vendredi 28 août 2015

Radicalité

28 août 2015


Par où commencer, par quoi commencer, depuis mon dernier article je n'ai plus ouvert mon ordinateur, était obnubilé par ce qui m'arrivait, me demandant ce qui m'attendait, à quel point j'étais dans la merde ou non. Cet écrit sera décousu, forcément, car je n'ai plus vraiment ma tête sur les épaules. C'est foutu, c'est tout ce que que je sais, tout ce dont je suis sûr. Alors gardez l'espoir, l'entretenir ? Actuellement c'est au-dessus de mes forces, c'est trop titanesque.

Je viens donc juste de prendre connaissance de vos messages à toutes, ainsi que d'un mail que m'avait écrit ma sœur il y a quatre jours. Dès que j'ai lu les premières lignes du poème de Zazou, je me suis mis à fondre en larme, là, à la terrasse de café où je suis. Les gens qui passent, je m'en fou, mais vous n'auriez pas dû Mamy, car ça fait mal de se voir ainsi de l'intérieur dans un miroir. Mais il me semble avoir déjà lu ce poème à l'époque où j'ai croisé votre fille sur son blog, en 2007 ou 2008. Je crois même l'avoir pris à mon compte, déjà, à ce moment.

Hier matin, 8h00, j'ai enfin vu le radiothérapeute qui va me prendre en charge, radiothérapeute détaché du CHU de Besançon. Lundi, mardi, j'ai attendu comme un con qu'il entre en contact avec moi, qu'il me fixe un rendez-vous afin que je sache quelles solutions il avait pour mon cas. En désespoir de cause, en fin de mâtinée mardi, j’appelai le centre de Montbéliard où il exerce, le Mittant, pour essayer d'accélérer les choses. Je me suis entendu dire qu'ils attendaient d'avoir tous les éléments de mon dossier, ceux-là même que j'avais amener avec moi à la radiothérapeute du CHU de Besançon lors de mon rendez-vous de la semaine dernière. Je proposais donc d'amener le jour même au Mittant tout mon dossier afin que les choses aillent plus vite. Pour se faire, avec Cynthia, nous prîmes des bus et le train. Pour moi, le voyage qui ne dura qu'une heure, fut épuisant. Nous sommes donc rentré en taxi à Belfort, car je n'en pouvais plus, était complètement essoufflé, épuisé, complètement somnolent. Une fois mon dossier déposé au  secrétariat, IRM, scanner, ordonnances, rapports, etc, de suite me fut donnez rendez-vous pour le lendemain matin, mercredi, avec le radiothérapeute. Donc mercredi, à 8h00, j'étais dans son bureau. Pendant plus d'une heure il étudia en long et en large mes IRM, l'évolution de mes tumeurs, mesura à nouveau la plus grosse, et nous découvrions qu'en l'espace de trois mois, elle avait pratiquement doublé de volume. Elle est donc passée de 1,8 cm à 3,3 cm. La deuxième tumeur, quant-à elle grossit plus lentement, mais n'est pas loin de mesurer 2 cm. Comme à Besançon ou Lyon, le radiothérapeute m'a clairement fait comprendre que l'on ne pouvait faire que du rafistolage, impossible d'éradiquer d'une manière ou d'une autre la vie de ces deux tumeurs, que quoi que l'on fasse, quel que soit le traitement, et en admettant que ce dernier fonctionne un minimum, ce serait au mieux des mois de vie en plus, mais avec des séquelles, car il ne voyait pas d'autres solutions que d'irradier à nouveau ces deux tumeurs, irradiations qui endommageront irrémédiablement des zones saines de mon cerveau. Il hésitait entre deux méthodes d'irradiation. La première serait de focaliser les rayons X uniquement sur les deux tumeurs, comme on me l'avait déjà fait précédemment, mais avec un autre appareil, un appareil pouvant envoyer jusqu'à 210 rayons sur chaque tumeur. La seconde méthode était d'irradié entièrement le cerveau, m'handicapant forcément encore plus. Mais quelque soit la méthode, au mieux cesserait le grossissement de mes tumeurs, mais tôt ou tard elles recommenceraient à grossir et, là, ce sera irrémédiablement le début de la fin. Ayant les données en mains, nous avons opté pour la première méthode, l'irradiation localisée. Comme il me l'a dit, et j'étais d'accord avec lui, autant tenter le tout pour le tout, ce sera quitte ou double, au moins pour quelque temps si ça marche.

Ce matin je suis retourné au Mittant, mais à présent j'y vais en Taxi pris en charge par la sécu, aller et retour, car je n'ai plus la force de marcher, monter ou descendre des marches, et dès que je dis une phrase je suis complètement essoufflé. Donc ce matin on a préparé mon masque, celui qui maintiendra ma tête sur la table d'opération lorsqu'ils m’irradieront. Trois séances sont prévues, la première sera vendredi prochain, le 4 septembre, trois jours après mon anniversaire. Les deux dernières séances auront lieu la semaine suivante. Dans quel ressortirai-je ? Quand reverrais-je ma fille ? Serai-je même en état de me déplacer pour aller à sa rencontre, à Paris ou ailleurs ? Et Cynthia, je n'ose même plus en parler, j'ai même parfois peur d'y penser, car elle-aussi est dans un sale état à présent. Depuis hier, elle est sous anti-dépresseur. Je le suis également depuis le début de la semaine, j'ai accepté de prendre ces cachets, car de toute façon je ne sais plus que faire, que penser, tant je ne vois que la fin.

Il est 19h00, je viens de quitter mon psychiatre, séance qui me font du bien, même si je ne n'aborde pas encore vraiment la fin de l'histoire, c'est à dire ma mort prochaine, car il est clair dans mon esprit que si je vis encore un an, cela relèvera du miracle. J'ai vu mes tumeurs à l’œuvre, la manière et la fréquence dont elles se produisent et, je le sais, en plus des deux qui vont être retraitées, d'autres métastases, ou au moins une, se développera, naîtra dans mon cerveau.

Je pense évidement à toi Lila, ne me demande pas plus pour autant comment tu vis tout ça, je l'ai compris, j'en suis à ce point-là à présent, le même que le tien, à nouveau des soins, toujours des médicaments, un psychiatre, des calmants, un anti-dépresseur à présent. Cependant je préfère ma place à la tienne, à cause des enfants. Les tiens t'ont toujours eu à leur côté, c'est pourquoi il ne faut pas que tu disparaisses, que tout soit fait par le corps médical, ton entourage, pour te faciliter la vie, te permettre de vivre, de prendre des vacances, d'avoir de réels moments de répit. Ma fille, ma chère fille, jamais n'a vécu avec moi. La rupture, la séparation, le manque, elle connaît déjà, malheureusement. Mais ma disparition ne changera en rien ses habitudes de vie avec sa mère. D'ailleurs il va falloir que j'appelle cette dernière pour qu'elle m'aide à préparer notre enfant à l'inéluctable qui peut arriver dans trois mois, comme dans six mois ou un peu plus tard. De même, je lui demanderait qu'elle m'aide à voir notre fille après mes séances de radiothérapies, quitte à me l'amener à Belfort s'il n'y a pas d'autres solutions, quitte à lui payer l'hôtel et tout ce qui va avec, quitte à ce que ma fille loupe une semaine d'école. Effectivement, déjà aujourd'hui, je doute des capacités intellectuelles et motrices que je vais conserver, je ne sais même pas si je serai en état de tenir une conversion avec ma fille. Jade est donc au courant de ce qui m'attend, je l'ai mis au courant en début de semaine, dans les grandes lignes. Par contre elle ignore que je suis condamné à court terme.

Avec mon psy, je ne sais plus pourquoi, on est revenu sur mon histoire avec Michel, sur sa mort. Il voudrait lire les comptes-rendus qu'ont fait les experts-psychiatres lors de l'instruction judiciaire de cette affaire. Je lui ai promis de les porter à sa connaissance, car depuis plus de vingt ans maintenant, tout le contenu de mon dossier judiciaire est resté à mes côtés. Il y a tout, interrogatoires policiers, compte-rendu des interrogatoires du juge d'instruction, rapports médicaux, plaidoirie de défense, des parties civiles, et verdict des juges. Je ne sais pourquoi les rapports médicaux sur ma santé mentale de l'époque intéressent mon psy, surtout dans le contexte actuel, mais qu'ai-je à cacher à présent ? Mon cancer me bouffera, plus tôt que tard, c'est ainsi.

Lors de mon rendez-vous avec le radiothérapeute du Mittant, j'ai demandé à baisser la cortisone. De 80mg, je suis passé à 60 ce matin, raison pour laquelle j'arrive à rester calme, pouvant ainsi me concentrer un peu à nouveau et revenir à mon blog et à vous. Hier après-midi, j'étais sur la terrasse de notre appartement. Cynthia et moi habitons au quatrième étages. A un moment je me suis mis à regarder en bas la pelouse et, d'un coup, l'idée de sauter m'a traversé l'esprit. Je me suis fait peur, brusquement, car de ma vie jamais pareil sensation de m'avais traversé l'esprit et le corps. Immédiatement je me suis reculé, m'interrogeant sur moi-même, me demandant ce qui commençait à se passer dans ma tête, me troublant moi-même. Puis je suis retourné vers la rembarre, lorgnant à nouveau sur la pelouse, et l'effet fût exactement le même. J'avais envie de sauter, comme si la pelouse m’appelait, me disait de venir à elle, et je me suis donc forcé à penser à Cynthia, me disant que je ne pouvais pas lui faire ça. Du coup, toujours sur la terrasse, je me suis assis sur une chaise longue et me suis mis à contempler le haut des arbres. Tout d'un coup, perché tout en haut de l'un d'eux, j'apercevais un corbeau. Pendant un bon quart d'heure il est resté là, à proximité de moi, et j'avais l'impression qu'il était là pour moi, comme un signe. D'un coup il m'est apparu que j'observais le processus de la vie. Lui, moi, l'arbre, toute la verdure qui est autour de la résidence où nous habitons, les montagnes que l'on voit au loin, les Vosges, et je me suis dit que mourir faisait partie du processus. Alors le corbeau s'est envolé et j'ai décider de quitter le domicile pour aller me poser dans l'immense parc qui est en bas de notre résidence. Je voyais les enfants jouer, courir, faire du vélo, et je ne sais pourquoi, mais je trouvais tout cela triste. Tant d'énergie, tant d'espoir en eux, tant de difficultés et d'efforts qu'ils auront encore à fournir, et tout cela pourquoi, pour dépérir un jour, peu importe que ce soit de la vieillesse ou de la maladie. Ils sentiront leur corps perdre de sa force, soit brutalement, radicalement, tel que c'est mon cas depuis quinze jours, soit progressivement, lentement, tel que ce fût également à peu près mon cas lors de mon année à Rennes. Peut-être se demanderont-ils alors, comme je ne ne cesse de le faire régulièrement, à quoi sert encore leur présence, à qui peuvent-ils encore être utile ? Et s'ils sont trop handicapés physiquement, comme ma belle-mère et comme je le deviens un peu plus chaque jours, incapable de porter une minute une bouteille d'eau d'un litre sans que cela ne m’essouffle, ils demanderont certainement également ce qu'ils peuvent envisager de construire. La réponse sera « rien », car quand le corps ne fonctionne plus, que vous êtes alité, aliéné à un lit, alors plus rien n'est possible.

Je constate que j'ai écrit beaucoup et que je ne n'ai pas envie de m’arrêter. Effectivement, j'en profite car je constate que je le peux aujourd'hui, tandis que je ne ne sais plus ce qu'il en sera demain. J'ai comme l'impression de vivre les dernières heures de mon d'histoire d'amour, car c'est bien de cela qu'il s'agit, avec l'écriture, l'expression par les mots, quelque soit la forme privilégiée pour se faire. Là, je repense à ma fille et à Lila. Effectivement, comme je n'ai pas de gliome, la chimiothérapie ne sera d'aucune utilité dans mon cas. Je ne sais pourquoi, alors qu'elle a été efficace lorsqu'ils s'agissait de s'attaquer aux cellules cancéreuses qui était dans mon poumon, elle se révèle inefficace dès lors que ces mêmes cellules cancéreuses, d'origine pulmonaire, sont dans le cerveau. Avec le radiothérapeute j'ai également parlé de immunothérapie, ces nouveaux traitements en vogue actuellement. Là aussi l m'a clairement dit que ce serait inutile dans mon cas. Non, je n'ai pas le choix, le seul traitement possible pour moi est l'irradiation.

La semaine prochaine Cynthia fait sa rentrée scolaire. Tandis qu'elle hésite à se mettre de suite en arrêt de travail, tout le monde l'incite, moi le premier, à faire cette rentrée. J'espère qu'elle tiendra le coup, sincèrement, sinon je serai complètement désemparé, ne voyant pas comment la soutenir moralement tant, moi-même, j'ai du mal à me gérer. Oui, même si ce ne sera pas la panacée, je pense qu'avoir à faire ses élèves lui permettra d'avoir l'esprit occupé, au moins un laps de temps, à autre chose qu'au sort de sa mère et moi. Quoi qu'il en soit, et je pense que c'est ce que je ferai, je pense que c'est à Paris que j'irai mourir. Oui, il est hors de question que je fasse vivre à Cynthia ce que vis son père avec sa mère. Dès lors que je ne serai plus en état de faire quoi que ce soit, je demanderai à ma mère d'organiser mon retour dans ma ville natale, qu'elle me trouve une maison médicalisé où je finirai mes jours. A moins que je ne fasse le choix de trouver une maison médicalisé sur Lyon, afin de voir parfois Cynthia lorsqu'elle descendra voir ses parents. Oui, elle ne pourra pas être à Lyon et à Paris en même temps et, ma présence à Paris, serait forcément la mort de notre couple.

Quoi qu'il en soit je vous remercie sincèrement du fond du cœur, Mamy, Lila, Virginie, pour votre attention à mon cas. Cela me fait un bien fou, je me sens vraiment moins seul, moins dans le désert.

2 commentaires:

  1. Bonsoir Hicham, nous nous demandions aujourd'hui même avec lila si l'une ou l'autre avait de tes nouvelles.. je pense souvent à toi, vous et vous inclus dans mes messages à mes anges auxquels je demande souvent soutien et aide, aussi à mon amour.. à plus tard Hicham, prends bien soin de toi, je t'embrasse, amicalement, virginie

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. CC virginie mon compte fb a été piraté je l'ai donc désactivé, dès que j ouvre un autre compte je te ferai signe, bisous.

      Supprimer