dimanche 28 septembre 2014

Du sens des choses

De pensée en pensée, d’idée en idée, dans ma tète cela n’arrête pas. Cà défile, se défile, rien ne se fige si ce n’est une espèce d’arrière-plan, un décor sans effort, une atmosphère sans intellect où la logique, le raisonnement, la déduction et le détail ne participent pas de cette présence. Pourtant je me scrute, m’examinant scrupuleusement, cherchant justement ce détail qui, enfin, me révèlerait qui je suis actuellement, ce que je suis en ce moment.

Dire que je ne me reconnais plus serait presque un euphémisme s’il ne restait pas ces quelques parcelles de ma personnalité dont j’ai conscience qu’elles ne changent pas. Fidèles, participant pleinement de ma construction, de mon métabolisme psychique, je décèle clairement ces traits de caractères invariants. Comme hier je cherche encore et toujours à comprendre car, pour une raison peut-être génétique, il m’est très difficile, voire parfois impossible, d’accepter sereinement des actes, des paroles, des évènements ou des prises de positions qui échappent à mon entendement, et peu importe que ces derniers ou dernières me soient bénéfiques ou non. En cela je suis un handicapé mental parce qu’incapable d’apprécier pleinement la rose que l’on me tend ou de déprécier à sa juste mesure la bassesse, l’ignominie ou l’écœurant dès lors que je n’en saisis pas les mécanismes, leur justification et, du coup, leur raison d’être.

Si je devais résumer en un seul mot celui que j’ai été tant d’année, de décennies en  décennie à présent révolues, ce serait avec le terme « utilitaire ». Effectivement tout ce qui n’avait pas d’utilité dans mon regard, qu’il s’agisse de ma perception de l’être ou de ses actes, de mes questionnements sans fin sur le bon sens ou non de l’existence, tout devenait nul et non avenu, non recevable ou inacceptable si cela s’avérait concrètement inutile dans ce qui faisait alors mon quotidien. Quelques soient les champs examinés il en fût ainsi, qu’il s’agisse d’amour ou de politique, du social ou de la philosophie, de l’amitié ou du scientifique. Autant vous dire qu’une minorité d’êtres seulement et bien peu de choses, normes, règles, lois ou prétendus devoirs trouvaient grâce dans mon jeune esprit. Cependant, pour renverser cette tendance qui, je l’avoue, me déplaisait fortement, je n’eu d’autre choix que de lutter contre mes ignorances d’alors. Dénicher, comprendre, saisir tout ce qui pouvait se cacher derrière une parole, un acte, une opinion ou un événement fût ainsi ma quête effrénée car, même s’il m’apparu très rapidement qu’il me serait strictement impossible de saisir le sens exacte de l’existence, il me semblait néanmoins concevable de parvenir à cerner qui nous étions, ce qui nous motivait ou nous démotivait, à l’apprendre, le comprendre et, en conséquence, à pouvoir poser un jour un regard lucide, plus éclairé et moins tranché sur nos actes et nos omissions.

Trente ans plus tard ais-je atteint mon objectif ? Je ne saurai être affirmatif tant j’ai compris, intégré,  réalisé que le savoir et la culture n’étaient que des boites, des compartiments interchangeables, des variables d’ajustement que l’on s’approprie pour un temps plus ou moins long, parfois à vie, bâtis sur des montagnes de concepts plus ou moins modulables d’un être à l’autre, d’une situation à l’autre, d’une souffrance, d’une joie, d’un échec ou d’une réussite à l’autre. Cependant, même si je suis moins ignorant que celui que j’étais hier, j’ai bien assimilé qu’il n’y avait pas de vérité, de réponse une et unique à quelque question que l’on se pose et, de fait, ma situation initiale n’a pas véritablement changé. Encore je cherche, encore je m’interroge et toujours, face à une même question, diverses réponses se présentent sous mes yeux, le plus souvent toutes aussi défendables les unes que les autres, toutes aussi justifiables lorsque l’on creuse pour comprendre leurs fondements, m’exprimant ainsi clairement que ma seule marge d’action est de ne pouvoir choisir que l’une d’entre elle sans avoir pour autant la moindre certitude sur la validité de mon jugement. Dit autrement, j’essaie de faire au mieux, d’être le plus impartial possible, même si parfois cela m’amène à déconstruire des pans entiers de ma pensée, à modifier, amplifier ou rayer certaines de mes valeurs, certains de mes dogmes, au nom de ce que je pense être le plus près du juste, de l’équilibre, du plus sensé.


(28 septembre 2014)

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