jeudi 24 septembre 2015

Mon jeudi

24 septembre 2015


Aujourd'hui je n'ai envie de penser à rien de précis, de ne pas focaliser sur un événement, un être ou une action. En ce moment, tous les jours j'ai mal au crâne. Cela me prend toujours deux à trois heures après mon réveil. Alors je prends des antalgiques, puissants, et une bonne heure après leur effet agit. Je repense à Virginie, à la conversation téléphonique que j'ai eu avec elle il y a quelques jours concernant sa relation avec François, lui aussi atteint d'un cancer au cerveau. Elle l'a connu six mois avant la découverte de ce cancer et ils commencèrent véritablement à former un couple, c’était les prémisses. Mais depuis l'apparition de ce cancer et de tout ce qui s'en est ensuivit, opération, soins, traitement, François a plus que changé, ne s'est plus investi dans la formation de leur couple comme jadis, Virginie est donc pénalisée, forcément frustrée de temps à autre, mais comme elle veut François, et pas qu'un peu, elle s'accroche, mais tout cela n'est vraiment pas simple, comme si François hésitait à se lancer dans l'aventure ou non, car il pense, comme moi, qu'il n'a plus beaucoup de temps devant lui, à tort ou à raison, et un jour il fait de vrais pas vers elle et, d'autres jours, il lui dit ou fait comprendre qu'il faut qu'elle fasse sa vie, indépendamment de lui, comme je le dis parfois à Cynthia. Oui, toutes les deux ne sont pas à des places simples et, de manière très égocentrique, je préfère ma place à la leur. Il est vrai que de part et d'autre nous sommes dans l'attente, mais ce n'est pas du tout le même type d'attente. Nous, c'est l'attente de la mort, de notre fin, et nous n'avons strictement aucun effort à faire pour que cela soit ainsi un beau jour. De même, parce que la maladie et ses traitements nous diminuent physiquement, voire moralement, nous ne pouvons plus aller au delà de nous-même, nous surpasser comme dans les temps anciens, ce qui génère que nous ne pouvons plus le faire pour les autres également et entraîne, de mon point de vue, l'élimination dans notre entourage, à court terme ou à moyen terme, des personnes et activités que nous ne sommes plus en mesure de supporter, ne pouvant plus faire les efforts nécessaires à l'entretien de tout cela, surtout aux humeurs et comportements qui nous contrarient. C'est comme si notre seuil de tolérance n'était plus le même qu'auparavant.

Je pense également à ma fille qui viendra peut-être plus longtemps que prévu à Paris. Je me demande comment cela se passera entre nous, qu'est-ce que nous ferons ensemble, car du fait de ma diminution physique, même des promenades seront difficile à faire pour moi. Enfin, du fait de mes faibles ressources financières, je ne pourrai pas lui offrir beaucoup de sorties, que ce soit cinéma ou autres. Oui, j'ai peur qu'elle s'ennuie, car il est clair que ce qui me convient, que ce que je peux faire ou non, comme être assis toute une après-midi à une terrasse de café, n'est pas sa tasse de thé. Oui, les envies des enfants, des adolescents, ne peuvent être les mêmes que ceux de leurs parents, en tout cas de manière générale. Elle, elle délire avec son iphone et est capable de rester toute la journée à ce dernier. De même, lorsque je lui prête mon ordinateur, c'est pour voir des clips musicaux sur youtube ou faire des jeux en lignes. Là aussi, elle pourrait faire ça toute la journée. C'est la génération « écrans », que ce soit par le biais du téléphone, de l'ordinateur, des tablettes ou de la télévision. Néanmoins j'essayerai de l'emmener dans un musée ou deux, tel le Louvre où, je crois, elle n'a jamais été. De même, je l'emmènerai à Montmartre, bien qu'elle connaisse déjà, car de mémoire il me semble qu'elle avait apprécié ce quartier de Paris, ce village dans la ville. Je pense également l'amener sur les quais du treizième arrondissement où ont été aménagés tout un tas d'espace pour faire des activités, que ce soit du skate, de la danse, du roller, de la gymnastique ou encore de la musique. Cet endroit-là, je sais qu'elle ne le connais pas et je verrai bien s'il lui plaît. Le treizième arrondissement étant le quartier « chinois » de Paris, je pense que nous mangerons asiatique ce jour-là, dans l'un des nombreux restaurant qui propose des buffets à volonté. De même, avec mon ami Césard que je vois peu, voire pas du tout lorsque je suis à Paris et ce, du fait qu'il habite en grande banlieue, à la limite de l'île de France, et qu'il termine tard son travail, nous avons convenu de tout faire pour que ma fille et moi passions un week-end chez lui, dans sa famille. Jade l'a rencontré une fois, chez lui, avant que ne se déclare mon cancer, et elle l'avait fortement apprécié. Je pense donc que ce sera un bon week-end, si cela se fait, surtout que cette fois ses enfants seront là, tous adolescents, et qu'elle pourra s'occuper et s'amuser avec eux. De même, si toute la famille de Césard est là, elle va découvrir une autre forme de vie, car la famille étant musulmane pratiquante, elle va assister à des rites qu'elle ne connaît pas, comme la prière cinq fois par jour, et voir des tenues vestimentaires nouvelles.

Sinon j'ai appelé mon beau-père, Bernard, pour avoir des nouvelles de ma belle-mère. Comme chaque jours, elles ne sont guère fameuses, la situation ne s'améliore pas du tout, elle ne cesse de se plaindre de douleurs dans ses bras et ses jambes, n'a plus de sensation dans sa main droite, comme si elle avait perdu le sens du toucher. Par exemple, dès qu'on lui met quelque chose dans sa main, comme un verre d'eau, immédiatement elle le laisse tomber, ne peut le tenir car elle ne le ressent pas entre ses doigts. Du coup, qu'il s'agisse de boire ou de manger, il faut quelqu'un pour prendre en charge cette tâche. J'ai dit à Bernard que, dès que possible, je descendrai à Lyon, avant qu'il ne soit trop tard, pendant qu'il est encore temps, certainement début novembre si mon propre cas ne me retient pas à Paris. J'essayerai de me bloquer un week-end pour cela.

Je n'ai pas envie de penser à ma maladie, à mon cas propre, mais elle est tellement omniprésente dans mon quotidien, à travers ma belle-mère par exemple, que j'ai bien du mal à le faire. Je crois que c'est mission impossible. Tout à l'heure je dois voir mon psychiatre et, si je ne l'oublie pas, je vais aborder le sujet de l'arrêt de mon antidépresseur. Effectivement, je veux être dans le vrai avec moi-même par rapport à l'évolution de mon cancer, et non pas dans la position où je m'observe à travers un filtre chimique, faussant la donne, faussant mes réflexions en conséquence. Tant pis si cela doit me mener à l'inquiétude, j'essayerai de la gérer, tant pis si cela doit me mener également à quelques moments de déprime, là aussi j'essayerai de gérer, et c'est uniquement en désespoir de cause, si vraiment je n'arrive pas à me maintenir debout psychologiquement, que je reviendrai vers les antidépresseurs. A côté de cela, j'ai les calmants et un neuroleptique, et je pense que c'est amplement suffisant.

Tout à l'heure, pendant que j'écrivais, j'ai fait une crise d'épilepsie partielle, identique à celle que j'avais faite dans le TGV lorsque je suis à Paris pour passer mon Spectro IRM. Elle à duré un peu plus de cinq minutes où j'étais pris entre les convulsions de mon cou, comme s'il voulait cogner ma tête contre un mur, et celle de ma droite, de ses doigts qui voulaient comme pénétrer et se confondre dans ma paume. Ils étaient si crispés, si recroquevillé sur eux-même, que je ne parvenais pas à les redresser avec ma main gauche. Puis, tout commença à se stabiliser l'espace d'une minute, les doigts de ma main droite se relâchant, se détendant, jusqu'à ce que cela me reprenne. Cette fois mon coup était calme, mais ma main droite refis le même cirque et, bien malgré moi, mon avant bras la faisait monter inexorablement vers mon visage. Je dû donc user de la force de mon bras gauche pour contenir mon avant bras droit, le maintenant coincé entre mes deux jambes, le temps que la crise passe. Une fois celle-ci passé, impossible néanmoins de me servir de ma main droite et, ce, pendant presque deux heures. C'est seulement maintenant que je retrouve un peu de dextérité avec mes doigts, mais ce n'est pas encore ça, preuve en est que je tape sur mon clavier uniquement avec mes doigts gauche. De même, bien qu'il n'y paraisse pas, cela m'a littéralement vidé, comme si j'avais fait un déménagement, transportant par les escaliers tous les cartons à monter. Là aussi, ce n'est que depuis peu que je sens un peu de ma force revenir. Donc voilà, même lorsque je ne veux pas penser à mon cancer, l'une de ses manifestations se rappelle à mon souvenir.

Néanmoins ma journée fût agréable, pas un seul moment je ne me suis ennuyé et, contrairement aux jours précédents, le beau temps était là. J'espère que pour vous il en a été de même, qu'aucune mauvaise nouvelle n'est venue assombrir le paysage.

2 commentaires:

  1. Bonsoir Hicham !
    Je suis contente de te lire en plus de nos échanges téléphoniques. Des projets se profilent pour ta fille et toi, c'est super. Elle appréciera être avec son père et quelque soit ce que vous fassiez ensemble. Être ensemble est le plus important. Je constate que rien ne vaut la présence même si moi, c'est celle de mon ami dont j'ai besoin et qui m'apporte (et me porte :-)) Je suis allée déjeuner avec François ce midi et lui parlerai la prochaine fois du "contrat" dont tu m'as donné l'idée hier. J'ai chargé mes batteries en sa présence et compagnie.
    Je pense bien à toi, ta fille et à Cynthia et sa famille
    À bientôt,
    Bonne soirée,
    Amicalement,
    virginie

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    1. Bonjour Virginie,
      oui, j'espère que la présence de son père suffira à combler le manque d'activité que je pourrai proposer à ma fille.

      Je suis bien content d'apprendre que tu as vu François, qu'en plus vous avez déjeuné ensemble, ce qui ne semblait pas évident lors de notre dernier entretien. Puisse cela se refaire de nouveau, que vous vous retrouviez vite, et tu jugeras alors par toi-même de l’opportunité ou non de lui proposer un "pacte".

      A très bientôt je te dis, là ou ailleurs !

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