samedi 29 août 2015

Digression

29 août 2015


Tendance, je laisse les mots s'abattre comme ils me viennent, profonde lassitude, expérience du rien, du vide, mais pas du néant tant tout semble ennui, inutilité, en cet instant tout du moins, depuis plus d'une heure que je suis assis à cette nouvelle terrasse de café, place Saint-Christophe, là où se trouve la mairie de Belfort  et la cathédrale Sainte-Christophe. Je n'ai plus envie de réfléchir, de méditer, je l'ai assez fait ce matin, que ce soit par écrit ou par téléphone. Marre de parler de mon cancer, de répéter sans cesse la même histoire à mes divers interlocuteurs, qui qu'ils soient.

Je ne veux plus d'autres rendez-vous, j'aimerai que tout cela cesse, que les séances soient déjà effectuées, que tout ce tintamarre soit terminé. Je me vois déjà dans l'hospice, heureux que ce soit enfin la fin, la fin réelle, définitive. Si de plus je ne me vois pas partir, alors que demande le peuple ? Pas de souffrance, ni gémissement, juste le laisser-aller le plus complet, décidé ainsi par mon corps, décidé ainsi par mes tumeurs et mes œdèmes.

Je ne penserai plus à personne, plus à rien, plus à ma fille, plus à Cynthia, ni à quiconque. Espace de liberté s'il en est, c'est là que je me trouverai, attendant la dernière minute, l'ultime seconde. Cancer du cerveau, ainsi va la vie, ainsi sera ma mort, raison pour laquelle je me suis remis à fumer mes cigarillos, ne touchant pratiquement plus à ma cigarette électronique, sachant que ce sont mes tumeurs actuelles qui m'emporteront dans la tombe, même si d'autres se développent ailleurs dans mon corps.

Virginie m'a envoyé un poème, poème destiné à son homme, à son couple, à cet amour qu'elle veut plus que tout, mais que puis-je lui dire, sinon que son espoir est beau, certes, mais qu'il est dangereux à mes yeux, car je le constate en lisant, en me renseignant, que le cancer du cerveau est l'un des plus féroces, l'un des plus difficiles à guérir, et que les soins et traitements qu'il génère engage souvent des dégâts irrémédiables dans le fonctionnement de notre cerveau, perturbant ainsi la psyché, la motricité, ou les deux. J'aimerai que François, l'ami de Virginie, s'en sorte mieux que moi. Cependant, ais-je vraiment à me plaindre ? Entre la découverte de mon cancer et de ma première tumeur au cerveau, le corps médical à réussi à me fait vivre deux ans, ces deux dernières années, dont cette si belle année à Rennes, même si d'autres tumeurs sont apparues. Dans les années 2000, l'espérance de vie d'une personne atteinte d'un cancer du cerveau était de six mois. Il y a donc eu du progrès depuis, c'est indéniable.

Est-ce que je pleure sur moi-même ? Je ne le sais pas vraiment. Cependant je sais que je geins sur mon sort et que s'il est quelqu'un pour qui je pleure en ce moment, c'est Cynthia. Horrible ce sentiment d'impuissance, horrible de lui être non seulement inutile au possible, mais en plus un fardeau dont personne n'a besoin, un fardeau qui ne peut faire que du mal, encore et toujours. Oui, même pour ma fille je pleure moins, beaucoup moins.

Non, il n'y a plus de véritable horizon, les corbeaux eux-mêmes me fuient. J'ai la nostalgie de l'année 2008, année de ma rencontre avec Zazou, d'autres, puis Cynthia via nos blogs, année où j'ai quitté Paris, tout laissé, afin de construire avec Cynthia. Peu importe que cela n'ait pas toujours été facile, nous l'avons fait, c'est tout ce que je sais, alors qu'avec nos 25 ans d'écart, cela n'était vraiment pas gagné d'avance. Et maintenant qu'elle démarre enfin dans la vie, a sienne, celle qui lui est propre, quelque soit le secteur, le domaine dans lequel elle s'engage, je viens tout foutre en l'air avec ma maladie, vient abîmer son parcours, vient entraver sa vie. Égoïstement je reste pourtant auprès d'elle, mais cela ne pourra pas duré si ma situation dégénère encore plus, cela me sera insupportable de me savoir lui infliger plus encore qu'elle n'encaisse actuellement.

Que doit-on se dire lorsque l'on se sait condamné ? A l'heure d'aujourd'hui je n'en sais rie. Garder quand même l'espoir, l'entretenir ? Mais l'espoir de quoi et, surtout, pour faire quoi du temps éventuellement disponible ? Profitez du moment présent, je m'y efforce à nouveau depuis hier. Mais contrairement à l'époque de Rennes, maintenant que je suis certain que ma fin est proche, qu'il n'y aura pas de guérison miracle ou de nouveaux traitements mis sur le marché, découvert par les chercheurs, pour éradiquer mon cancer, ce n'est donc vraiment pas aisé d'apprécier, au sens plein du terme, le moment présent. Néanmoins, et c'est là une promesse que je me suis faite à moi-même hier, je m'engage à tout faire pour, sinon occulter demain, tout au moins le relativiser, l'accepter, afin de pouvoir encore jouir du jour présent, des moments, de l'instant, quitte à me bourrer de cachets, afin que Cynthia me voit dans un état acceptable, partageable, décent, digne.

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