison de trois par jour. Enfin, pour que le cocktail soit complet, je prends également un antidépresseur et ce, depuis une dizaine de jours. Son effet se fait sentir car je dois bien admettre que mes idées, pourtant toujours aussi noires, aussi sombres, ne m’empêche plus de savourer pleinement quelques moments, ne m’empêche plus de m’autoriser à projeter quelques projets, dont celui d’une ballade à cheval sur des bords de plage avec Cynthia, celui de m’offrir éventuellement un synthétiseur et, même si j’ai été particulièrement déçu par le comportement et le caractère de ma fille, d’éprouver du plaisir à la revoir.

A ce sujet, sur ma fille que j’avais décidé de rayer de ma vie parce que nous n’avions pas passé les vacances de la toussaint ensemble, tel que prévu, tel qu’elle s’était engagé à le faire, j’ai finalement appris le fin mot de l’histoire, les circonstances pour lesquelles cela n’a pu se faire. Une fois de plus, faisant fi de mon avis et sans aucune concertation, c’est sa mère qui a décidé d’annuler ce séjour. Cependant je ne suis pas dupe et si elle a pris cette décision, c’est en grande partie à cause du comportement de ma fille, une peureuse qui, j’en suis sûr, ne cessait d’exprimer sa crainte de se retrouver seule avec moi pendant quinze jours, supposant, projetant que du fait de ma maladie il pourrait arriver des événements imprévus, telle une crise d’épilepsie, face auxquels elle se serait senti totalement démunie. Dans un sens je ne peux lui jeter la pierre de se sentit vulnérable, incompétente, perdue face à une telle situation. Par contre je ne lui pardonne pas de ne pas m’avoir fait part de ses doutes, de ses craintes, de sa peur, car si tel avait été le cas nous aurions trouvé une solution, quitte à raccourcir ou annuler ce séjour. En me disant chaque soir au téléphone qu’elle avait hâte que l’on se retrouve, elle ne me disait qu’une partie de sa vérité. En cela elle a été hypocrite, voire une sale petite menteuse. N’ayant que douze ans et un caractère qui n’est pas encore forgé, construit et affirmé, je lui laisse donc une seconde chance et, après l’explication que j’ai eue avec elle ces deux derniers jours, j’espère qu’elle saura en faire bon usage. Ma fille, Jade, je l’aime et plus j’apprends à la connaître moins elle me plait. Cependant elle possède une qualité qui compte grandement à mes yeux, c’est sa profonde et sincère gentillesse. En quarante-sept ans d’existence je n’ai rencontré qu’une seule personne aussi désintéressé lorsqu’il s’agit de venir en aide à quelqu’un. Il s’appelle Luc. Nous nous sommes connu lors de notre adolescence et avons immédiatement sympathisé. Aujourd’hui encore et malgré des divergences ou désaccords profonds dans le domaine des idées, dans la façon de mener notre vie, nous sommes toujours amis. Malheureusement la gentillesse ne suffit pas à rendre une personne respectable, appréciable, et ma grande crainte depuis la naissance de ma fille est que sa gentillesse soit entachée par les tares de sa mère, mère qui est son modèle pour se construire, une mère qui ment, qui est hypocrite et qui est incapable d’assumer ses erreurs. Si ces travers déteignent trop sur ma fille, alors sa gentillesse passera au second plan aux yeux de tous, y compris aux miens. Personne n’aime les lâches, les hypocrites ou les menteurs et, même entre eux, ils ne s’apprécient pas.


(8 novembre 2014)

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