mardi 16 juin 2015

Morosité

16 juin 2015


Ce soir, et toute l'après-midi il en fût ainsi, je me sens réellement morose. Je n'arrive toujours pas à m'expliquer pourquoi. Au fond de moi, je le sens, des larmes veulent sortir. Mais des larmes de quoi et, surtout, pourquoi ? Que se passe-t-il encore dans ma tête, dans les tréfonds de mon inconscient, qu'est-ce qui peut bien me chagriner en ce moment ? Pour faire passer cette morosité, ce malaise, je pensais appeler quelqu'un. Je fais le tour de toutes les personnes que je connaissais, famille y compris, mais je me suis ravisé. Effectivement, qu'aurais-je dis à mon interlocuteur ? Que je ne me sentais pas bien, mais ne savais pas pourquoi ? Non, je ne veux plus de ce type de conversion, avec qui que ce soit. Alors je vais attendre que cela passe, car ça passera forcément, tout passe avec le temps, absolument tout, y compris la mort de mon père, d'Antony qui n'avait que deux ans, et de bien d'autres que j'ai intimement connus.

Oui, aujourd'hui, comme un enfant gâté, j'aimerai me sentir dans ma fin, une bonne fois pour toute. C'est peut-être cette attente qui est mon poids actuel, cette interminable attente. Vous dire à quel point je me sens plus survivant que vivant en ce moment ne serait pas vous mentir. Pourtant toutes mes journées sont agréables dans ce sens où rien ni personne ne vient me contrarier, même pas la présence de ma nouvelle métastase et de tout ce qu'elle va engendrer. Oui, d'elle, je me fou complètement à présent, attendant déjà la suivante, peu importe pour quand, puis encore la suivante, etc. Je sais bien que j'affirme tout cela parce que je ne ressens aucune douleur physique ni d'autres diminutions notables du fonctionnement de mon esprit. Le jour où cela changera, sans doute aurais-je une toute autre perception de la chose, peut-être aurais-je de nouveau peur de la mort, de mourir, de quitter la vie. Ce jour-là viendra bien, tôt ou tard, et alors je verrai, constaterai si je suis parvenu ou non à prendre assez de recul pour le vivre le plus sereinement possible.

En attendant je me demande ce que j'ai, ce qui m'arrive, et je suis sans réponses satisfaisantes. Oui, enfin de compte, aujourd'hui je n'ai eu envie de communiquer avec personne, que ce soit verbalement ou par écrit. Sur le forum de la ligue contre le cancer, on m'a écrit, mais je répondrai plus tard, peut-être demain si je vais mieux. De même, je n'ai pas eu la force de répondre aux mails de Virginie. Là aussi, je verrai demain si je suis en état ou non de le faire. Oui, aujourd'hui je crois que j'ai uniquement envie d'être seul, complètement seul, me demandant si je vais rentrer ou non pour rejoindre Cynthia qui, malgré elle, sera un dérangement vu mon état d'esprit, ou si je vais rester dehors, dîner dehors et rentrer tard, alors qu'elle dormira. Oui, quelque part j'en ai marre et pas qu'un peu, mais suis incapable de dire de quoi...

2 commentaires:

  1. Bon, ça ne serait pas un début de dépression à soigner de toute urgence?
    Vous ne m'avez pas blessée l'autre jour; si je suis sur la même planète que vous en matière de maladie, je ne le suis pas dans la façon d'aborder la maladie
    On ne peut pas se renfermer sur soi même tout le temps, rien que pour soi.
    D'accord avec vous, quand on rend service aux autres, on se fait plaisir aussi; on n'est pas maso non plus! mais on ne peut pas vivre sans les autres et dès le matin se foutre un thermomètre dans le c...pour savoir si on va ou pas. Pauvre thermomètre en ce qui nous concerne!
    il faut prendre encore les bonheurs que la vie nous laisse et aller au devant de ces bonheurs ( un paysage, un coucher de soleil, un enfant, un animal)
    Giscard disait à MITTERAND qu'il n'avait pas le privilège du cœur, nous n'avons pas le privilège de la maladie (si c'est un privilège!)
    Non notre vie ne va pas se poursuivre très longtemps mais comme on ne sait pas quand sonnera l'heure, vivons le moins mal possible en attendant; des choses heureuses nous attendent encore si on veut se donner la peine de les voir ou de les entendre
    Je vous embrasse très affectueusement sans oublier Cynthia qui pourra toujours me trouver si elle veut des conseils de jardinage ou d'élevage
    Mamy
    PS: quitte à être totalement inculte, je préfère écouter Devos ou Desproges que lire Cioran. Eux me font encore rire même si Desproges......

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Mamy,
    début de dépression? Et bien en toute urgence, justement, en temps réel j'écris dessus, c'est le début de ma thérapie et je compte bien qu'elle m'ouvre dans l'esprit des portes que je n'ai pas encore ouvertes et qui, peut-être, me seraient fort salutaire. D'ailleurs, ces fameuses portes peuvent m'être indiqué par vos soins ou avis d'autres personnes...

    Quant à Cioran, mon grand ami, il est vrai que si vous voulez qu'un édifice s'écroule ou plomber une bonne ambiance, il est l'auteur par excellence pour cela. Mais comme Desproges, qui à mes yeux n'est pas moins salé que Cioran, on peut également se servir de leurs propos pour partir dans de bonnes rigolades (cyniques évidement).

    Quand vous me dites que l'on ne peut être sans cesse renfermé sur soi, vous avez entièrement raison et, je le pense, c'est parce que je ne connais personne sur Rennes ayant un cancer que ma situation est ainsi. A tort ou à raison, j'ai l'intime conviction de ne plus faire partie du monde des gens "sains", que nous ne pouvons voir les choses de la même façon et donc bien nous comprendre en conséquence. Même si vous et moi ne communiquons que par écrit, comme je l'ai également dit à Lila, cela m'apporte bien plus que mes séances chez mon psychiatre. Je ne sais comment dire la chose, mais je vais tenter de le faire. Les non cancéreux entendent mes mots, peuvent peut-être en comprendre quelques uns, mais vous vous les vivez, je le sais, vous ne faites pas que les entendre, n'avez pas besoin de chercher à les comprendre, vous les vivez et vous n'avez pas besoin de dictionnaire pour me décoder. Aussi, lorsque je serai à Besançon, je pense que cette fois j'irai dans un groupe de parole de la ligue contre le cancer, ce que je n'ai pas voulu faire auparavant, croyant que j'arriverai seul à surmonter tout cela. J'ai présumé de mes forces, j'en prends acte, et je crois qu'entendre de vive voix d'autres personnes ayant le cancer me fera du bien, me permettra également de renouer des relations, de ne plus rester seul dans mon coin.

    En ce moment, depuis quelque jours du moins, mon seul véritable bonheur est pourtant d'être seul. Ce que je dis est cruel quelque part, car vous allez me dire : et Cynthia dans tout ça? Bien évidement je ne cesse de me le dire et, du coup, tout s'écroule, y compris la satisfaction éprouvée auparavant d'avoir été seul. Je vais donc écrire là-dessus, continuer à me creuser les méninges pour comprendre pourquoi je n'ai envie d'être avec personne en ce moment, pourquoi j'aimerai être un ermite, même si ce n'est que momentané.

    Comme vous le dites justement, ne sachant quand sonnera l'heure, autant vivre le plus agréablement possible. Le problème, du moins le mien, ce sont les humeurs. De semaine en semaine, elles peuvent changer du tout au tout, sans raison apparente, et du coup je me retrouve complètement largué avec moi-même, ces dernières prenant alors le dessus sur mon moral. Donc quand l'humeur est bonne, c'est parfait et là je marche, que dis-je, je court vers toutes ces choses heureuses qu'une journée peut me présenter, mais quand l'humeur est à la baisse, alors je n'apprécie plus rien ou presque.

    Quoi qu'il en soit j'espère que vous vous portez quand même bien, physiquement s'entend, que vos traitements ne vous fatigue pas trop, car je constate que le moral vous semblez l'avoir et vouloir le garder, coûte que coûte !

    A très bientôt.

    RépondreSupprimer