mercredi 27 mai 2015

Diagnostic

27 mai 2015


Diagnostic, bilan, état des lieux, compte-rendu, comment nommer mon rendez-vous, mon entretien, mon dialogue avec mon pneumologue ? Cynthia était à mes côtés, c'est la première fois qu'ils se rencontraient. Elle l'a apprécié, l'a trouvé rassurant et assuré. J'espère qu'il en a été de même pour lui, qu'il a apprécié ma compagne et ses questions. Donc une troisième métastases a fait son apparition, s'est mis à exister, elle qui était dans le néant il y a encore trois mois, lors de ma dernière IRM. Elle mesure six millimètre, un peu plus d'un demi centimètre. Les deux autres mesure plus d'un centimètre. A présent qu'elles sont trois, en attendant la quatrième qui se manifestera dans quelques mois, certainement, elles peuvent commencer à jouer au tarot ou entamer un tournoi d'échec. Oui, puisqu'elles s'installent au détriment de mes neurones, prenant la place qui est normalement la leur, autant qu'elles se mettent à l'aise, verre et cartes en mains. Suis-je déçu, triste, affligé par la nouvelle ? Nullement. Je crois que je n'ai même pas été surpris tant, quelque part, je m'y attendais, m'y étais déjà préparé, avait anticipé la progression de mon cancer. Par contre, au niveau des poumons, tout va bien. Nul trace de nouvelle tumeur ou de métastases. J'ai juste des trous par-ci par-là dans mon poumon gauche, celui qui est encore entier. Ce sont des alvéoles qui sont mortes, crevées, d'où les trous, tout cela dû à la cigarette, cigarillos que je fume encore néanmoins, au grand dam de Cynthia, quoi qu'elle en dise, quoi qu'elle dit en penser.

Elle ne me fait pas la guerre, sage décision de sa part, même s'il est vrai que je ne suis pas sage. Mais durer, vouloir durer et s'en donner les moyens, tout cela n'est qu'une question de point de vue, de perception de l'existence, de la sienne, de celle des autres, de ce qui nous apparaît essentiel ou non, vital ou non, et là, c'est chacun sa sauce, chacun sa conception de ce qu'il faut faire ou ne pas faire, les valeurs morales comptant beaucoup dans nos prises de positions et les miennes, qui valent ce qu'elles valent, sont peu nombreuses, même de moins en moins nombreuses. Plus ça va et plus la morale m'encombre, me dérange, me paraît accessoire tant, si l'on creuse un peu dans leur fondement, elles sont toutes faciles à remettre en cause, des plus sales au plus propres, des plus vicieuses au plus nobles. Oui, tout cela n'est que construction, un peu comme une famille qui ne vit pas en parfaite osmose, voire pas du tout, mais qui s'acharne quand même à consolider la construction, quitte à aller contre vent et marée, quitte à aller contre le bon sens, préférant rester une famille, la construction, quitte à se déchirer, se chamailler, voire se battre. Oui, dans mon esprit, la morale est du même ordre d'idée. C'est une construction de l'esprit, ni plus ni moins, qui en arrange certain et en dérange d'autre. Comme quoi, aucune vérité ne se peut à travers elle, car aucune ne fait le consensus, strictement aucune. D'un individu à l'autre, d'une culture à l'autre, d'une foi ou absence de foi à l'autre, les valeurs ne sont pas les mêmes. Certaines se ressemblent, certes, mais si l'on commence à prendre l'état d'esprit global et toutes les valeurs qui lui sont associé, alors on ne peut que constater, admettre, que cela plaise ou non, que même les valeurs qui se ressemblent en apparence n'ont pas du tout la même signification d'une culture à l'autre. Oui, la majorité d'entre nous veut vivre en paix. Mais moi athée, j'ai ma méthode, mon code moral, mon petit manuel du bon comportement à avoir pour se faire. Mais un autre athée aura sans doute une autre méthode, un autre manuel du savoir-vivre. Quant à tout ce qui touche le religieux, la religion, il suffit simplement de lire les textes pour constater les fossés qui les séparent les uns des autres. Chaque religion a également sa propre méthode et les religions monothéistes, parce qu'elles se veulent des vérités révélées, chacune d'entre elle, ne peuvent tolérer, admettre, accepter la concurrence dans le domaine qui est le leur. Il ne peut y avoir plusieurs vérités révélées, car le propre de la vérité est d'être une, indivisible et universelle, faisant justement le consensus. Encore aujourd'hui, comme déjà hier et bien avant, c'est pour cette unique raison que beaucoup tuent en leur nom. Malheureusement ce n'est pas fini, demain sera semblable, car nous avons tant besoin de croire, peu importe en quoi, car même ne pas croire en Dieu c'est croire en quelque chose, que Dieu n'existe pas, donc oui, nous avons tant besoin de croire qu'il y aura encore des guère de « croyances », que ces dernières soient religieuses ou non.

Mais je m’égare de mon sujet initial, c'est à dire mon cancer et sa progression. Puisque tous les trois ou six mois une nouvelle métastase s'installe dans mon cerveau, mon pneumologue pense à une éventuel radiothérapie globale, une ou des séances où l'ensemble de mon cerveau serait irradié par les rayons X, histoire de prévenir la formation de nouvelles métastases. De cela il va en discuter avec mon radiothérapeute et, pour ma part, je ne m'en mêle pas, ne veut même pas m'en mêler. Je sais simplement que l'idée d'être complètement irradié ne m'enchante pas. Jusqu'à présent je n'ai eu que des séances ciblées sur mes métastases, uniquement elles, et j'en mesure chaque jours les dégâts, les effets secondaires sur ma psyché. Qu'en sera-t-il alors si tout est irradié ? Dans quel état vont ressortir mes facultés de compréhension, ma mémoire, ma concentration, mon attention, mon vocabulaire ? Quoi qu'il en soit, pour cette troisième métastase nouvellement arrivée, toute fraîche, le protocole de soin est déjà lancé. Rapidement je vais être convoqué par mon radiothérapeute et, avant mon déménagement pour Besançon, j'aurai donc le droit à de nouvelles séances de radiothérapie, l’œdème qui s'ensuivra et, certainement, à de la cortisone encore et encore, cortisone qui détruit petit à petit mes défense immunitaires et bouffe mes muscles. Oui, mon pneumologue, comme tous les médecins qui me suivent d'ailleurs, voudraient qu'arrive ce moment où je n'aurai plus besoin de ce médicament, certes utile, comme la chimiothérapie, mais également ravageur sur le long terme.

Tout ceci dit, je suis néanmoins serein, comme ce matin, comme hier et avant-hier. Quelque part cela m'indiffère d'avoir une nouvelle métastase, de constater que mon cancer progresse. Oui, cela ne m'inquiète même plus. Il y a encore un an, j'en aurai pleuré, j'aurai été en colère, en aurait voulu au ciel et à ses nuages d'une telle nouvelle. Je me serai muré dans le mutisme, c'est certain, mais à force, le temps aidant, car avec le temps tout passe, tout se digère d'une façon ou d'une autre, j'ai compris que j'étais également ma maladie, qu'elle n'était pas quelqu'un d'autre que moi, et qu'il ne servait donc à rien que je m'en prenne à elle, car le faire c'était m'en prendre à moi-même. Donc j'ai cette maladie comme d'autres choppe des rhumes, des boutons ou je ne sais quoi d'autre. Le mieux est de faire avec, d'accepter sereinement de me vivre avec, d'accepter qu'elle mènera certainement à ma mort, que ce sera elle la cause de cette mort et pas autre chose. Maintenant il se peut très bien que je me trompe, je ne suis pas devin, et que ce soit autre chose qui m'emporte dans les limbes du néant...

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