jeudi 14 mai 2015

Hospitalisation

14 mai 2105


Il est 7h00, je suis levé depuis 5h00, suis toujours dans cette chambre glauque d'hôpital. Demain, cela fera une semaine que je ne n'ai pas écrit, une semaine que je suis hospitalisé, une semaine que je récupère, que je reprends mon souffle, que je réapprends à respirer et, si tout se passe bien, c'est demain que je devrai rentrer chez moi.

Où suis-je, dans quelle maladie, quelle pathologie ? La récurrente, le cancer, ou la nouvelle, la myopéricardite, une pathologie qui touche le cœur et ses muscles ? Tout a donc commencé vendredi dernier. Je me souviens, il faisait beau, il faisait chaud et, comme chaque après-midi, j'étais installé à la terrasse d'un café près de la place Sainte-Anne, à Rennes. Je venais de finir de publier mon dernier article sur mon blog, m’apprêtais à ranger mon ordinateur et à rentrer chez moi. J'étais tranquillement assis sur ma chaise et là, brusquement, comme un foudroiement, tout s'est mis à tourner dans ma tête, tout tournait autour de moi, les bras m'en sont tombé et je crû sincèrement que j'allais m’évanouir, tomber inconscient. Je restai ainsi pendant au moins une minute, ma tête ballottant de droite à gauche, n'arrivant pas à hisser mes bras au niveau de la table afin de poser mes mains sur cette dernière. Constatant que je ne m’évanouissais pas, mécaniquement, machinalement je cherchais une explication à mon état. De suite je pensais cancer, à mon cerveau, mes métastases qui devaient encore me jouer des tours. Si tel était le cas, ce vertige totale devrait passer dans le quart d'heure suivant. Puis j'eus subitement envie d'aller à la selle. Souvent, quand mon cerveau me joue des tours, il m'envoie au toilette, allez savoir pourquoi. Pour se faire, je devais donc me lever, monter les marches du café puis descendre un escalier en colimaçon pour accéder aux toilettes. Je commençais donc à me redresser et plus je me levais, plus tout tanguait. Néanmoins je parvins à atteindre l'escalier en colimaçon, mais en le descendant, à chaque marche, je me cognais la tête contre le mur. L'escalier débouchait sur une grande salle. Là, le vertige devenant insupportable et des signes d’essoufflements se manifestant avec récurrence, je dû m'asseoir à l'une des tables afin de récupérer un peu. Une minute plus tard j'étais dans les toilettes, achevant ma besogne. Combien de temps suis-je resté dans ces toilettes ? Dix minutes, un quart d'heure ? Quoi qu'il en soit, tout tanguait autant, les quatre murs exigus me semblaient tourner dans tous les sens, comme dans un manège à sensation. Lorsque enfin j'eus fini mon activité, je du me redresser et m'accouder contre le mur pour me rhabiller, ce qui ne m'empêcha pas de me cogner la tête une fois de plus contre la porte du toilette. Je dû mettre au moins cinq minute à remettre correctement mon pantalon, ce fut un véritable effort, comme si je ne possédais plus la maîtrise de mes mains, de mes doigts. Cela me mit en sueur, m'essoufflait plus encore, et je dû retirer mon pull tellement je transpirai déjà à grosses gouttes. Le chemin du retour fût tout aussi catastrophique. Je manquai de tomber par terre en traversant la salle basse qui menait à l'escalier en colimaçon et, ce dernier, c'est à quatre patte que je le remontais. Arrivé en haut, il me fallut redescendre la dizaines de marches du café pour regagner ma table en terrasse. Là encore je crûs que j'allais tomber, me casser la gueule, me vautrer par terre. Le garçon de service, me voyant descendre les marches, s'aperçut de suite que quelque chose n'allait pas. Cependant il hésita à venir vers moi et se contenta de me regarder déambuler, tituber jusqu'à ma chaise. Une fois assis, je m'écroulais de tout mon poids sur ma table, sur l'ordinateur exactement, essayant de reprendre mes esprits, cherchant toujours à comprendre ce qui m'arrivait. Je me disais que mon cerveau me jouait un nouveau tour, un tour que je ne connaissais pas, que mon cancer de merde reprenais de l'élan, de la vigueur, voire se développait. Pendant cinq bonne minutes je suis resté ainsi, affalé sur ma table, ma tête entre mes bras, à transpirer, suer, tanguer. En désespoir de cause, constatant que mes symptômes chaotiques ne passaient pas, j'appelais le garçon de café. De suite il s'empressa vers moi et je n'eus même pas besoin de parler. De suite il comprit et me proposa d'appeler les pompiers. Je n'eus même pas la force de lui dire oui, mon souffle ne parvenait plus à transporter ma voix. Je lui fit donc comprendre par un mouvement de tête de mon approbation. Sitôt qu'il eut les pompiers en ligne, ceux-ci demandèrent si je pouvais leur parler. Je dis au garçon, toujours par un mouvement de tête, que non, je ne pouvais le faire. Dans un ultime effort je réussit cependant à prononcer ces mots au garçon : cancer, j'ai des métastases au cerveau, c'est mon cancer. Puis, immédiatement, je m'affalais de nouveau sur la table, bras en croix, ma tête plongée à l'intérieur. Au bout de combien de temps sont arrivés les pompiers, je n'en sais rien. Ils me parlaient, mais je ne comprenais rien. Tout allait trop vite, autant leurs mouvements que leurs paroles. Constatant que je ne pouvais dialoguer avec eux, ils allèrent chercher un brancard, m'y installèrent et me mirent dans leur camion. Là-aussi ce fut le chaos. Toujours ils me parlaient, me posaient des questions, mais d'une voix si forte que j'en avais mal à la tête. C'est là également, dans le camion, que se manifestèrent mes premières douleurs. C'était tout le bras gauche. Il me lançait, c'était comme des coups de marteaux qui montaient de ma main à mon épaule et, ce, sans relâche. Je sentais le sang qui coulait dans mes veines, toujours de ma main à l'épaule. C'était comme des rafales de vagues qui se fracassent sur une falaise normande en pleine tempête. Sitôt une vague fracassé, brisée en mil morceaux contre je ne sais quelle partie de mon bras, de suite une autre prenait la relève. C'était non stop, une vraie douleur à en crever. Je ne savais plus comment me positionner dans le brancard, quelle posture prendre. Je me tournais dans tous les sens, tantôt les jambes en l'air, tantôt les jambes sur le bas-côté du brancard, ballottées par le mouvement du véhicule. Les pompiers n’arrêtaient pas de m'interroger, me demandaient quels étaient mes symptômes. De mon côté, je leur demandais de parler moins fort, leur disais qu'ils brisaient ma tête. Je comprenais parfaitement leurs questions, savaient pertinemment ce qu'il me fallait leur répondre et, pourtant, je répondais à côté. Certes, ce que je disais était parfaitement cohérent, mais hors de propos avec le sujet. Au lieu de leur répondre que j'avais le vertige, que tout tanguait, que j'avais mal au bras et commençais à avoir une pointe au cœur, une pointe douloureuse, comme si l'on m'enfonçais un clou dans cette partie de mon cœur, non, ce n'est pas cela que je leur disais, je leur parlai de métastases, de cancer, leur disais que j'avais peur, très peur, ne comprenais rien à ce qui m'arrivait. Puis nous arrivâmes à l'hôpital, aux urgences, où là je fus pris en main par je ne sais qui. Après un rapide diagnostic, on me transféra en cardiologie. Ma tête tournait toujours autant, mon bras gauche et la pointe dans mon cœur me faisait toujours aussi mal. Aussitôt on me fit une prise de sang, un électrocardiogramme et, plus tard, une échographie du cœur. De même, afin d'atténuer mes douleurs, on commença à m'injecter de la morphine et à me donner des antalgiques. Il devait être 18h00, nous étions vendredi, le week-end commençait bien.

Alors que j'étais au café, juste avant que les pompiers n'arrivent, Cynthia m’appela au téléphone. J’eus la force de décrocher, mais fut très bref. Je ne vais pas bien du tout, lui dis-je, je vais à l'hôpital et te rappellerai de là-bas. Jamais je ne l'ai rappelé, je n'en avais tout simplement pas la force ni la présence d'esprit, mais elle vint me rejoindre, apprenant je ne sais comment où je me trouvais. Toute la nuit de vendredi à samedi nous sommes donc resté aux urgences. J'étais épuisé et parce que mes douleurs étaient trop insupportables, malgré la morphine, je ne pu m'assoupir. Puis vers 9h00 ou 10h00, les lancements dans mon bras gauche commencèrent à cesser. De même, je n'éprouvais plus la pointe dans mon cœur. C'est ainsi qu'on nous laissa quitter les urgences samedi matin et que nous pûmes rentrer chez nous. Les médecins ne purent établir aucun diagnostic final, ils ne comprenaient pas ce qui m'était arrivé. Mais je m'en foutais. J'étais certes dans le chaos, mais néanmoins content de rentrer chez moi. Dès mon arrivé à la maison et, ce, toute la journée et la soirée, je n'ai cessé de dormir par tranche de deux à trois heure. Sitôt éveillé je prenais un aspirine soluble qui m'avait été prescrit à l'hôpital et un Xanax, histoire de me ré-endormir. J'étais littéralement épuisé. Puis, dans la nuit de samedi à dimanche, vers 2h00 du matin, je me réveillais une nouvelle fois, mais cette fois avec de nouvelles douleurs. J'avais comme un plaque contre mon thorax, sur mes poumon, et une autre plaque dans mon dos, plaquant mes côtes. De ce fait je n'arrivais plus à inspirer correctement. Dès que je forçais un peu, ces plaques empêchait mes poumons de se développer, de se gonfler, et cela me faisait mal, très mal. Cynthia était réveillé et proposa que l'on appelle un médecin. Au début je lui signifiais mon désaccord, je voulais attendre de voir si cela allait passer ou non. Au bout d'un quart d'heure je dû me rendre à l'évidence, c'était de pire en pire, j'avais de plus en plus de mal à respirer et était complètement essoufflé, ne parvenant presque plus à parler. Cynthia appela SOS Médecin. Il me semble qu'il arriva rapidement. Il me posa des questions, mais j'avais bien du mal à lui répondre, car j'étais encore cassé, fatigué, épuisé, et n'avais presque plus de souffle. Il me fit un électrocardiogramme et sa conclusion fût qu'il fallait que je retourne aux urgences, en cardiologie à nouveau. Une fois arrivé là-bas, on me refit toute une batterie d'examen et là, cette fois, un diagnostic fut posé. Je faisais une myopéricardite, pathologie qui n'avait strictement rien à voir avec mon cancer. Mon hospitalisation fut alors décidé et, depuis, je suis toujours dans la même chambre d'hôpital.

Ainsi, à présent, c'est mon cœur qui entre dans la partie, comme si mon cancer ne suffisait pas. Au moins, pendant quatre jour, il m'aura fait oublier mes métastases et tout ce qui va avec. Mais depuis hier, je n'ai plus de douleur et peux à nouveau respirer correctement, étant ainsi beaucoup moins essoufflé. J'ai dormi beaucoup, voire énormément, entre samedi et mardi. Mais n'est-ce pas cela le traitement pour cette nouvelle pathologie, le repos absolu ? Cependant, depuis hier je reprends mes esprit et m'aperçois le matin, au réveil, que mon cerveau, ses inflammations, n'en ont pas fini avec moi. J'ai encore quelques décharges électriques qui se manifestent et, parfois, comme des fréquences radios qui s’incrustent dans mon crâne. Cependant, une fois mes médicaments pris, tout cela disparaît. Je devais diminuer la cortisone dans les jours à venir. Je ne le ferai pas. De même, tous mes examens relatifs à mon cancer ont été avancé, IRM et scanner. Il va être le temps d'un bilan total, je le pressens, et adviendra ce qu'il adviendra. Mais tout de même, avoir des problèmes au cœur à 47ans, n'est-ce pas un peu tôt ? Que dire du cancer alors, du cancer en général, qui se fou complètement de l'âge de ceux et celles qu'il atteint...

3 commentaires:

  1. je vous écrirai plus tard; vous n'êtes pas Zola mais je ne suis pas George Sand non plus. Par contre je ne connais pas Cioran.
    Je vous souhaite un bon rétablissement et vous embrasse bien fort ainsi que Cynthia

    RépondreSupprimer
  2. Voilà, j'ai un peu plus de temps. Est ce que vos problèmes cardiaques sont liés au tabac? Ou le stress à ruminer cet affreux cancer? Je pense très fort à vous mais hélas ne peux pas beaucoup vous aider; Cynthia le fera beaucoup mieux que moi
    Tenez bon aussi, un autre copain de galère, de cancer a besoin de votre aide et votre expérience va lui être très utile
    Dans deux jours, je ne serai pas loin de chez vous; je fais la traversée à pied du Mont Saint Michel avec mon mari; j'aurai une grosse pensée pour vous
    Je vous embrasse, vous qui pourriez être mon fils

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour Mamy,
    étant toujours hospitalisé, fatigué, je ne serai malheureusement pas très long.

    Cioran est un écrivain de la mouvance nihiliste. Il a écrit de nombreux ouvrages composés essentiellement d'aphorismes. C'est un écrivain existentiel, presque un philosophe, même si contrairement à ces derniers il ne propose pas de solution aux problèmes, aux paradoxes qu'il met sur la table. Son ouvrage le plus connu se nomme "De l'inconvénient d'être né". Le titre, à lui seul, est déjà tout un programme ! Voici quelques-unes de ses citations afin de vous donner une idée du personnage :

    “N’a de convictions que celui qui n’a rien approfondi.”

    “L’on ne peut goûter à la saveur des jours que si l’on se dérobe à l’obligation d’avoir un destin.”

    “La conscience est bien plus que l'écharde, elle est le poignard dans la chair.”

    “Depuis deux mille ans, Jésus se venge sur nous de n'être pas mort sur un canapé.”

    “Je sens que je suis libre mais je sais que je ne le suis pas.”

    “Et avec quelle quantité d'illusions ai-je dû naître pour pouvoir en perdre une chaque jour !”

    “On n'écrit pas parce qu'on a quelque chose à dire mais parce qu'on a envie de dire quelque chose.”

    “Des opinions, oui ; des convictions, non. Tel est le point de départ de la fierté intellectuelle. ”

    Pour moi, Cioran est un maitre à penser. On est d'accord ou pas d'accord, mais il incite à la réflexion, c'est indéniable. Il se lit très facilement, mais si vous n'avez pas le moral, j'en déconseille sa lecture tant bien peu de chose trouve grâce à ses yeux. Voilà pour mon petit éloge de Cioran.

    Quant à mes problèmes cardiaques, oui, le médecin m'a dit que le tabac pouvait faire partie des facteurs déclenchant. Donc, depuis une semaine je ne fume plus, je ne prends que ma cigarette électronique. De même, arrêttez de croire que vous ne pouvez pas m'aider, ou que votre présence n'est rien ou presque. Un jour j'écrirai, je publierai un papier sur l'importance pour un malade d'avoir de la présence autour de lui, peut importe quel type de présence, physique, par mail, par téléphone, par commentaire, et à quel point la manifestation de ces présences joue sur son moral, son état d'esprit, et peu importe le degré de connaissance, de lien, qu'il a avec ces personnes. Ne sous-estimez pas votre importance, en tout cas pour moi, car sachez que désormais cela me ferai étrange, même très étrange, de ne plus avoir de vos nouvelles, de ne plus communiquer avec vous, échanger, dialoguer et apprendre.

    Enfin, je suis ravi pour vous de votre séjour à venir au Mont Saint-Michel. J'y ai été deux fois et c'est vraiment magnifique.

    Je vous embrasse également, vous qui pourriez être ma mère et qui, j'en suis sûr, avez en conséquence un regard bien plus lucide que le mien sur l'existence (privilège de l'âge?)

    RépondreSupprimer