lundi 31 août 2015

Un peu de répit

31 août 2015


Aujourd'hui c'est la rentrée de Cynthia, celle des professeurs. Elle a peu ou pas dormi de la nuit, mais j'espère que ça se passera bien. Cette matinée ? Elle n'est pas comme les autres. Chaque matin n'est plus le même depuis une semaine, car je me sens différent. Oui, je me sens dorénavant comme un mourant et non plus comme quelqu'un qui va mourir, grosse nuance. Oui, je ne crois pas en des effets positifs et durables des séances de radiothérapie que l'on va me faire. Quelque part, je crois même qu'elles vont accélérer le processus, je ne sais sous quelle forme, mais qu'elles vont réellement me rendre handicapé, peut-être du corps, peut-être de l'intellect, mais qu'il y aura eu un avant et un après, chose que je n'ai pas ressenti lorsqu'à Rennes j'ai subi le même traitement.

Je sens l'effet de mon antidépresseur, effet que je n'aime pas, car je le sens, ma pensée, ma réflexion, l'humeur qui les accompagne habituellement, n'est plus. Je ne me sens plus aussi profond lorsque je médite, j'ai l'impression de survoler les choses, de ne plus discerner ce qui est grave de ce qui ne l'est pas, même si je sais pourtant tout de ma santé en toute connaissance de cause. Alors j'hésite à cesser de le prendre, j'en parlerai à mon psy ce soir.

Demain c'est mon anniversaire, peut-être le dernier. Depuis des années je ne le fêtais pas, mais parce que je pense ne pas voir le prochain, celui je l'aurai bien fêté avec tous mes proches. Cela sera  impossible, mais ce n'est pas grave car, comme l'on dit, il n'y a pas mort d'homme.

Depuis que j'ai publié il y a deux jours, je ne suis pas retourné sur internet. Je ne vais plus non plus sur facebook ou autres sites d'échanges, comme celui de la ligue contre le cancer. Oui, tout cela ne m'apporte plus rien et, lorsque je converse, je me demande si j'entends bien quelque chose, si je retiens au moins une parole, s'il en est une qui me parle, qui raisonne dans mon cœur, mon corps ou ma tête, et peu importe de qui elles viennent.

Hier soir j'ai encore eu ma mère au téléphone. Depuis une semaine je l'appelle tous les jours, mais elle ne se fait pas à l'idée de ma mort prochaine, ne veut pas l'entendre, veut croire qu'un miracle se produira, bref, je l'a plaint. Pour ma sœur, c'est un peu la même, c'est ce qu'elle m'a écrit dans son mail de la semaine dernière. Elle n'ose m’appeler, affronter le malade, le mort en sursis, cela l'ébranle trop, ce que je ne peux que comprendre. Aussi je la laisse dans son coin, ne tente plus de la joindre, et la laisse m'appeler si un jour elle s'en sent la force. J'ai également téléphoné à mon frère la semaine dernière, à deux reprises. J'ai enterré ma hache de guerre qui, de toute les façons, me rendait plus triste que joyeux. Là-aussi, libre à lui de m'appeler quand il le veut car, pour l'instant, à part ma maladie, je n'ai aucun sujet de conversion.

Il est bientôt 9h00 du matin, je suis à la terrasse d'un café situé proche de la gare, mais il n'a pas la wifi. Cependant je suis au calme, le bruit des voitures ne m'agresse pas trop et il y a vraiment peu de monde dans les rues. Non, Belfort n'est pas Rennes, c'est même le jour et la nuit, surtout dans l'état d'esprit, le type de populace, leur âge. Tandis qu'à Rennes soufflait l'esprit de l'entreprise, de la légèreté, de la jeunesse, ici c'est l'esprit du marasme qui semble plomber la ville. Les gens ne sont pas souriant, marche tête  baissée, on dirait qu'ils s'ignorent ou voudraient pouvoir le faire. On n'ose aller à leur rencontre, un peu comme avec les lyonnais, tant on a à l'avance l'impression que l'on va les emmerder. Les rennais, c'était tout l'inverse, avec eux le contact était facile au possible.

Il est 13h30, la matinée est fini. Je suis rentré vers 10h00 pour me recoucher et me suis réveillé vers 12h00. Cynthia m'a appelé, me disant que sa rentrée des professeurs avait été un peu le bordel, que tout n'était pas au point. Qu'en sera-t-il demain avec les élèves, là est la question ? Puis, ne sachant que faire, j'ai décidé de prendre le bus qui passe en bas de chez moi et de faire toute la ligne, histoire de voir un peu plus à quoi ressemble Belfort. Sur le chemin du retour, apercevant un café avec une terrasse à l'ombre, je suis descendu à cet arrêt. Oui, aujourd'hui encore il fait bien trop chaud pour moi et le soleil tape autant qu'hier. Avant de partir de chez moi j'ai consulté mes mails et, à ma grande surprise et grande joie, j'ai découvert un poème de Zazou sur mon blog.Tout à l'heure, lorsque j'aurai trouvé un café ayant la wifi ou de chez moi, je lui répondrai personnellement. Par contre, en l'état, je ne sais strictement pas ce que je vais lui dire.

Le café où je suis est à côté de la place des Vosges, place où se tient un marché tous les dimanche matin, marché réputé à Belfort. A côté de ma table,  un homme de mon âge prenait également un café et m'interpella à propos de ma cigarette électronique, me demandant si cela marchait, aidait à arrêter de fumer. Effectivement, depuis mon réveil je n'ai pas fumé un cigarillo, n'en éprouvais pas l'envie, ne l'éprouve toujours pas, car je me dis à quoi sert-il d'envenimer les choses, d'en rajouter une couche à mon corps, n'est-ce pas suffisant pour l'instant ? Ce monsieur fumait donc et je lui racontait mon histoire. Plus de trente ans de tabac, la cigarette électronique un beau jour, l'arrêt du tabac trois jours après, et la découverte de mon cancer du poumon trois mois après. De fil en aiguille on en arriva à ma situation actuelle, celle d'un vivant en sursis, et il me dit qu'il fallait garder espoir, qu'il était musulman, comme mon radiothérapeute, et que c'est Dieu qui décidait des choses, pas les médecins et leurs diagnostiques ou leur pronostiques. Il m'a dit que nous n'avions d'autre choix que d'accepter notre destin, mais si j'avais été en forme je lui aurai demandé ce que signifie « accepter son destin ». Se soigner alors que naturellement notre corps est malade, est-ce cela accepter son destin ?  N'est-ce pas plutôt essayer d'aller contre la volonté divine ? Quoi qu'il en soit, je crois que ce genre de débat ne m'intéresse plus. Chacun croit en ce qu'il veut, je lui demande juste de m'épargner son exposé sur sa croyance et, plus encore, d'essayer de vouloir me convaincre.

Je ne sais comment un croyant s'éprouve lorsqu'il se sait près de sa mort, mais pour moi, non croyant, cela n'est pas évident en ce moment. Oui, je n'ai rien à quoi me raccrocher pour entretenir l'espoir d'un futur, celui de l'autre côté du mur. Mon seul espoir actuel, c'est le corps médical, ses compétences, ses techniques, ses remèdes de chevaux, de taureaux, de bœufs, qu'il m'administre. Cependant, si cela permet que je ne panique pas tous les jours, que je ne tourne pas comme un lion en cage en tout moment, cela ne me prépare en rien à ma mort, en l'acceptation de l'idée de ma mort. Oui, cela ne veut pas du tout dire la même chose lorsqu'un médecin vous dit « nous allons tout faire pour vous en sortir » ou « on va tenter le tout pour le tout, mais ce ne sera qu'un répit ».

Depuis quelques jours je récupère un peu de ma motricité de ma main droite. J'arrive même à réécrire, mal évidement, comme un enfant dessine ses premières lettres, mais c'est que le solupred agit, que l’œdème se dégonfle un peu, laissant un peu d'oxygène à mon cerveau, laissant respirer la zone qui gère ma main droite. De même, je n'ai plus de tremblements, de tressaillements, dans ma jambe droite et, depuis deux jours, je peux à nouveau marcher correctement, même si je vais très lentement, tout en supportant le poids de mon ordinateur. A l'état d'esprit près, on pourrait croire que rien n'a changé depuis mon départ de Rennes.

Il est à présent 15h30, j'ai changé de café, je suis place Saint-Christophe, la place bourgeoise de Belfort, le seizième arrondissement parisien de Belfort, où néanmoins le choix est assez restreint en terme de brasseries ou de restaurants, mais ici j'ai la wifi et, avant d'être trop épuisé, j'ai tenu à répondre à Zazou, à avoir le plaisir de lui écrire, de lui répondre directement. Maintenant que c'est chose faite, parce que je marche très lentement, je ne vais pas tarder à aller à pied dans un autre quartier de Belfort, celui des deux rues piétonnières qui sont à proximités du cabinet de mon psy. Comme je le lui ai promis, j'ai avec moi les expertises-médicales qui remonte à l'époque de mon histoire avec Michel. J'ai donc ré-ouvert mon dossier judiciaire hier soir, dossier que je n'avais pas ouvert depuis au moins une décennie, et je me demandais qui il concernait, quel lien avais-je encore avec celui que je fût à cette époque. Il aurait été le dossier judiciaire d'une autre personne, que cela m'aurait laissé aussi indifférent. J'ai donc sorti les rapports, mais ne les ai pas relu, n'en vraiment pas éprouvé l'envie tant ce passé, face au présent actuel, m'est complètement impersonnel.

2 commentaires:

  1. Pour ton anniversaire, si tu le souhaites évidemment, je voudrais t'offrir un exemplaire de mon dernier recueil (mais certains poèmes sont tristes, donc zappe-les si tu n'as pas la force de les lire.)
    Tu peux me contacter à zazou.du.76@orange.fr

    Tu dis que tu me connais peu. Que te dire? Ma vie est très banale. Je suis enseignante en primaire effectivement. Mais je n'habite pas du tout Paris. J'habite un petit village dans le sud de la France, loin de la Normandie. J'ai deux filles adorables. Un mari que je ne vois malheureusement qu'un week-end sur deux.
    Je délaisse le blog par manque de temps, d'envie peut-être. J'ai l'impression de n'avoir plus grand chose à dire à travers les poèmes.

    Prends soin de toi. Je t'embrasse.

    Zazou

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    1. C'est avec un énorme plaisir que je recevrai ton recueil et te donnerai mes coordonnées sur ta boite mail demain. J'espère sincèrement que j'aurai la force de le lire, non de le survoler. Quand au poèmes tristes, ce sont ceux que je préfère car ils sont souvent les plus profonds, surtout parmi les tiens.

      Puisque tu habites dans le sud, j'espère que tu es plus proche de l'atlantique, une mer vivante, que de la méditerranée, ne mer que je trouve morte. Enfin, du fait de la distance, je comprends mieux pourquoi ta mère est si heureuse de vous retrouver, car ce ne doit pas être fréquent du coup. Quant à ton mari que tu ne vois qu'un week-end sur deux, est-ce à dire que tu ne le vis pas également de la semaine? Du coup, je me demande quel est son métier qui l'empêche d'être plus souvent auprès de vous. J'espère qu'au moins il s'y épanoui, qu'il aime ce qu'il fait, ceci comblant un peu cela.

      Quant à ton blog, l'écriture, tes poèmes, oui je peux aisément comprendre que parfois on est le sentiment de ne plus rien avoir à dire, que tout a déjà été dit. Peut-être, si l'on veut continuer à écrire évidement, faut-il essayer une autre forme d'écriture, tel le roman que tu as fait. De même, comme lorsque je faisais de la musique, il y avait des périodes où j'avais l'impression de tourner en rond, de me répéter, et je déposais les instruments en conséquence. Puis un beau jour, va savoir pourquoi, l'inspiration revenait. Peut-être en sera-t-il de même pour toi concernant la poésie.

      Sur ce, je te laisse avec beaucoup d'affection et d'estime pour toi. Puisse ta rentrée scolaire bien se passer et, lorsque tu le peux, de profiter à fond des occasions où toute ta famille est réunie, que ce soit dans le sud ou en Normandie.

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