samedi 2 mai 2015

Quand l'humeur s'en mêle...

2 mai 2015


I est 10h30 et cela fait plus d'une heure que je suis dehors, à un café près de la gare, à regarder la pluie tomber. Levé depuis 7h30, immédiatement je me suis senti irrité, irritable, énervé, tendu. De même, dans mon cerveau, les décharges électriques ont commencé à se manifester. Immédiatement j'ai pris mes médicament, cortisone en tête, mais il a fallu prés d'une heure pour qu'ils agissent et que ces putains de décharges cessent. Cependant, je sentais toujours monter en moi de la  colère, ma tension ne baissait pas. Alors je me suis rabattu sur mon anxiolytique, le Xanax. J'en ai pris deux d'un coup et, il y a quelques instant, j'en ai  repris un autre. Oui, voilà l'un des effets secondaires de la radiothérapie et de ces métastases qui foutent le bordel dans mon cerveau. Cela agit sur l'humeur et il n'est rien que je puisse me dire qui puisse me faire redescendre lorsque je suis tendu à ce point. Je suis comme un loup enragé et mon seul palliatif pour redevenir un animal sociable, un bon toutou, c'est le Xanax. Le Vidal, bible des médecins où sont recensés tous les médicaments existant, leur composition et leur mode d'emploi, précise qu'il ne faut pas prendre plus de six Xanax par jour. Mais moi j'emmerde le Vidal et si, comme hier, il me faut en prendre dix pour me sentir un minimum apaisé, détendu, alors l'affaire est entendue. Combien en prendrais-je aujourd'hui, là est la question ?

Donc oui, il faut que je sorte de mon cancer, que je puisse plonger dans autre chose, mais quand votre journée commence ainsi, comment faire pour l'oublier, comment faire pour se vivre comme quelqu'un de sain, comment faire pour se vivre comme quelqu'un qui n'est pas trop malade ? Alors je fume tellement tout ça m'énerve, tant pis si cela n'aide en rien une rémission possible, toute théorique, en laquelle je ne crois pas de toute les façons. Favoriser ou non la progression de mon cancer est devenue presque secondaire pour moi. Je ne ferai pas de vieux os, là est ma conviction, et n'étant dès lors pas à un mois près de survie supplémentaire, je ne veux plus me prendre la tête avec les efforts. Si j'ai envie de fumer, alors je fume. Si j'ai envie de passer ma journée dehors, en solitaire, laissant derrière moi tous et toutes, alors je le fait. Certes, je n'ai pu diriger, organiser ma vie comme je l'entendais, mais il est clair  dans mon esprit, même plus que clair, que ma mort s'organisera comme je l'entends et peu m'importe dorénavant l'opinion des gens, de mon entourage, sur mes décisions, sur mes comportements et mes état d'âme. Pour mener sa vie dans la direction souhaitée, pour atteindre nos objectifs, nous n'avons d'autre choix que de faire des efforts, d'accepter des compromis, parfois des humiliation. Mais moi je n'ai plus d'objectif, si ce n'est celui de ne pas sentir mon corps souffrir. Que ma tête, ma pensée soit un beau bordel,cela n'est pas bien grave, il y a des cachets pour la tempérer, mais la douleur physique, comme mes décharges électriques, mon cerveau que je sens complètement comprimé sous mon crâne, ou toutes autres douleurs physiques contre lesquelles il n'existe pas de médicaments miracles, oui, je pense que ces douleurs sont bien pires que les états d'âmes psychologiques.

J'ai vu Cynthia au réveil ce matin. C'était une loque. Oui, hier soir je l'ai appelé tandis que j'étais dehors, en solitaire encore une fois. Je lui ai dit ma pensée, que le mieux pour nous deux était que nous nous quittions, elle pour respirer, pour ne plus avoir à supporter, à encaisser la masse de contrariété et d'inquiétude que je lui apporte malgré moi, moi pour respirer également, mais en me laissant aller, en étant seul dans mon coin à vivre comme un ermite, sans aucune présence autour ou en face de moi. Elle n'a pas aimé ce que je lui ai dit,  car elle ne voit pas du tout sa situation envers moi, avec moi, avec le même regard. Je l'ai écouté profondément, entièrement, mais ce matin encore je ne sais toujours pas quoi penser, quoi faire exactement. Elle veut que je reste auprès d'elle, quelque soit mon état, comme celui de ce jour et d'hier par exemple, m'expliquant qu'elle avait besoin de ma présence. J'entends bien tout ce qu'elle m'a dit, cela et d'autre chose, mais je ne comprends pas, non, je ne comprends vraiment pas ce que ma présence peut désormais lui apporter de vivifiant, d'agréable, de bon. Ainsi, en ayant eu cette conversation avec elle hier soir, c'est elle qui s'est bourrée de cachet avant d'aller dormir et, ce matin, j'avais une loque déprimée face à moi. Oui, je n''en démords pas pour l'instant, mais il me semble que la sagesse voudrait que je la quitte, le plus tôt étant le mieux, afin de l'épargner, de la préserver de ce que je deviendrai à l'avenir. Oui, dès lors que le cerveau est atteint, vous ne savez plus qui vous allez devenir. Déjà je ne suis plus le même qu'il y a deux ans, tant par mes facultés mentales qui régressent, mémoire, réflexion, concentration, attention, que par mon humeur, donc mon état d'esprit, qui se modifie au fur et à mesure des semaines qui passent.

Bientôt, je le sais, je le sens, je vais me remettre à boire de l'alcool. Oui, il me faut un échappatoire autre que ces putains de médicaments qui ne me permettent pas de m'éloigner, au moins pour un court laps de temps, de mes pensées obnubilées par mon cancer, mon état, ma condition, mon attente de la fin. Je ne sais quand je recommencerai, si ce sera ici à Rennes ou, si je ne quitte pas Cynthia, à Besançon, ville située dans une région qui ne m'attire pas du tout à priori. Je n'ai jamais aimé la montagne, même si j'aime pourtant la neige. La montagne me rend claustrophobe, limite mon champs de vue, voici le souvenir que j'en ai tandis qu'à l'époque, j'avais alors 22 ou 23 ans, j'habitais Annecy. J'étais resté une année là-bas. La ville était belle, l'est toujours, son lac également, mais cerné par les montagnes jamais je ne m'y suis senti à l'aise. Ne connaissant pas Besançon et ses alentours, je me garde bien de projeter quoi que ce soit comme images, j'espère simplement que je n'éprouverai aucune gêne lorsque j'y serai. Il se peut également que ma vision de la montagne se trouve modifiée une fois que je serai sur place, car le temps vous change, tout comme la maladie, et il se peut très bien que je m'en accommode. L'avenir le dira.

Quatre heure maintenant que je suis réveillé, quatre heure pour commencer à redescendre un petit peu de mon état initial, car si je sens que je me soulage subrepticement, à petits pas, presque à tâtons, je suis pas détendu pour autant et me sens toujours un peu excité. Je grince des dents, encore et encore, mais je m'en fous, cela m'aide à décompresser, du moins je le crois. Quoi qu'il en soit il ne me faut personne en face de moi lorsque je suis dans cet état, c'est certain. Mon ton serait agressif, je parlerai certainement crûment, serait même capable de m'en prendre  mon interlocuteur, à le provoquer pour un oui ou pour un non, histoire de décharger toute cette agressivité que je sens en moi. Oui, le plus sage est que je sois seul dans mon coin, le temps que cela passe.

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