lundi 4 mai 2015

Humeurs

4 mai 2015


Il pleut à verse, à torrent, et comme un bateau, entre deux vagues, je me laisse tanguer. Plus de pluie aujourd'hui, en tout cas dans ma tête, mais de gros nuages, sombres et clairs, images de mon cerveau, de ses métastases, de leurs attaques, de leurs progressions. Elles m'envahiront, l'envahiront lui, là haut, perché sous mon crâne, et il ne pourra que succomber, manque de place, d'élasticité, de plasticité. Si ce n'est pas là-haut qu'elles prolifèrent, alors elles iront ailleurs, descendront par je ne sais quel escalier, quelle branche, quel ruisseau vers mes organes intérieurs, peut-être le foie, peut-être les bronches, le péritoine ou l'estomac. Quoi qu'il en soit, parce que ces vipères ne m'ont pas laissé tranquille une seule minutes depuis la découverte de mon cancer, je sais qu'elles ne lâcherons pas le morceaux, qu'elles voudront tout manger, se créer leur nid douillet au sein même de mon corps, qui soit-disant est aussi le leur, ne m'en déplaise, et je dois faire avec. Paquebot en naufrage, iceberg droit devant, elles sont le Nautilus, m'attaquent par le fond, sous les eaux, et lancent leurs missiles, leurs ogives cancérigènes, et c'est à coup de rayon X que, pour l'instant, je me bat contre elle. Seul je suis dans ce combat de moi-même avec moi-même, de moi-même face à moi-même, mais est-ce véritablement un combat puisque je n'ai aucun adversaire sinon moi-même. C'est comme se regarder dans une glace, voir son image, savoir que nous sommes là. Nous pouvons même toucher le miroir, notre image dans ce dernier, nous donnant l'illusion de nous toucher, d'avoir prise sur notre personne, mais il n'en est rien, l'image est soi et en même temps quelqu'un d'autre, quelqu'un sur lequel nous n'avons pas de prise, que nous ne pouvons que contempler, avec tristesse ou non, sympathie ou antipathie, mais nous ne pouvons le modifier, pas plus courber son image que la faire devenir autre, celui que l'on était soi-même il y a vingt ans par exemple. Non, l'image est notre fidèle reflet alors que l'inverse n'est pas vrai. Elle nous renvoi la juste réalité tandis que nous ne lui donnons que l'aspect que nous voulons, souriant ou non, pleurant ou non, criant ou pas.

Dans quel état suis-je aujourd'hui, cet après-midi ? Certainement pas dans celui de ce matin, aux antipodes mêmes. Ce matin j'étais un guerrier malgré moi, prêt à me battre, prêt à abattre, meurtrir de mes mains le salopard qui a fait pleurer hier et aujourd'hui celle que j'aime. Cet après-midi, je suis stone, toujours sur le fil du sommeil, j'ai d'ailleurs somnoler tout à l'heure, même me suis endormi vingt minute après le déjeuner, juste avant mon rendez-vous chez mon psy, psy qui n'était d'ailleurs pas là à l'heure convenue. Mais rien à foutre, je le rappellerai et prendrai un autre rendez-vous. Je constate simplement mes différents changements d'humeur au fil de cette journée qui s'écoule, que je ne peux maîtriser que partiellement à l'aide de mes cachets, Xanax et morphine, morphine que je ne prenais plus puisque la douleur de mes côtes est entièrement gérable à présent. Mais je prends de la morphine car elle joue sur la psyché, même à faible dose. C'est mon héroïne, ma came, ma drogue. Avec elle, je me sens légèrement planer et j'aime çà, oui, je préfère planer que de me sentir tendu, en colère, proche de la rage.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire