jeudi 15 octobre 2015

Avenir

15 octobre 2015


N'ayant pas de nouvelle du professeur Mazeron, celui qui me suit dorénavant à Paris pour mes métastases cérébrales, j'ai donc passé une bonne heure à joindre son secrétariat. Il est donc prévu que je passe une nouvelle IRM, une IRM entièrement sous perfusion, examen que je n'ai jamais passé, et dans la foulée un nouveau rendez-vous avec le professeur. En effet, lui et son équipe veulent s'assurer au maximum que mes tumeurs qui ont grossi sont des radionécroses ou non, toujours des tumeurs cancéreuses ou non. Quoi qu'il en soit, quelques soient les conclusions qu'ils en tireront, il m'a semblé comprendre que j'aurai quand même un traitement, mais de quel nature, je n'en sait rien. J'attends à présent l'appel de la secrétaire du professeur Mazeron chargée de prendre ces rendez-vous.

Cela mis à part, pour la première fois de la semaine, j'ai quitté mon quartier. Oui, j'en avais assez que tout endroit, chaque immeuble, chaque commerce, chaque rue ou avenue me replonge dans un souvenir, un passé plus que révolue où j'ai fait tant de connerie, à commencer, non par rencontrer la mère de ma fille, cela aurait très bien pu s'arrêter là, mais par tout faire pour être en couple avec elle, alors qu'elle, par ailleurs, n'était intéressée que par mon frère, ce que j'ai su très rapidement. Bien évidement, l'ombre de Michel plane complètement sur le trajet que nous avons effectué entre le café où nous avons commencé à  nous empoigner, café situé juste en face de « L'affiche », et le domicile de ma mère, dans cette rue qui mène aux quais de Seine où nous avons fini cette bagarre de poivrots et, ce, irrémédiablement pour lui.

Je  suis donc sur les grands boulevards, près de l'opéra Garnier exactement, à une terrasse de café évidement, fumant un cigarillo tout en prenant des cafés, ne me demandant plus si c'est bien ou mal de fumer, ne culpabilisant plus de le faire d'ailleurs, absolument plus. Là, je pense à ma belle-mère et hésite à appeler mon beau-père. Pourquoi ? Parce que je sais ce qu'il va me dire et, pour moi, c'est une frustration de ne pas pouvoir être à ses côtés. Vous dire pourquoi, je ne le sais exactement. Je le vois chaque jour seul, du matin au soir, passant tous ses après-midi auprès de sa femme qui dort, qui ne sait même pas qu'il est là, et lorsqu'elle se réveille, c'est toujours pour un court instant, vite elle replonge dans le sommeil, elle n'a forcément plus la notion du temps. A présent, lui et ses filles en sont à se demander de quelle façon elle va mourir et quand, toutes questions que je ne me pose pas. Est-ce dire que je me désintéresse de son sort ? Oui, de la même manière que je me désintéresse de mon sort, puisque ces derniers sont connus, seul le timing est différent. La seule chose qui ne me laisse pas indifférent est la souffrance physique que peut générer cette maladie vicieuse, mais comme les médecins ont décidé d'arrêter les soins pour ma belle-mère, je pense que dorénavant ils n'hésiteront plus à mettre la dose pour qu'elle ne souffre pas. Aussi, comme dans mon cas, je pense à ceux qui vivent encore, dont l'avenir est encore grand ouvert, y compris pour le père de Cynthia. Lorsque l'on a compris que nous étions entrain de tourner la dernière page de notre histoire, on ne regarde plus notre mort et la mort des autres de la même façon,  il n'y a plus de tragique dans cette affaire, il n'y a que le cours naturel des choses qui se déroule, que l'on le trouve juste ou non. Toujours, instinct de survie puissant oblige et surtout depuis que l'homme à commencé à maîtriser son environnement, depuis les progrès spectaculaires de la médecine ces deux derniers siècles, l'homme n'a qu'un seule réelle quête, celle de dominer la mort, au point d'oublier qu'elle existe, surtout lorsqu'il s'agit de la nôtre ou de celles de nos proches. Du coup nous vivons comme si nous étions immortels tant que nous sommes en bonne santé et il faut ce rappel à l'ordre naturel pour nous faire redescendre sur terre, différemment selon que l'on est le mourant ou l'entourage.

Il est à présent et, histoire de marcher un peu, j'ai remonté le boulevard jusqu'en haut de rue Saint-Denis, rue célèbre dans le temps par la collectons de prostituées qui la jalonnait. Je ne sais ce qu'il en est aujourd'hui, je le saurai en la redescendant pour aller prendre mon bus, près du Châtelet. Lorsque j'étais adolescent, je ne sais combien de nuits blanches j'ai passé à errer dans ce coin de  Paris, fasciné par ses femmes qui faisaient ce métier et par ceux qui les abordaient. Il n'est pas loin de 20H00 et je ne sais si je vais passer voir mon pote Martial dans son café ou non lorsque j'arriverai au Châtelet. A l'instant, Tony vient de m'appeler et nous devons nous rejoindre à « L'affiche » pour 21H00, histoire de boire un café ensemble. Donc je vais m'arrêter là pour aujourd'hui afin d'être à l'heure.

Tony n'étant pas l'heure, j'ouvre de nouveau mon bloc-note. Pour y raconter quoi ? Mystère. Je pense à ma fille qui arrive dans deux jours. Le soir-même nous dînerons tous en famille chez ma sœur. Je pense également à mon IRM. Quand aura lieu le rendez-vous ? A la Saint-glinglin ou rapidement ? Et après, le rendez-vous avec le professeur sera fixé pour quand ? Oui, je me pose ces question car depuis mi-août aucun soin n'a été entreprit et mes deux de mes tumeurs ne cessent de grossir pour autant. Aussi, je me demande à quel stade il faut être dans sa tête pour que le professeur juge cela critique, car en l'état, on ne peut pas dire qu'il l'air pressé de résoudre le problème au plus vite, du moins c'est mon point de vue.

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