mardi 9 juin 2015

Morosité

9 juin 2015


Cynthia vient de m'appeler, elle quittait son lycée, était à la gare et s’apprêtait à prendre son train pour venir à Rennes. Elle a dit qu'elle trouvait ma voix morose. Par réflexe, donc par bêtise, j'ai essayé de la convaincre que je ne l'étais pas. Pourquoi ai-je fais ça ? Pour ne pas l'inquiéter ? De toute les façons, quoi que je lui dise ou non, elle est dans l'inquiétude à mon égard, constamment, plus ou moins selon les jours, cela est vrai, mais je la sais dans l'inquiétude, sur le qui-vive, à l'affût du moindre signe inhabituel. Alors oui, j'aurai dû lui dire que j'étais d'humeur morose, un peu morne, m'ennuyant un petit peu, mais sans plus, c'est amplement supportable, car j'ai l'écriture pour m'occuper, pour détendre mon esprit le temps d'écrire ces mots et, à défaut d'inspiration, j'ai le livre de Cioran avec moi. Donc je cache une partie de la vérité, la mienne, à Cynthia. Oui, je n'ai pas envie qu'elle se prenne la tête, cela ne sert strictement à rien vis-à-vis de moi et envers moi, et cela m'évite donc de me prendre la tête à mon tour. Cependant elle va lire ces lignes, à moins que je ne décide de ne pas les publier. Mais en ouvrant mon blog, je me suis promis de publier tout ce qui me passerait par la tête, même si cela doit déplaire à certains, certaines, tant il est fondamentalement vrai que l'opinion des autres n'a plus d'impact sur moi. Les autres, Cynthia y compris, ne me servent qu'à ouvrir mon esprit, à me pointer du doigt ce que je n'ai pas vu ou ce que j'ai peut-être mal interprété. Mais sur la manière dont je me ressens ou devrais me ressentir, non, plus personne ne peut rien pour moi dans ce domaine. Je suis le seul capitaine à bord, un capitaine sans équipage, sans même de bateau, et qui n'habite guère près de la mer, sait que plus jamais il ne voguera sur l'océan. La maladie, le cancer, a tout ruiné. Mais on peut le dire autrement, elle a tout remis à plat, absolument tout, y compris mon désir de connaître désormais la mort, non pas théoriquement, mais bel et bien en pratique. Oui, je me vois déjà et souvent dans le cercueil, les gens alentours se morfondant pour rien, pour quelqu'un qui fût, n'existe plus et, finalement, n'aura rien apporté de transcendant à qui que ce soit, excepté peut-être de bons moments. Mais parmi mes proches, je le sais, ce qu'ils retiendront de moi seront tous les problèmes, toutes les galères que j'ai pu généré. Oui, bien plus que les bons et rares moments de convivialité, c'est ma grande gueule et mes coups de sang qu'ils retiendront, attitude à laquelle ils ont souvent dû faire face, à commencer par ma mère qui, je le pense, me survivra. La plus malheureuse de ma disparition, ce sera elle, bien plus que ma fille ou quiconque. Cependant, parce qu'elle croit en toutes les divinités inimaginables, elle trouvera vite où se réconforter et auprès de qui le faire. Ma mère, comme moi et vous, est aussi une folle. Simplement sa folie est différente de la nôtre parce que ses croyances sont autres ? Il en va de même des croyants, des non croyants, tous nous sommes dans notre bulle, bulle complètement irréelle dès que l'on se penche deux secondes sur la question. Très vite, chacun ne peut que constater la limite de ses raisonnements, de sa réflexion, qu'il arrive un moment où nous buttons, car de pourquoi en pourquoi, de comment en comment, arrive toujours ce moment où un pourquoi nous bloque, déstabilisant ainsi tout l'édifice, aussi solide paraissait-il être.

Bref, pour en revenir à ma mort, ou à la mort de l'autre en général, au corps mort, ce n'est pas cela qui atteint vraiment l'autre, car sinon chaque corps morts que nous verrions, aux actualités par exemple, nous mettrai dans tous nos états. Non,c'est le lien que nous pleurons, regrettons, pas la personne elle-même, personne que nous méconnaissons le plus souvent. C'est la raison pour laquelle personne n'assiste aux enterrements de certains de leur proche. C'est parce qu'il n'y avait aucun lien ou, le lien étant si exécrable, qu'ils ne se déplacerons pas aux funérailles et se diront « bon débarras ».

Quant à ma morosité du jour, à quoi est-elle dû exactement ? Cynthia a sa théorie, elle pense que ma routine m'entraîne insidieusement dans l'ennui. Peut-être a-t-elle raison, peut-être a-t-elle tort, mais la seule chose que je sais c'est que je dois faire avec, comme je dois faire avec mon cancer, mes métastases, mes soins. Il ne sert à rien que je me triture la tête a essayer de comprendre mes états d'esprits, mes humeurs, j'ai juste à en prendre acte et faire avec, le reste n'étant que du superflu, des questionnements qui m'amèneront plus de problèmes qu'autre chose. Autant accepter, se résigner à la morosité ou à l'ennui, en tirer parti du mieux que l'on peut sans que ces derniers ne nous détruisent, cela est amplement suffisant.

2 commentaires:

  1. Je n'ai pas beaucoup de temps pour lire ce que vous avez écrit mais je pense bien à vous
    En effet, habitant à la campagne, j'ai commencé mes confitures (rhubarbe, fraise et cerise pour l'instant).
    Nous avons aussi des poules et des moutons; plus de lapins depuis que Zazou a quitté la Normandie. Je ne veux pas toujours embêter mes gentils voisins et nous allons voir Zazou environ 3 fois par an.
    Nous avons eu 5 chiens mais il ne nous en reste plus qu'un..
    Cynthia, si vous voulez des animaux, n'oubliez pas que c'est beaucoup d'investissements. Par contre, cela apporte beaucoup de joies
    Je voulais aussi dire un petit mot à Lila, si courageuse. Merci de parler si gentiment de la France. Vous rejoignez en cela mes deux belles filles.
    Quant à Hicham, qu'il nous tienne au courant de ses futurs examens médicaux
    Je vous embrasse tous
    Mamy

    RépondreSupprimer
  2. A peu de choses près, je pense que vous menez la vie dont rêve Cynthia. Je ne sais si un jour elle se lancera dans la confection de confitures, ce qui est fort probable si elle en a le temps car elle aime çà les confitures. Pour l'instant, elle se fait son propre beurre de cacahouète, bien évidement des gâteaux, des tartes, car c'est une sacrée gourmande.
    Je ne sais s'il voudrait d'un mouton, mais tous les autres animaux que vous avez eu ou avez encore, oui elle souhaite les avoir, poules, coq, faisans, lapins y compris. J'espère donc qu'elle aura la maison et le terrain nécessaire pour pouvoir s'y installer avec toute sa ménagerie.

    A très bientôt Mamy, en vous embrassant bien fort.

    RépondreSupprimer